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13.05.2022

Fort moment d’échanges entre Volodymyr Zelensky et les étudiantes et étudiants de France

Discours de Mathias Vicherat avec Volodymyr Zelensky en visioconférence (crédits : Aurore Papegay / Sciences Po)

Face à des amphithéâtres bondés et parés de drapeaux bleu et jaune, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a échangé, mercredi 11 mai 2022, pendant plus d’une heure avec plusieurs centaines d’étudiantes et étudiants de Sciences Po, de l’Institut National du Service Public, de l’École Polytechnique, de l’Inalco et de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, de l’Univesité Paris II Panthéon Assas, de l’IEP de Lille, de Sorbonne Université, de l’Université de Haute-Alsace, de l’École du Louvre, de l’Université de Lyon, de Sorbonne Paris Nord. Dans toute la France, de très nombreux amphithéâtres ont été ouverts, et des dizaines de milliers de personnes ont pu suivre, en personne ou en ligne, cet échange inédit.

“C'est aujourd'hui le soixante-dix-septième jour de la guerre de grande envergure contre la Russie, qui a commencé dans la soixante-dix-septième année après la fin de la plus grande guerre qu’ait connue l’Europe,” a débuté le président Zelensky, en direct depuis Kiev. Plutôt qu’un discours préparé, ce dernier a souhaité poser des questions aux étudiants de France, “pour que ce soit un réel dialogue”. “Pourquoi notre maison européenne commune connaît-t-elle toujours des séparations, entre ceux qui sont à l’intérieur et ceux derrière la porte qui, comme l'Ukraine, se battent pour défendre les valeurs fondamentales de l’Union européenne ?”, a-t-il soulevé, énumérant un à un les crimes de guerre commis par la Russie pendant ces 77 jours d’invasion. 

Pourquoi l’architecture de sécurité fondée depuis la fin de la IIe Guerre mondiale "n’a-t-elle pas commencé à fonctionner ?" Pourquoi une seule personne, Vladimir Poutine, a-t-elle pu décider de commencer cette guerre - et êtes-vous, en France, réellement protégés d’un sort similaire ? Pourquoi ces violences terribles et inhumaines commises par les soldats russes ? Comment la justice sera-t-elle rendue ? Autant de questions soulevées par le président Zelensky, pour finir sur une interrogation profondément personnelle, adressée à tous les jeunes du public : “Voudriez-vous que votre père soit président d’un pays qui se bat, se défend pour son droit de vivre ?”

“Vous nous questionnez sur le droit international, le droit de la guerre, les règles construites pour la communauté internationale. Vous nous interpellez sur le manque d’humanité que vous subissez chaque jour, sur votre souhait de pouvoir vivre en paix et en sécurité. Sciences Po est le temple de la connaissance, nous y accédons par le questionnement. À ce titre, merci pour ces interrogations qui nous touchent collectivement, nous allons nous efforcer de vous répondre”, a déclaré Arancha González, doyenne de l'École des affaires internationales de Sciences Po (PSIA).

Ainsi, neuf étudiants, de diverses universités et nationalités, ont pu poser des questions au président ukrainien, et tenter de répondre aux siennes. Au cœur du dialogue, une certitude martelée par Volodymyr Zelensky : c’est la jeunesse de l’Ukraine, de son président et de sa population qui résiste “avec une immense foi en l’avenir et une énergie incommensurable”, qui lui apportera la victoire. “Notre jeunesse la plus intrépide est aujourd’hui en guerre, nos étudiants font des files d’attente interminables pour se battre et défendre notre indépendance,” a-t-il souligné : “L’énergie est une grande force et la jeunesse possède cette énergie”. 

Au-delà d’un discours géopolitique, le président ukrainien a eu à cœur d’inspirer le public à maintenir son soutien à l’Ukraine et à pousser les acteurs politiques à plus d’action. “Je voudrais que vous puissiez transmettre cela : que notre peuple tient, résiste, et défend réellement les valeurs partagées par tous,” a-t-il imploré : “Aujourd’hui, nous menons une guerre pour la liberté et pour l’indépendance.”

Volodymyr Zelensky a également exprimé sa reconnaissance au monde académique et universitaire français qui a accueilli de nombreux étudiants et chercheurs ukrainiens, encourageant ceux-ci à continuer leurs études pour demain “décider de l’avenir de la France, de l’Ukraine et du monde”. Face à une question de Zoriana Haniak, étudiante à l’INALCO et présidente de l’association des étudiants ukrainiens en France, Volodymyr Zelensky lui a assuré être “fier de la façon dont vous représentez notre pays en France” : “Je vous demande d’être la meilleure étudiante que vous puissiez être.”

L’échange a pris un tournant plus personnel lorsqu’Élodie Papin, étudiante à l’École des affaires internationales de Sciences Po (PSIA), a posé au président une question fondamentale : “Et vous, comment allez-vous ?”. “Je donne tout ce que je possède : mon travail, ma vie, mon temps, mon cerveau, mon désir de vivre, pour que nos enfants et petits-enfants, mais aussi ma femme, mes amis, puissent vivre,” a-t-il répondu. Et plus loin, insistant sur l’horreur des crimes commis en Ukraine : “Quel que soit le mal que j’ai vu, je voudrais rester humain, un homme qui réfléchit.”

À l’issue d’une heure d’échange et de dialogue, les étudiants réunis dans les amphithéâtres en sont sortis visiblement très émus. “Pour moi, il est clair que les étudiants français sont profondément touchés par la guerre en Ukraine,” explique Maryna Dyndo, étudiante ukrainienne accueillie en échange à Sciences Po : “Ces jeunes sont des acteurs de changement en France et, à mon avis, ils peuvent avoir un impact énorme sur le gouvernement et sur sa politique.”

Dans ce dialogue, la plupart ont entendu l’appel d’un jeune président à la mobilisation de la jeunesse européenne : “Nous avons entendu un appel clair du président Zelensky sur le pouvoir que nous avons, en tant qu'étudiants en France et dans les universités françaises, d'influencer les événements sur le terrain et l'issue de la guerre,” conclut Eli Scher-Zagier, étudiant en International Security à PSIA et co-fondateur du Sciences Po Ukraine Support Group : “Il a parlé avec beaucoup d'émotion de la jeunesse ukrainienne, des gens du même âge que nous, qui prennent les armes pour défendre leur pays contre les envahisseurs… Il a dit qu'il avait une plus grande ténacité à agir parce qu'il est un leader plus jeune, et je pense qu’il en est de même pour nous, étudiants : nous avons une plus grande volonté, mais nous devons être courageux et prêts à pousser les limites de l'action et responsabiliser nos universités, nos institutions et nos représentants.”

Article rédigé avec la contribution d’Hannah Pedone, étudiante à l’École des affaires internationales de Sciences Po.

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