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02.11.2021

Il était une data : 7,8 % des demandeurs d’emploi sont en situation de handicap¹

Comment interpréter un chiffre qui, malgré la crise, semble s’améliorer en passant de 8,6 % à 7,8 % entre 2019 et 2020 ? Comment définit-on aujourd’hui le handicap en France et quel regard porte-t-on sur lui ? Quel impact cela a-t-il sur l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ? Comment améliorer les choses et développer leurs possibilités d’évolution ? Médecin hospitalier et ancienne secrétaire d’Etat au handicap, Ségolène Neuville nous éclaire sur ces questions.

Une baisse en trompe l’oeil

284 000 emplois ont été détruits en 2020². Des dispositifs tels que le chômage partiel ont certes permis d’éviter le pire, mais la baisse de l’activité économique liée à la crise sanitaire a fait des dégâts. Or, malgré ce contexte, le taux de chômage a légèrement baissé : -0,1 point en un an. Une baisse qui pourrait être en trompe-l’œil et liée à des désinscriptions, avertit l’Insee, un nombre important de personnes n’ayant pu réaliser de recherche active d’emploi dans les conditions habituelles.
« On observe sans doute un phénomène similaire pour les personnes en situation de handicap, explique Ségolène Neuville. Si leur proportion parmi les demandeurs d’emploi diminue, on n’observe pour autant aucune amélioration des autres indicateurs. Au contraire, le nombre de recrutement et de maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés via les Cap emploi baisse respectivement de 9 et de 11 %, tandis que leur taux de chômage de longue durée augmente. Il est à craindre que tout cela relève donc d’un ‘effet crise’ avec des personnes qui abandonnent leur recherche d’emploi en raison du contexte. »

6 % de travailleurs handicapés : et après ?

Mais de quoi parle-t-on au juste lorsque l’on évoque le handicap ? Cette notion a beaucoup évolué historiquement, pour aboutir dans la loi de 2005 à une définition qui met l’accent sur la « limitation de la participation à la vie en société »… et non plus sur la déficience des personnes.
« C’est un changement de regard majeur, insiste Ségolène Neuville : ce ne sont plus les personnes qui posent problème, mais leur environnement qu’il convient d’adapter. Plus largement, le combat pour sortir d’une approche purement compassionnelle reste déterminant. Il passe autant par la scolarisation des enfants en milieu ordinaire, que par une meilleure visibilité des personnes handicapées dans les médias, les arts ou les sports. »
Si les critères de reconnaissance administrative du handicap sont aussi divers que ses formes (physique, sensoriel, cognitif ou psychique), il existe une mesure pour l’insertion professionnelle qui bénéficie à tous : l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. « Celle-ci prévoit que, à partir de 20 salariés ou agents, tout employeur public ou privé doit intégrer au moins 6 % de personnes handicapées.
Il peut s’agir de travailleurs handicapés, de titulaires d’une pension d’invalidité, de l’allocation adulte handicapé, ou encore d’une rente suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle… Si l’employeur ne remplit pas cette obligation, il doit s’acquitter d’une contribution auprès de l’Agefiph ou du FIPHFP, qui sert précisément à financer l’insertion professionnelle des handicapés » explique Ségolène Neuville.
Pourtant, d’après l’ancienne secrétaire d’Etat, cette obligation semble aujourd’hui insuffisante. « Non seulement on voit bien que ce chiffre de 6 % ne permet pas d’intégrer professionnellement l’ensemble des personnes qui en ont besoin, mais à mesure que les entreprises arrivent aux 6 % le financement des dispositifs baisse mécaniquement. On peut donc légitimement s’interroger sur un réhaussement de ce seuil » avance Ségolène Neuville.

Initiale et continue, la formation pour tous

Au-delà de cette obligation légale, comment améliorer l’insertion professionnelle des handicapés ? D’abord, dès le plus jeune âge, en facilitant leur scolarité et leur poursuite d’études. « Aujourd’hui encore les personnes en situation de handicap subissent de graves inégalités au niveau scolaire.
Celles-ci se reflètent donc sur leur niveau de diplôme, sur leur employabilité et sur l’ensemble de leur parcours professionnel. On le voit à l’université : pour celles et ceux qui y accèdent, le choix se fait d’abord en fonction de la capacité d’accueil des structures plutôt que sur la formation souhaitée » regrette l’ancienne secrétaire d’Etat.
Ensuite vient l’univers professionnel lui-même. Pour accueillir des collaborateurs handicapés, on pense souvent à adapter leur poste de travail ou les logiciels utilisés… mais insuffisamment à les accompagner sur le long terme, pour assurer leur maintien dans l’emploi. Cet accompagnement doit idéalement se faire avec des professionnels, formés à la fois aux problématiques du handicap et au monde de l’entreprise. « C’est un système qui reste en partie à inventer, avec des gens à la frontière entre travailleurs sociaux et coachs professionnels. Il y a un besoin de rassurer les entreprises, d’expliquer et de dédramatiser, tout en soutenant le salarié… pour éviter, comme cela arrive trop souvent, qu’il abandonne face aux difficultés » décrypte Ségolène Neuville.
Permettre aux handicapés de s’insérer durablement dans la vie professionnelle est une chose... mais quid de la suite de leur parcours ?
« L’accès à la formation continue est clé pour l’évolution professionnelle. Or pour les personnes handicapées, les freins sont nombreux : il faut oser demander, y avoir droit, pouvoir se déplacer… Je ne suis pas très partisane de la discrimination positive mais, sur ce point, on devrait peut-être y songer » ose Ségolène Neuville. 
Les chiffres lui donnent raison : avec seulement 10 % de cadres³ parmi les bénéficiaires de l’obligation d’emploi (contre 19 % en population générale), le chemin de l’évolution professionnelle semble encore long pour les personnes en situation de handicap.

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Sources :
1 – Pôle Emploi, fin décembre 2020
2 – Insee, mars 2021
3 – Insee, enquête Emploi 2019

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