Appel à communications | Colloque Étudiants, intellectuels et artistes étrangers en France en mai-juin 68

Appel à communications | Colloque Étudiants, intellectuels et artistes étrangers en France en mai-juin 68

Deadline : 30 septembre 2020

Appel à communications/ Call for papers

Colloque Étudiants, intellectuels et artistes étrangers en France en mai-juin 68.

11 et 12 Février 2021
Paris, Centre d’histoire sociale des mondes contemporains/Campus Condorcet – 93000 Aubervilliers

L’historiographie « des années 68 » a récemment privilégié une approche globale des mouvements sociaux, mettant l’accent sur les circulations et les échanges d’un pays ou d’un continent à l’autre. Cette historiographie est très riche, comme l’est aussi celle concernant plus spécifiquement le Mai français. Il demeure néanmoins quelques angles morts, ou quelques terrains qui n’ont pas été explorés. L’un de ceux-ci est le rôle des étudiants étrangers voire plus largement des intellectuels et artistes étrangers (écrivains, artistes, musiciens, enseignants etc.) en France en mai-juin 68. Cette présence des étrangers en France a fait l’objet d’études quand il s’agissait des travailleurs immigrés dont on sait désormais l’importante participation au mouvement de Mai. Mais la présence d’étudiants et/ou intellectuels, et partant leur participation au mouvement, reste encore largement ignorée. Ils sont alors nombreux à étudier dans la capitale française, ou dans d’autres villes universitaires du territoire. Ils représentent 5,7% de la population étudiante totale en 1968-1969, et cet effectif va croître très fortement à partir de la fin de l’année 68. Ils sont africains (Afrique du Nord et Afrique sub-saharienne), européens (allemands, portugais, italiens, espagnols, grecs, britanniques), sud-américains, israéliens, américains du Nord (États-Unis ou Québec), palestiniens. Ils adhèrent généralement au Mai français tout en mettant en œuvre des logiques spécifiques liées aux conditions politiques et sociales de leur pays d’origine.

Qu’il s’agisse de contester des dictatures pour les Grecs, Portugais, Espagnols, Argentins, Brésiliens, ou Tchécoslovaques et Polonais, de contester la guerre du Vietnam ou le racisme (Américains), de lutter pour la paix en Palestine, ils insèrent au sein du Mai français leurs revendications et profitent de ce moment de libération exceptionnelle de la parole pour élever eux aussi la voix. Il s’agit donc ici de rendre compte de leurs paroles et actes en France mais aussi de la situation en 1968 de leurs pays respectifs, ou plutôt de ce que leurs paroles et actes en France témoignent de la situation dans leur pays d’origine. Des oppositions à bien des régimes autoritaires se sont constituées en exil. Les événements de mai changent-ils la donne ? Les slogans sont-ils alors transformés ? Les attentes ou espoirs bouleversés ? Ces étudiants peuvent pratiquer un certain entre-soi ou, au contraire, profiter du mouvement pour internationaliser les contacts, pour nourrir leur expérience militante de celles de camarades étrangers. À l’inverse, on peut s’interroger sur ce que le mouvement de Mai doit à ces étudiant.e.s, intellectuel.le.s et artistes venu.e.s d’ailleurs : comment la circulation des savoirs et des pratiques - en particulier dans le domaine militant (slogans, idées, modes d’action )- a-t-elle pu influer sur les répertoires militants en France ? Les Unions et Fédérations d’étudiants étrangers ont-elles joué un rôle ?

Quels livres (parfois traduits par les étudiants eux-mêmes), quelles musiques ou chants, quels films dans ce moment charnière ont pu circuler parmi ces hommes et ces femmes, et jouer un rôle sur les acteurs ? S’intéresser aux étudiants, intellectuels et artistes étrangers, c’est aussi scruter les rencontres improbables que les événements rendirent possibles, voire les relations amicales ou amoureuses qui s’épanouirent alors. C’est comprendre aussi ce que le politique peut faire à l’intime dans le monde des exilés, et dans un moment aussi extraordinaire, au sens premier du terme. Les lieux de vie des étudiants étrangers, les résidences et les foyers étudiants telle la Cité internationale universitaire de Paris, pourront faire l’objet d’une étude spécifique : pépinières de rencontres internationales, ces lieux sont souvent des incubateurs d’idées et d’actions militantes.

Les événements ont pu bouleverser les habitudes ou en créer de nouvelles, modifier ou non les rapports de genre. À l’inverse des situations heureuses, des bonheurs nés de l’adrénaline de l’action collective, comment les évènements de 68 ont-ils créé ou accru les inégalités sociales entre étudiants français et étrangers ? L’éloignement familial dans ce cas peut peser lourd, que ce soit financièrement ou psychologiquement, quand des réseaux de solidarité peuvent aussi se mettre en place qu’ils soient intra ou extra- communautaires. Ce colloque s’intéressera donc à la vie militante et quotidienne de ces étudiants et intellectuels étrangers dans leur dimension politique, économique, sociale et culturelle. On ne s’interdira pas non plus de penser l’après mai 68. Qu’est-ce que les évènements ont fait à des trajectoires jusqu’alors linéaires ? Ont-ils bousculé des certitudes, impulsé des retours aux pays prématurés par rapport aux projets antérieurs ? ou au contraire des installations plus définitives ? Certaines figures d’étudiants étrangers ont-elles émergées pour s’installer durablement dans la vie étudiante et/ou militante française ? Ont-ils provoqué des formes d’établissement, en France ou ailleurs ? Qui sont les expulsés ? Qu’est-il advenu d’eux ? La participation des étudiants étrangers au mouvement de 68 a-t-elle creusé des filières de mobilités étudiantes pour les années suivantes ? Plusieurs types d’approche sont possibles : des approches de groupe d’une part, comme par exemple les étudiants palestiniens et leur rôle dans le Mai français ou des études plus biographiques, tout autant que des histoires de vie saisies à un moment donné, ou des productions textuelles ou artistiques conçues par ce type d’acteurs pendant Mai-Juin 68 et qui donnent à voir ou à penser ces évènements. On souhaite ainsi, comme en Mai, faire fi des frontières et penser le monde de l’année 68, en une démarche d’histoire globale.

Une exposition virtuelle, destinée à valoriser le fonds d’archives Mai-Juin 68 du Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (http://chs-maijuin68.huma-num.fr) avait déjà réuni quelques chercheurs sur cette problématique. Elle est bien entendu loin d’épuiser le sujet, et constitue plus une amorce qu’une exposition exhaustive. Nous espérons donc avec ce colloque réunir d’autres contributions, élargir les problématiques, écouter aussi et recueillir des témoignages. Comme dans l’exposition virtuelle, nous incluons les Départements d’Outre-Mer étant donné la vigueur qu’avaient alors les mouvements indépendantistes et l’impact qu’a pu avoir la présence de leurs ressortissants en métropole pour ces mouvements.

Comité scientifique

Ludivine Bantigny (GRHis, Université de Rouen) , Françoise Blum (Centre d’histoire sociale des mondes contemporains, CNRS), Gabrielle Chomentowski (Centre d’histoire sociale des mondes contemporains, CNRS), Frank Georgi (Université d’Evry Val d’Essonne), Boris Gobille (ENS Lyon), Burleigh Hendrickson (Pennsylvania State University), Jean-Pierre Le Foll Luciani (Education nationale), Edenz Maurice (Centre de recherches sur les mondes américains/Centre d’histoire de Sciences po), Eugénia Palieraki (Centre de Philosophie Juridique et Politique, CY Cergy Paris Université), Ophélie Rillon (Les Afriques dans le monde, CNRS), Alexis Roy (IMAF, CNRS), Palmira de Sousa (Campus Condorcet), Guillaume Tronchet (Institut d'histoire moderne et contemporaine, ENS-Paris 1-CNRS).

Les propositions de communications (5000 signes maximum), accompagnées d’un bref CV sont à faire parvenir à l’adresse suivante : fblum@univ-paris1.fr avant le 30 septembre 2020.

Lire le détail de l'appel (PDF, 149Ko)

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