Les années Mitterrand

Archives et recherche au Centre d'histoire
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Quarante ans après la première élection de François Mitterrand à l’Élysée, Sciences Po et l’Institut François Mitterrand organisent une journée d’étude le 10 mai 2021 intitulée « Le printemps de François Mitterrand, chef politique devenu président ».

C'est, pour le Centre d'histoire, l'occasion de faire un point sur les différents fonds d'archives disponibles au Département archives de la Direction des ressources et de l'information scientifique (DRIS) (anciennement Archives d'histoire contemporaine) et ses précédents travaux ou articles de recherche autour de cette figure politique.

département archives

Pour rappeler le parcours de François Mitterrand sur la scène politique française et au sein des différents partis et mouvements socialistes, le département archives de la DRIS apporte des éléments complémentaires pour son parcours et son ascension au pouvoir.

Classique pour un homme politique de sa génération, François Mitterrand fait des études de droit et l’École libre des sciences politiques, d’où il sort cinquième de sa promotion (registres de scolarité). Évadé d'un camp de prisonniers pendant la guerre, en décembre 1941, il entre ensuite au Commissariat aux Prisonniers de guerre du régime de Vichy (recevant la francisque des mains du maréchal Pétain en décembre 1943) avant de rejoindre la Résistance au sein du Rassemblement national des prisonniers de guerre. En 1944, il prend la présidence du Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés et jouera un rôle important dans la structuration de ce mouvement à la Libération avant de se lancer dans la carrière politique. Dès ses 30 ans, François Mitterrand est élu député de la Nièvre en 1946 et entre dans le gouvernement Ramadier en 1947 en tant que ministre des Anciens Combattants. Affilié à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), il devient alors le plus jeune ministre de France et occupera par la suite onze fauteuils ministériels sous la IVe République (dont l’Intérieur et la Justice), tout en devenant maire de Château-Chinon, sénateur et président du conseil général de la Nièvre.

Le fonds de l’ UDSR (95 cartons conservés aux Archives Nationales sous les cotes 412/1-95) est un des premiers fonds qui constituent les Archives d'Histoire Contemporaine, AHC (intégrées récemment au Département archives). La convention de don de ce fonds à la Fondation nationale des sciences politiques a été signée entre François Mitterrand et François Goguel en juin 1973. Ce parti issu de la Résistance rassemble des personnalités politiques variées et s’emploie à occuper le centre de la vie parlementaire de 1948 à 1951. Après René Pleven, François Mitterrand est élu à la présidence de l’UDSR en 1953. Il tente alors de l’orienter davantage à gauche.

[Fig.1] Outre les archives qui retracent l’histoire de l’UDSR, ce fonds offre aussi aux chercheurs un fonds photographique (conservé au Département archives de la DRIS) très complémentaire, comme l’illustre cette photo de la passation de pouvoirs entre Léon Martinaud-Deplat et François Mitterrand au ministère de l’Intérieur le 21 juin 1954.

Mais l’UDSR a également joué un rôle stratégique dans la vie de la IVe République en tant que pro-européenne et en ralliant des députés africains. Elle offre également une tribune à François Mitterrand, tant comme chef politique que dans son opposition à de Gaulle et à la Ve République.

En 1965, l’UDSR se révèle utile pour la recomposition de la gauche non communiste. Elle participe avec la SFIO de Guy Mollet à la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Ce rassemblement permet à François Mitterrand de se déclarer candidat à l’élection présidentielle de 1965 et d’être présent au second tour avec 45% des suffrages face à Charles de Gaulle. 

[Fig.2] Le fonds Daniel et Cletta Mayer, coté MA, rassemble des archives s’étalant de 1927 à 1994 et fournit lui aussi des documents sur la place qu’occupa François Mitterrand dans le paysage socialiste et les liens qu’ont pu entretenir les deux hommes. Daniel Mayer, par exemple, soutient la candidature de François Mitterrand à la présidentielle de 1965 et garde sa profession de foi du second tour (que le Département archives conserve et vous présente ci-contre). Ils ont tous deux occupé des fonctions clés dans les différents mouvements socialistes. Daniel Mayer réorganise le Parti socialiste et devient secrétaire général du Parti socialiste clandestin réunifié en 1943. À partir de mai 1947, les deux hommes siègent ensemble dans le gouvernement Ramadier, Daniel Mayer ayant retrouvé le portefeuille du Travail et de la Sécurité sociale en faveur de la révocation des ministres communistes par le Président du Conseil. Député de Paris de 1945 à 1958, Mayer préside la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et contribue à l’échec du projet de communauté européenne de défense. Cette position lui vaut une suspension de la SFIO en 1958.

[Fig.3] Observateur privilégié du fonctionnement des mouvements socialistes, en tant que rédacteur en chef de l’Agence France Presse (AFP) puis administrateur du Nouvel Observateur, mais aussi en tant que responsable d’instances au sein du Parti socialiste de 1957 à 1979, Gilles Martinet a conservé des traces de l’investiture de François Mitterrand lors du congrès de Créteil de janvier 1981. Son fonds, coté MR, met en évidence le fonctionnement des mouvements socialistes au travers de ses fonctions.

Par ailleurs, pour compléter les recherches, les archives électorales rassemblées par le CEVIPOF conservent plus de 355 affiches, tracts, professions de foi et bulletins de vote sur François Mitterrand, numérisés avec la bibliothèque et disponibles en ligne.

D’autres fonds du département archives permettent de suivre les évolutions de ce chef politique, passé par toutes les élections jusqu’à l’Élysée, comme ceux du Groupe parlementaire socialiste (GPS), Maurice Grimaud, Bernard Poignant.

[Fig. 1] : Transmission de pouvoir entre Léon Martinaud-Deplat et François Mitterrand son successeur au ministère de l'Intérieur, 21 juin 1954, Fonds UDSR, 10 UDSR 5 photo 13. Direction des Ressources et de l'Information Scientifique - Département archives. Tous droits réservés.

[Fig. 2] : Élection présidentielle de 1965, second tour, 19 décembre 1965, profession de foi de François Mitterrand, Fonds Daniel et Cletta Mayer, 3 MA 29 Dr 4. Direction des Ressources et de l'Information Scientifique - Département archives. Tous droits réservés.

[Fig. 3] : Manifeste du congrès extraordinaire du Parti Socialise réuni à Créteil le 24 janvier 1981, Fonds Gilles Martinet, MR 10 Dr 8. Direction des Ressources et de l'Information Scientifique - Département archives. Tous droits réservés. 

Histoire@Politique

La présidence de François Mitterrand a été marquée par un rapprochement franco-allemand sans précédent, symbolisé par la poignée de main de Verdun. C’est durant son double septennat que la coopération entre les deux pays, héritée des décennies précédentes, a pris toute son ampleur. Or, la politique allemande de François Mitterrand s’inscrit dans sa vision globale de ce que sont les intérêts de la France, c’est-à-dire le maintien de la paix à travers la réconciliation avec l’Allemagne et l’intensification de la construction européenne, dont Bonn est par ailleurs la clé. Le couple franco-allemand est ainsi un outil au service de l’Europe, elle-même conçue comme le levier de la puissance française et l’assurance d’un avenir pacifique.

L’équilibre idéologique du parti socialiste français, depuis l’unification de 1905, a toujours résulté de la tension entre réforme et révolution. La refondation du parti au congrès d’Épinay n’a pas rompu avec ce schéma. François Mitterrand a revendiqué une volonté de rupture mais il a créé les conditions politiques qui ont conduit à un effacement de la perspective révolutionnaire. Lionel Jospin, Premier ministre, a tenté d’établir une nouvelle synthèse idéologique. Mais les conditions de sa défaite de 2002 ont ruiné cette tentative. Le parti, pour conserver son unité, a abouti en 2007 à une synthèse sans orientation idéologique claire. La nouvelle déclaration de principe de 2008 affirme la nature réformiste du parti. Mais le projet socialiste de 2010 entretient une forte ambiguïté sur ce point.

La proximité dans le temps entre l’avènement au pouvoir de la gauche en 1981 et la percée électorale de l’extrême droite en 1983 est-elle une pure coïncidence ou serait-on fondé à y voir une relation causale ? Sans chercher à lire la montée du Front national à travers une grille mono-causale, l’analyse proposée ici souligne la sensibilisation croissante de l’électorat à la question de l’immigration sur fond de crise économique à partir de la seconde moitié des années 1970 et affirme que le rapide échec de la politique de relance menée par la gauche à partir de 1981 semble avoir servi de catalyseur à l’émergence électorale de l’extrême droite deux ans plus tard.

Cet article propose de réfléchir au rapport des notables à la modernisation de la vie politique, à travers la trajectoire de Gaston Defferre, député-maire socialiste de Marseille de 1953 à 1986. Il s’agit de dépasser une lecture opposant notabilité et modernité et d’analyser leurs rapports complexes à trois périodes différentes : la Libération pose le dilemme entre défense des idéaux résistants et construction d’un ancrage local ; la Cinquième République confronte le notable aux défis de la modernisation institutionnelle et partidaire ; les années 1970-1980 voient coexister un ministre modernisateur, maître d'œuvre de la décentralisation, et un notable vieillissant, emblématique d'une sclérose politique locale.

Directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur de 1981 à 1983, Maurice Grimaud se trouvé d’emblée placé dans une situation complexe. Il est nommé après une décennie au cours de laquelle la gauche n’a cessé de dénoncer vigoureusement le fait que la police et les services de renseignement ont été mis au service des objectifs politiques de la majorité. Place Beauvau, auprès d’un ministre peu intéressé par la prise en charge de « l’État secret », le préfet Grimaud est un acteur central de la collision entre l’idéal politique de l’ancienne opposition et la loi d’airain que les services de renseignement imposent à l’État. L’absence totale de préparation par l’équipe de campagne et par le PS ainsi que la neutralité de Grimaud qui n’est pas un militant politique de la nouvelle majorité, facilitent l’accommodation rapide de celle-ci aux réalités de la part secrète de l’État. Dès l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, l’État secret s'impose.

Adopté en 1971, le logo « le poing et la rose » marque l’entrée des socialistes français dans l’ère de la communication politique, enrichit leur univers symbolique d’une fleur et s’accompagne d’un geste – brandir une rose – que la victoire de Mitterrand en 1981 magnifie. Repris par de nombreux PS européens, il a été depuis délaissé, et subsiste comme trace de son impact à travers sa rose rouge encore très présente. Par deux fois depuis les années 2000, le PS a changé de logo, sans pour autant abandonner l’image du poing et de la rose : un choix dicté par la fidélité des socialistes à une histoire, ou par les agences de communication ? Observer le sort que les socialistes réservent à leur symbole peut éclairer leurs difficultés, d’hier à aujourd’hui, à montrer ce qu’ils sont et à tracer le chemin qu’ils veulent emprunter.

Certains dossiers ne sont pas directement liés à François Mitterrand mais traitent des chefs d'État, des notables, du socialisme :

PRÉCÉDENTS ÉVÉNEMENTS SCIENCES PO LIÉS À FRANÇOIS MITTERRAND

Appel à candidatures  | Université d'été à la Casa de Velázquez

Date limite : 13 mai 2021
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Université d'été à la Casa de Velázquez

La République avant l'État : repenser les corps politiques dans les mondes atlantique et méditerranéen (XVIIe-XIXe siècle)

Madrid, 29 juin-2 juillet 2021

 

Coord. : Olivier CHRISTIN (Université de Neuchâtel / Centre européen des études républicaines - Paris Sciences Lettres), Alexandre FRONDIZI (Université de Neuchâtel), Clément THIBAUD (École des hautes études en sciences sociales), Geneviève VERDO (Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne)
Org. : École des hautes études hispaniques et ibériques (Casa de Velázquez), Centre européen des études républicaines (CEDRE, Paris Sciences Lettres), Université de Neuchâtel, École des hautes études en sciences sociales, LabEx Tepsis

Date limite d'inscription : 13 mai 2021

Présentation

L’histoire politique de la période moderne, comme celle du XIXe siècle, a longtemps été frappée au coin du modèle étatique, voire de l’inéluctabilité de l’avènement de l’État-nation. Cependant, depuis les années 1980, nombre de travaux en histoire du droit et des idées politiques dans les mondes atlantique et méditerranéen ont contribué à remettre largement en cause les catégories forgées par ce modèle, que ce soit pour penser le gouvernement dans le cœur des monarchies impériales ou des cités italiennes ou pour décrire la formation même du langage de la politique. L’objectif de cette université d’été, dont le propos appelle un cadre chronologique large, est de présenter un bilan de ces entreprises historiographiques de déconstruction de l’État, et de s’interroger sur ce qu’elles mettent en cause. Il s’agira, à partir de méthodes et de techniques renouvelées, de saisir les formes du gouvernement aux échelles où elles se jouent, de comprendre la formation des catégories d’entendement qui déterminent l’idée même de la politique, de réfléchir à la structure des monarchies impériales et à leur mode de gouvernement, ainsi qu’à la question des communautés et des statuts personnels.

L’ambition de ces travaux serait de constituer une sorte de « boîte à outils » historiographique et conceptuelle susceptible de servir dans des contextes apparemment dissemblables, comme ceux des États de la raison d’État en Italie, de la Révolution anglaise ou des nations qui surgissent après les indépendances latino-américaines, en prenant acte de la circulation des concepts, des réflexions entre eux. On peut, à titre d’exemple chronologiquement liminaire, rappeler que le livre célèbre de Giovanni Botero sur la raison d’État – 1598 pour la version finale – est traduit dans l’année en castillan « por mandado del Rey », que de nouvelles éditions paraissent dès 1603 à Burgos, ou encore que ses Relationi Universali consacrent, aux livres I et IV notamment, de longues analyses au Nouveau Monde et aux formes d’autorité exercées par les Rois d’Espagne. D’une manière générale, les contextes que l’on souhaite évoquer ici sont au fond caractérisés par une même nécessité d’écrire une histoire éloignée des constructions théoriques initiées par Bodin et des récits téléologiques sur la marche inexorable de l’État.

Pour le monde ibérique, la déconstruction de l’État constitue le point de convergence de différentes approches historiographiques. Des historiens modernistes comme Pablo Fernández Albaladejo ont mis en évidence la force du modèle corporatif à l’œuvre dans la Monarchie espagnole, et sa longévité face aux tentatives – peu abouties – d’imposition d’une monarchie « administrative » souvent assimilée par l’historiographie à un tournant « absolutiste » qui se serait produit sous l’égide des Bourbons. De leur côté, des historiens de la période des indépendances comme François-Xavier Guerra ou José Carlos Chiaramonte ont remis en cause le paradigme national comme prélude au bouleversement révolutionnaire, contribuant ainsi à réinscrire les territoires américains dans le cadre impérial et à en accroître l’intelligibilité. Un tel changement de perspective a nourri, en amont de la rupture révolutionnaire, des travaux sur la nature même de ces monarchies impériales. En mettant l’accent sur leur caractère agrégatif et polycentrique, ceux-ci ont relativisé le clivage traditionnel entre métropole et colonies et en ont tiré d’intéressantes conclusions sur la nature du gouvernement. En aval, les historiens des révolutions et du XIXe siècle se sont également interrogés sur le type de régime issu du démantèlement des empires, sur la question du sujet de la souveraineté et sur les variantes hispaniques du libéralisme et du républicanisme.

Les historiens s’inscrivant dans le courant de l’histoire critique du droit ont eu un rôle décisif dans cette entreprise de déconstruction historiographique de l’État. Bartolomé Clavero et Antonio Hespanha, pour ne citer qu’eux, ont démontré dans leurs travaux que le gouvernement des monarchies ibériques relevait d’une logique essentiellement juridictionnelle. Les magistrats des corps de ville tout comme les officiers royaux faisaient office de juges, et leur mission consistait à rétablir chacun dans son droit, conformément à une anthropologie catholique de l’harmonie et de la concorde. Cette exigence de « quiétude » les amenait à choisir, parmi un corpus de normes extrêmement hétérogènes, celles qui étaient le mieux à même de parvenir à ces fins. Partant, ils « disaient » le droit au sens plein du terme, en oracles des normes et dispensateurs de sentences, ce que résume la formule de « justice des juges » due à Marta Lorente.

Cette lecture juridictionnelle du gouvernement a donné aux historiens du politique et des institutions les outils intellectuels pour contester le paradigme étatique partout où il était à l’œuvre, pour remettre en cause le tournant centralisateur et absolutiste des réformes bourboniennes et pour repenser la nature des régimes politiques et l’exercice de l’autorité dans les nations issues des révolutions atlantiques. La démarche anthropologique et conceptuelle propre à l’histoire critique du droit a répondu à ce type d’entreprise : la mise en évidence de la cité (ou république) comme sujet politique de premier plan dans la crise des monarchies ibériques comme dans les constructions politiques ultérieures a attiré l’attention des historiens sur les cadres pluriels de la souveraineté et sur la force du modèle confédéral ; le rôle primordial des cabildos dans l’exercice du gouvernement a été souligné, ainsi que la force des logiques corporatistes et communautaires, autant d’éléments auxquels le paradigme juridictionnel permettait de donner sens.

De la même manière, ce paradigme a permis de réviser de fond en comble la façon dont les principes du libéralisme se sont acclimatés dans les mondes ibérique et italien. Concevoir la république comme corps et le gouvernement comme juridiction permet ainsi de lire la représentation politique comme incarnation de la communauté et non comme médiation, ce qui revalorise et enrichit la compréhension d’éléments comme le mandat impératif, les pétitions, les assemblées ou les pronunciamientos. La prise en compte de la non-dérogation des lois permet, en second lieu, de considérer le constitutionnalisme comme un processus consultatif ou juridictionnel, bien loin du sens que lui confère le libéralisme classique. La conception orthodoxe de la séparation des pouvoirs est également mise à mal, ce qui permet de redonner une intelligibilité aux expressions prétendument illibérales de la modernité que sont, entre autres, le caudillisme, l’unanimisme, ou la pratique récurrente des facultés extraordinaires.

Au-delà de la question du gouvernement, ces nouvelles propositions historiographiques ont amené les chercheurs à s’interroger sur les types de sociétés régies par le gouvernement juridictionnel. François-Xavier Guerra avait précocement souligné que les principes dits « modernes » s’implantaient dans des sociétés fortement traditionnelles, corporatistes, hiérarchiques et entièrement structurées par la religion. Si ce binôme tradition/modernité a été largement critiqué et relativisé, il avait le mérite de mettre l’accent sur un problème susceptible d’être transformé en chantier de recherche : à quelles sociétés (au pluriel) avait-on affaire dans les monarchies ibériques et leurs extensions impériales avant les indépendances, et dans quelle mesure celles-ci furent-elles transformées par les révolutions atlantiques ? Autrement dit, quels étaient les principes de cohésion de ces communautés et comment se sont-elles recomposées à l’aune du principe de la souveraineté du peuple ?

Considérées sous l’angle du droit, ces questions renvoient à celle du statut des personnes et des communautés, juridiquement défini, et pris dans des dynamiques complexes de réclamations, gratifications et désir d’ascension. L’époque républicaine, marquée par la militarisation et le surgissement de nouveaux langages politiques, ajoute de la complexité à cette grammaire des corps et des statuts et au problème récurrent du gouvernement des hommes. La multiplication des travaux sur l’administration de la justice à l’époque républicaine, au croisement de l’histoire sociale et de l’histoire du droit, rend bien compte de ces questionnements qui étaient ceux des administrateurs de l’époque avant de devenir ceux des historiens.

Poser la question des corps politiques et de leur gouvernement dans les mondes atlantique et méditerranéen permet ainsi d’interroger à nouveaux frais les formes de continuité entre les périodes moderne et contemporaine et de repenser dans son entièreté un XIXe siècle débarrassé de sa gangue étatique, voire nationale. Une compréhension fine du cas ibérique est en effet susceptible d’éclairer d’un jour nouveau des phénomènes comparables, mais peut-être moins repérés pas l’historiographie, que ce soit en France, en Italie, ou dans le monde anglophone.

Car toutes proportions gardées, les mêmes interrogations traversent aujourd’hui la recherche sur la formation et la circulation des républicanismes dans l’Europe moderne, en-deçà et au-delà d’une coupure révolutionnaire dont le caractère matriciel est fortement contesté. Il serait aujourd’hui illusoire de vouloir opposer à toute force et dans tous les contextes une liberté des anciens et une liberté des modernes, un républicanisme néo-romain de la vertu et un républicanisme libéral des droits qui se succéderaient chronologiquement. Au contraire, s’observent désormais parfaitement les exemples de conciliations, d’hybridations et de chevauchements, jusque dans les textes d’un Sidney notamment. Ces expériences spécifiques, longtemps écartées ou occultées par la tradition historiographie dominante, invitent à réhabiliter elles aussi, comme dans le cas des univers ibériques, des questions, des procédures, des corps, des doctrines, des chronologies longues : la poursuite du Bien Commun ou de l’intérêt général au-delà des intérêts de l’État ou du Prince ; la place des aspirations et des injonctions religieuses dans la manière de penser la communauté ou le peuple ; le rôle conféré à la vertu ; la poursuite de formes idéales de représentation-incarnation. On pourrait ici mentionner, à des titres divers, les travaux de Quentin Skinner, Philipp Pettit, Rachel Hammersley, Keith Baker ou encore, sur un autre plan, de Dale van Kley. C’est en cela que la comparaison avec l’Italie, la France, la Suisse et, même, l’Angleterre ne sont pas concession à une mode intellectuelle, mais bien exigences scientifiques.

En définitive, le défi lancé par cette université d’été est celui de faire dialoguer, via les républicanismes classiques et chrétiens, logiques juridictionnelles du gouvernement monarchique et pratiques républicaines post-révolutionnaires. Elle souhaite poser les bases d’une histoire longue de la cité républicaine.

[18/03/2021]

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Poste de PRAG, Université de Pau et des Pays de l'Adour

Date limite : 16 avril 2021 16:00

Le département d'histoire de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour publie un poste de PRAG en histoire.

Date de prise de fonction envisagée : 1er septembre 2021
Dossier de candidature à déposer obligatoirement sur Galaxie

Profil détaillé et informations complémentaires

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Professeur-e ordinaire en histoire contemporaine (Université de Fribourg)

Date limite : 31 mars 2021

La Faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université de Fribourg (Suisse) met au concours un poste de

Professeur-e ordinaire (éventuellement open rank) à 40% - 50% en histoire contemporaine générale et suisse (spécialisé-e en histoire culturelle)

Le candidat ou la candidate est titulaire d’un doctorat et d'une habilitation ou de qualifications jugées équivalentes. Il ou elle possède les compétences scientifiques requises pour enseigner, au niveau universitaire (programmes d’études Bachelor et Master), l’histoire contemporaine (19e et 20e siècles) générale et suisse et est spécialisé-e en histoire culturelle, dans une acception large et dans une perspective internationale. Il ou elle dispose d’une expérience adéquate dans l’enseignement, dans la conception et la gestion des projets de recherche (capacité à obtenir des fonds tiers), ainsi que d’un réseau d’échanges académiques et scientifiques. La candidate ou le candidat fait preuve de capacités à s’intégrer à une équipe.

Le candidat ou la candidate devra contribuer à des formations post-grade et encadrer des travaux de recherche à tous les niveaux (travaux de Bachelor, mémoires de Master, thèses de Doctorat). Il ou elle devra également participer à la gestion et à l’administration au sein du Département et de la Faculté des lettres et des sciences humaines.

Langue d'enseignement : français, bonnes connaissances de l’allemand et de l’anglais exigées.

Entrée en fonction : 1er septembre 2021 ou date à convenir.

Soucieuse de promouvoir une représentation équitable des femmes et des hommes, l'Université de Fribourg encourage vivement les candidatures féminines. En tant que signataire de la déclaration DORA, l’Université de Fribourg met l’accent sur une évaluation qualitative des résultats académiques.

Les dossiers de candidature, munis des documents usuels (lettre de motivation, curriculum vitae, liste de publications et des enseignements, liste des projets de recherches terminés ou en cours), sont à adresser jusqu’au 31 mars 2021 sous forme électronique au Décanat de la Faculté des lettres et des sciences humaines à jobs-lettres@unifr.ch.

Renseignements supplémentaires auprès de Jean-François Fayet, Département d’histoire contemporaine, Université de Fribourg (Suisse) : jean-francois.fayet@unifr.ch.

Jean-François Fayet
Professeur ordinaire, Département d'histoire contemporaine de l'Université de Fribourg
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Prix de la Fondation des travaux historiques et scientifiques

Dates limite : 30 avril 2021 et 31 mai 2021

La Fondation des travaux historiques et scientifiques a été créée par le CTHS, l’École nationale des chartes et l’Académie des sciences morales et politiques. Elle a pour ambition de soutenir les jeunes chercheurs (grâce à un prix de thèse), les sociétés savantes et des projets qui associent des collégiens ou des lycéens et des associations scientifiques. Chaque année, les lauréats des différents appels à projets sont accueillis à l’Institut de France à l’occasion d’une cérémonie de remise des prix. Cette politique est financée grâce aux dons versés à la Fondation par des entreprises ou des particuliers.

Les prix sont décernés sur proposition d’un jury composé des membres du conseil de la Fondation, à parité entre les représentants du CTHS et les représentants de l’Académie des sciences morales et politiques.

Appel à candidature 2021
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