Accueil>In Situ : La nostalgie, nouvel argument de vente pour les marques ?

13.10.2023

In Situ : La nostalgie, nouvel argument de vente pour les marques ?

Cette année, le monde du jeu vidéo célèbre l’arrivée du nouveau Zelda, 37 ans après sa première apparition sur les écrans de la NES. Cinéma, musique, mode, automobile,.. la nostalgie semble avoir le vent en poupe au point de donner naissance à une discipline marketing : le rétromarketing. Panne de créativité ? Peur du futur ? Que dit cette omniprésence de la nostalgie de notre société ? Et sur quels ressorts les spécialistes du rétromarketing s’appuient-ils pour nous convaincre ?  Éclairage avec Guillaume Lamarre, diplômé de Sciences Po, consultant et formateur en storytelling et en management de la création, intervenant à Sciences Po Executive Education.

 

La nostalgie semble être une tendance de fond ancrée dans notre société, comment expliquer cet engouement ?

Guillaume Lamarre - Le goût pour la nostalgie dit plus de l'humain que de la société. Et ce phénomène n’a rien de nouveau. En témoignent Ronsard et son“Mignonne, allons voir si la rose, …“ ou Proust et sa madeleine ; la nostalgie est un sentiment profondément humain. Etymologiquement, le terme provient des mots grecs nostos, le retour, et algos, la douleur. La nostalgie est donc à la fois un bonheur et la souffrance engendrée par la perte de ce même bonheur. C’est un retour au jardin d'Eden, au paradis perdu. Et ce paradis perdu, la plupart du temps, fait écho à l'enfance, l'adolescence, ces périodes de la vie où les émotions sont vécues de façon simple et frontale, sans l’intellectualisation propre à l’adulte.

L’attirance pour le passé n’est-elle malgré tout pas beaucoup plus marquée aujourd’hui qu’au siècle dernier ?

GL - C’est vrai que pendant les 30 Glorieuses, l’élan vers le progrès est tel que l’on a moins lieu de faire appel à la nostalgie. Les communications sur les produits sont basées sur la démonstration de la performance, la promesse de gains de confort ou d’efficacité et l’adéquation de la marque avec son époque. Durant la période ayant succédé à l'après-guerre et précédé le premier choc pétrolier, la communication s’articule plutôt sur le présent et le rejet d’une époque révolue. La nostalgie n’a pas sa place. Mais aujourd’hui, alors que le monde fait face à de nombreux défis environnementaux, sociétaux, économiques …, éveiller la nostalgie est un gage de réassurance, une façon de montrer que la marque nous a accompagnés et continuera à nous accompagner aux moments clés de notre existence.

Quel intérêt les marques trouvent-elles à se retourner vers le passé ?

GL - En rééditant un produit datant de notre enfance, ou en donnant à un produit nouveau l'aspect de quelque chose que nous avons connu jeunes, les marques réveillent presque de façon automatique les sentiments et les émotions vécues à cette époque. Elles nous racontent notre propre histoire et nous confortent dans notre achat. Le processus transactionnel est basé sur l'émotionnel et l'instinctif : on peut avoir envie d’acheter une nouvelle paire de baskets ou une nouvelle voiture en sachant pertinemment que l’on n’en a pas besoin. Et la nostalgie nous donne un prétexte pour le faire. Activer le levier nostalgique est également un moyen de fidéliser et souder une communauté de clients. Lego, au bord de la faillite dans les années 2000, se relève en s’adressant à nouveau à sa cible historique, c’est-à-dire aux enfants devenus adultes, en leur proposant des boîtes plus complexes, conçues autour de grandes licences de leur jeunesse  comme Star Wars. Cette démarche permet, par capillarité, d’atteindre d’autres générations, d’autres cibles.  La nostalgie s’appuie aussi, bien sûr, sur la mémoire collective. Le combi VW dont vient de ressortir une version électrique embarque avec lui toute l’imagerie liée au mouvement hippie, à la liberté, ... et séduit les jeunes générations, souvent éco-anxieuses et plus  enclines à se rattacher à un passé rassurant qu’à affronter un futur pour le moins fiable.

Le marketing s’est emparé de cette tendance au point d’avoir donné naissance à une “discipline“: le rétro-marketing, quels sont les ressorts de ces stratégies de vente ?

GL - Le rétro-marketing s’appuie sur le principe de l’ancrage utilisé en programmation neuro-linguistique. Pour créer une expérience mémorable, émotionnelle et sensorielle, propice à la nostalgie, l’objectif est de faire résonner nos trois cerveaux : l’organe cérébral central, que tout le monde connaît, les intestins dont on sait maintenant qu’ils contiennent autant de neurones que le cerveau d’un chien et, le cœur qui, lui, renferme autant de neurones que le cerveau d'un rongeur. Mais, là encore, ce concept n’a rien de très nouveau. Dans ce registre, Disney est précurseur en parvenant à prolonger l’expérience cinématographique de son public dans des parcs d'attraction pour créer un souvenir sensoriel partagé en famille.

Peut-on surfer sur la nostalgie en continuant à être innovant ?

GL - La nostalgie est un terreau fécond pour l'innovation. Elle permet de partir des qualités premières d’un produit existant et de laisser aller sa créativité pour l’améliorer et l’adapter aux normes, aux attentes et aux usages de notre époque. C’est une technique efficace mais pas sans risque. La nostalgie c'est de la nitroglycérine émotionnelle. Comme la nitroglycérine, il faut la manier avec précaution en veillant à continuer à aligner les valeurs et le savoir-faire de la marque avec ce qu'elle incarne aujourd'hui et ce qu'elle est capable de déployer pour demain. Il n'y a pas de place pour la trahison. Retrouvez nos formations en communication

Abonnez-vous à notre newsletters