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18.02.2022

Présidentielle 2022 : quelle place pour le numérique ?

« Pourquoi le numérique est-il si peu présent dans la campagne présidentielle ? » s’est interrogé Dominique Cardon, directeur du médialab de Sciences Po et enseignant en sociologie, en introduction à l’événement « Présidentielle 2022 : le débat du numérique » organisé à Sciences Po le 16 février. Pour répondre à cette question, à ce constat partagé par les conseillères et conseillers en charge du numérique des candidats à l’élection présidentielle française invités à débattre, Sciences Po et le McCourt Institute ont créé l’occasion de se plonger au cœur des sujets numériques phares en France et en Europe. 

Comme rappelé en ouverture par Shéhérazade Semsar-de Boisséson, directrice exécutive inaugurale du McCourt Institute, dans cette nouvelle ère du numérique qui s’annonce, il sera primordial de travailler sur « la technologie pour le bien commun ». Ce slogan proposé par le McCourt Institute dans le cadre du projet de recherche lancé à Sciences Po l’année dernière, a servi de point de départ aux échanges portant sur des problématiques sociales aussi diverses que le droit du travail, l’environnement, le statut de la France sur l’échiquier mondial ou encore l’accès à Internet.

Sur la question d’une souveraineté française

La question du rôle de la France sur la scène mondiale en matière de numérique était au coeur du débat. Les représentantes et représentants des candidats se sont accordés pour admettre que jusqu’à présent, le rôle et l’influence de la France restent assez faibles par rapport aux puissances technologiques des États-Unis et de la Chine. Au-delà des clivages idéologiques, ils souhaitent collectivement voir une montée en puissance de la France sur l’échiquier mondial.

Outre les différends concernant les priorités politiques dans notre ère numérique avec ses complexités et ses contradictions, Dominique Cardon s’est interrogé sur le « contrôle de la vitesse du train » numérique. Faut-il réguler ? De quelle manière ? Par quels moyens ?

La France, peut-elle être « championne » du numérique ?

Lors du débat, certains ont argué que la régulation pourrait aller à l’encontre d’une France « puissante ». Samuel Lafont, conseiller en charge du numérique d’Eric Zemmour, candidat Reconquête !, estime que « la France peut être un grand champion » et doit procéder à une accélération pour rattraper les États-Unis et la Chine sur le plan numérique.

Nelly Garnier, conseillère de Paris, conseillère régionale d'Ile-de-France et conseillère en charge du numérique de Valérie Pécresse, candidate Les Républicains, s’est, quant à elle, exprimée sur son souhait que les Français deviennent les « champions européens » et s’est posé la question : « Est-ce que l'on démissionne ou est-ce que l'on considère que l'on peut avoir des champions français ou européens ? ».

Vers une régulation du numérique ?

En réponse à la question « Faut-il avant tout réguler le web 2 » avant de se soumettre aux « promesses du web 3.0 » posée par Jacques-Henri Eyraud, professeur affilié au Centre pour l’entrepreneuriat de Sciences Po et président Europe de McCourt, Nelly Garnier a affirmé qu’« on a la possibilité de se positionner sur le web 3 » en utilisant, ce qu’elle a appelé un « bac à sable réglementaire » afin de tester les formes de régulation. Est-il donc possible que la France puisse grimper les échelons pour devenir une puissance mondiale sur la question du numérique, tout en visant davantage de régulation ?

Bien qu’il y ait eu cette volonté prononcée de créer une France « puissante », d'autres représentantes et représentants ont affirmé une nécessité de réguler. Ne souhaitant pas ignorer l’importance de la régulation pour les Français, Jill-Maud Royer, conseillère en charge du numérique de Jean-Luc Mélenchon, candidat France insoumise, a souligné qu’il faudrait « sortir de l’idée que la régulation est compliquée » car cette idée « plaît aux GAFAM » et nuit donc à l'influence de la France sur le marché mondial.

Eric Bothorel, député des Côtes-d’Armor, relais thématique « numérique » de la majorité présidentielle, s’est joint à cette idée, en notant que « l’échelon de régulation le plus pertinent est l’Europe » où « il faut qu’il y ait un cadre harmonieux » afin de développer les technologies et se positionner de manière plus globale.

Quelle place pour l’environnement ?

Pour Rémi Cardon, sénateur de la Somme, conseiller en charge du numérique d’Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste, en ce qui concerne la question de la régulation et l’idée d’être « champions » du numérique : « il faut les deux ». Néanmoins, « on ne peut pas fermer les yeux » par rapport aux questions environnementales.

L'enjeu environnemental est évidemment un sujet phare pour Syvlain Raifaud, conseiller de Paris, conseiller en charge du numérique de Yannick Jadot, candidat Europe Écologie-Les Verts, qui s’est exprimé en faveur d’une régulation à la fois au niveau local et national, ainsi qu'à l'échelle européenne. Pour lui, la question de régulation est intrinsèquement liée aux problématiques environnementales. En citant les statistiques liées à l’usage du Bitcoin, il a affirmé que « la technologie n’est pas bonne en soi », car, selon son calcul, un seul Bitcoin utilise 61 litres d’essence. Cet exemple illustre, selon lui, un phénomène plus large de manque de régulation qui nuit à la société française actuelle.

Vers des « réflexions au-delà des clivages »

En fin de discussion, Shéhérazade Semsar-de Boisséson s’est exprimée à nouveau sur l’importance des conversations qui promeuvent des « réflexions au-delà des clivages ». Bien que les conseillers des candidats aient parfois des idéologies diamétralement opposées, cela n’empêche pas des moments d’accords et d’échanges au-delà des partis politiques. Lors de cet événement, une chose était certaine : les idées étaient au rendez-vous pour une réflexion approfondie sur notre rapport au numérique.

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