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25.08.2015

Bianca Jagger, infatigable militante des droits universels et diplômée de Sciences Po

Portrait de Bianca Jagger (crédits : Wolfgang H. Wögerer)

Quand elle a débarqué Rue Saint-Guillaume, à l’âge de 17 ans, en provenance du Nicaragua, la jeune et ravissante Bianca Perez-Mora Macias était loin de se douter qu’elle épouserait un jour le rocker le plus célèbre de la planète et deviendrait ainsi, dans un tourbillon de caméras et projecteurs, l’égérie et l’icône de mode la plus glamour et la plus courtisée de la jet set mondiale.

C’était pourtant la politique qu’elle était venue étudier en France. La politique la passionnait depuis son plus jeune âge, elle qui avait grandi, dans les années 1950, sous la dictature de la famille Somoza, et qui n’hésitait pas à s’échapper de son école religieuse pour aller manifester dans les rues de Managua. La politique enfin qu’elle rêvait d’embrasser plus tard pour contribuer à débarrasser son pays des tyrans.

Sa rencontre en 1970 avec Mick Jagger a changé son destin. Elle n’a en rien éteint sa passion pour les affaires publiques et la défense des droits humains. Et ce nom de Jagger, conservé après son divorce en 1979, est devenu un allié pour braquer la lumière sur ses combats. Très vite, elle a entamé un compagnonnage avec Amnesty International et Human Rights Watch, parcourant l’Amérique latine pour témoigner des crimes commis par des régimes dictatoriaux, sillonnant les États-Unis, de tribunaux en pénitenciers, pour lutter contre la peine de mort. Mandatée en 1993 par la commission Helsinki du Congrès américain pour enquêter sur les viols massifs en Bosnie, elle y a passé des mois, publiant un essai intitulé J’accuse : la trahison de Srebrenica. Un engagement qui la mènera à témoigner devant les parlementaires américains, britanniques et européens et de nombreuses instances internationales.

Infatigable militante

Mais ses causes sont multiples et éparpillées dans le monde. Les populations indigènes peuvent compter sur son appui lorsqu’elles luttent pour la préservation de leur environnement: les Miskitos du Nicaragua, les Guaranis du Brésil, les Sionas d’Équateur... Pour défendre la tribu Kondh, en Inde, inquiète face aux projets d’exploitation d’une mine de bauxite dans leurs montagnes sacrées d’Orissa, elle a écrit au Premier ministre indien et au gouverneur de la province, démarché les principaux actionnaires de la compagnie minière et acheté des actions pour pouvoir prendre la parole lors des assemblées générales annuelles.

Combat gagné. Comme tant d’autres. Aujourd’hui, c’est la présidente du Brésil, Dilma Roussef, qu’elle apostrophe sur les dangers du Belo Monte Dam, le troisième plus grand barrage hydroélectrique du monde. L’un de ses principaux sujets de croisade est d’ailleurs la reconnaissance, par la Cour pénale internationale, de la notion de crimes contre les générations présentes et futures.

"Je suis viscéralement politique"

Elle a voyagé en Afghanistan pour soutenir les femmes, en Zambie pour la lutte contre le sida, en Inde pour dénoncer le commerce des enfants et la prostitution, en Irak pour fustiger l’ineptie des arguments du président Bush sur les armes de destruction massive. Elle exhorte les chefs d’État occidentaux à accueillir Edward Snowden, clame sa déception à l’égard d’Obama qui n’a pas fermé Guantanamo et persiste dans l’utilisation de drones. Et dénonce chaque jour, y compris sur les réseaux sociaux, les violences perpétuées contre les femmes. Pour toutes ces actions, elle a obtenu en 2004 le prix Nobel alternatif. Une récompense qui lui a permis de créer sa propre fondation en 2006.

Activiste ? Elle n’aime guère ce terme anglo-saxon. Défenseuse des droits universels ? Elle cherche en vain le mot français adéquat. Mais qu’importe. Après la «parenthèse» de son mariage, elle pense être restée fidèle à l’adolescente qui manifestait en rêvant de faire, plus tard, «la différence». C’est ce qui compte, dit-elle. «Je suis viscéralement politique.»

Par Annick Cojean, Grand reporter au Monde, membre du conseil d’orientation d'Émile Boutmy Magazine

Article issu du numéro 12 (juin 2015) d'Émile Boutmy Magazine, publié avec l'aimable autorisation de l'associatioden des Sciences Po