Résumé 

La défense de la liberté de religion et de conviction paraît être – depuis 1948 – l’un des piliers incontournables de l’édifice international des droits humains construit depuis la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Soixante-huit ans plus tard, cette liberté est encore largement contestée et respectée de manière encore très partielle dans un certain nombre d’Etats. Outre le fait que les personnes athées sont rarement protégées en tant que telles, les Etats et les organismes spécialisés semblent maintenant vouloir orienter leur action vers une défense de plus en plus ciblée, en fonction de leurs traditions religieuses ou de leurs intérêts propres. Les polarisations à l’œuvre dans les nouvelles formes de défense de la liberté de religion et de conviction nuisent en définitive à l’universalité originellement proclamée de cette dernière. 

Bibliographie 

Al-Midani Mohammed Amin, Introduction à l’Islam et les droits de l’homme, Sarrebruck, Éditions universitaires européennes, 2017.

Andriantsimbazovina Joseph, Gaudin Hélène, Marguénaud Jean-Pierre, Rials Stéphane et Sudre Frédéric (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, Paris, PUF, 2008, p. 636-639.

Arminjon Hachem Constance, Les Droits de l’homme dans l’islam shi’ite. Confluences et lignes de partage, Paris, Cerf, 2017.

Asad Talal, Brown Wendy, Butler Judith et Mahmood Saba, La Critique est-elle laïque ? Blasphème, offense et liberté d’expression, préface de Mathieu Potte-Bonneville, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2016.

Decaux Emmanuel et Bienvenu Noémie (dir.), Les Grands Textes internationaux des droits de l’homme, Paris, La Documentation française, 2016.

Diamantopoulou Élisabeth et Christians Louis-Léon (eds), Orthodox Christianity and Human Rights in Europe. Theology, Law and religion in interaction, Bruxelles, Peter Lang, 2014.

Dierkens Alain et Schreiber Jean-Philippe (dir.), Le Blasphème : du péché au crime, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, coll. « Problèmes d’histoire des religions », 21, 2012.

Filibeck Giorgio (dir.), Les Droits de l’homme dans l’enseignement de l’Église. De Jean XXIII à Jean-Paul II. Recueil de textes du magistère de l’Église catholique, Cité du Vatican, Libreria editrice vaticana, 1992.

Fukuyama Francis, La Fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, coll. « Histoire », 1992.

Ghanea Nazilea, Stephens Alan et Walden Raphaël (eds), Does God Believe in Human Rights ? Essays on Religion and Human Rights, Leyde, Brill, 2007.

Grandjean Michel, « Droits de l’homme et religion », dans Maya Hertig Randall et Michel Hottelier (dir.), Introduction aux droits de l’homme, Zurich, Schulthess, 2014, p. 675-688.

Gustafson Carrie et Juviler Peter (eds), Religion and Human Rights. Competing Claims?, Armonk, M. E. Sharpe, 1999.

Ishay Micheline, The History of Human Rights : From Ancient Times to the Globalization Era, Berkeley (Calif.), University of California Press, 2004.

Lacorne Denis, Vaïsse Justin et Willaime Jean-Paul, La Diplomatie au défi des religions. Tensions, guerres, médiations, avec les contributions de Laurent Fabius et Régis Debray, Paris, Odile Jacob, 2014.

Mehl Roger « La tradition protestante et les droits de l’homme », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 58 (4), 1978, p. 367-378.

Moyn Samuel, The Last Utopia. Human Rights in History, Cambridge (Mass.), The Belknap Press of University of Harvard Press, 2010.

Siniakov Alexandre, « Les fondements de l’enseignement de l’Église orthodoxe russe sur la dignité, la liberté et les droits de l’homme », Le Messager de l’Église orthodoxe russe, 10, 2008, p. 12-22.

Zuber Valentine, « Droits humains et religions : la liberté religieuse est-elle un droit comme les autres ? », colloque international : Les Mutations des sciences sociales des religions et des laïcités. Autour des vingt ans du GSRL, Paris, 27 novembre 2015, à paraître.

Zuber Valentine, L’Origine religieuse des droits de l’homme. Le christianisme face aux libertés modernes, Genève, Labor et Fides, 2017.

Zuber Valentine, Le Culte des droits de l’homme, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2014.

Zuber Valentine (dir.), La Liberté religieuse, Paris, Van Dieren éditions, 2017.

Affiliation 

Ecole pratique des hautes études (EPHE), Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL), CNRS.

Biographie 

Valentine Zuber est directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, titulaire de la chaire de Religions et relations internationales.
Historienne de formation, elle s’est d’abord spécialisée dans l’histoire de la tolérance religieuse et du pluralisme en Europe. Elle a particulièrement travaillé sur les formes de la laïcité en France et dans le monde. Elle s’intéresse actuellement aux rapports historiques entretenus entre le christianisme et les droits de l’homme. Elle travaille enfin sur les paradoxes de la défense de la liberté de religion et de conviction dans le monde, dans le cadre de l’universalisation des droits de l’homme.

Bibliographie 

Ouvrages

- L’origine religieuse des droits de l’homme. Le christianisme face aux liberté modernes
, Genève, Labor et Fides, automne 2017.

- La laïcité en débat. Au-delà des idées reçues, Paris, Le Cavalier bleu, 2017.

- Les laïcités en France dans le monde
, Paris, La Documentation photographique, n° 8119, 2017.

- Le culte des droits de l’homme, Paris, Gallimard, 2014.

- Les Conflits de la tolérance, Michel Servet entre mémoire et histoire (XIXe- XXe), Paris, Honoré Champion, 2004.

- avec Jean Baubérot, Une haine oubliée. L'antiprotestantisme avant le pacte laïque (1870-1905), Paris, Albin Michel, 2000 (prix Eugène Colas de l’Académie française, 2000)


Direction d’ouvrages

- La liberté religieuse, Paris, Van Dieren éditions, 2017.

- Avec Patrick Cabanel et Raphaël Liogier, Croire, s’engager, chercher. Autour de Jean Baubérot, du protestantisme à la laïcité, Turnhout, Brepols, collection BEHESR, n°174, 2016.

- Avec Jacques Huntzinger et Marjorie Moya (eds), Laïcités et sociétés en Méditerranée, Paris, Collège des Bernardins, Lethielleux, 2012.

- Michel Servet (1511-1553). Hérésie et pluralisme (XVIe-XXIe), Paris, Honoré Champion, 2007.

- Avec Jacques Potin, Dictionnaire des monothéismes, Paris, Bayard, 2003.

- Avec Fabienne Randaxhe, Laïcités-démocraties, des relations ambiguës, Paris, Brepols, 2003.

- Un objet de science : le catholicisme, réflexions autour de l'œuvre d'Emile Poulat, Paris, Bayard, 2001.

Carte : Les États signataires de déclarations islamiques des droits de l’homme

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Commentaire de Valentine Zuber

Les déclarations islamiques des droits de l’homme émanent essentiellement de groupements régionaux d’Etats qui ont obtenu le statut d’observateur (pour la Ligue des Etats arabes) et/ou entretiennent une délégation permanente auprès de l’ONU (pour l’Organisation de la Conférence islamique). Ils recouvrent des territoires géographiquement et politiquement très différents. La Ligue des Etats arabes, d’abord constituée dans la péninsule arabique à partir de 1945, a progressivement intégré les pays de langue arabe d’Afrique septentrionale. Quelques Etats non arabes y ont obtenu récemment le statut d’observateur. L’Organisation de la Conférence islamique (initialement de la Coopération islamique) a, dès sa création en 1969, eu une vocation délibérément moins régionale. Elle vise à rassembler bien, au-delà des seuls Etats arabes, tous les Etats dans lesquels l’islam est la religion dominante. Elle a de ce fait intégré un certain nombre de pays observateurs possédant d’importantes populations musulmanes, sans que celles-ci soient forcément majoritaires sur le territoire.

Ces deux organisations constituent une figure originale dans l’architecture des relations internationales, entre regroupements politiques régionaux et associations d’Etats, sur une base culturelle et religieuse. Les différentes déclarations des droits de l’homme en islam adoptées par ces groupements de pays ne sont pas reconnues par l’ONU comme répondant aux critères internationaux des droits de l’homme, en particulier en matière de liberté de religion et de conviction, qu’elles minorent toutes drastiquement.

Carte : Pays signalés comme attentatoires à la liberté religieuse, 2016

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Commentaire de Valentine Zuber

Cette carte est l’illustration de différents rapports consacrés à la défense de la liberté religieuse, émanant à la fois d’institutions nationales comme l’United States Commission on International Religious Freedom (USCIRF) ou d’ONG confessionnelles comme Aide à l’Église en détresse (AED). Contrairement aux autres cartes présentées plus avant, elle propose un point de vue subjectif et spécifiquement occidental émanant d’institutions particulières dans un domaine internationalement sensible. Les deux typologies, qui n’obéissent pas tout à fait aux mêmes critères, ne se recoupent pas complètement. La carte de l’USCIRF présente l’avantage d’être plus dynamique puisqu’elle présente une évolution de la situation dans le temps. Celle de l’AED révèle une situation mondiale préoccupante, même si elle se borne essentiellement à lister les atteintes à la liberté religieuse d’une confession particulière, le christianisme, de par le monde. Il n’en reste pas moins que les deux institutions constatent une aggravation sensible et récente des violations de la liberté de religion et de conviction des individus et des minorités dans un nombre croissant d’Etats.

Carte : Peines encourues dans les pays ayant une législation contre le blasphème

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Commentaire de Valentine Zuber

Les Etats possédant une législation nationale relative aux crimes de nature religieuse (blasphème, apostasie) restent encore nombreux de par le monde. Ces législations sont soit des héritages historiques (en particulier dans les anciens Etats confessionnels), soit d’introduction récente et liées à une affirmation religieuse et identitaire dans certains pays récemment créés. Ces législations vont à l’encontre des critères internationaux des droits de l’homme en matière de droit à la liberté de religion et de conviction, qui sont à la fois libéraux et laïques. Il faut cependant distinguer différents groupes de pays en fonction des sanctions réellement encourues par les individus en raison de ces « crimes ». La plus sévère, soit la peine de mort, reste l’apanage d’un petit nombre de pays dont la religion dominante se montre fortement intolérante face au pluralisme des convictions. Dans d’autres pays – généralement monoconfessionnels, l’apostasie est plus sévèrement réprimée que le blasphème. Cela s’explique par l’adéquation faite dans ces pays entre identité religieuse et identité nationale. Enfin, dans les autres Etats concernés, ces législations héritées de l’histoire sont généralement en déshérence ; les restrictions à la liberté d’expression qu’elles prévoient sont très rarement mises en application de nos jours.

Carte : La ratification du Pacte international des droits civils et politiques d

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Commentaire de Valentine Zuber

A la suite de longues et difficiles négociations menées après-guerre, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) a été adopté à New York par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa résolution 2200 A (XXI) en 1966. Il est complété par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) voté en même temps. Ces deux textes reprennent les grands principes énoncés par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), de 1948, en leur donnant un caractère contraignant pour les pays qui l’auront ratifié. Le PIDCP est complété par deux protocoles facultatifs, dont l’un interdit la peine de mort (voté en 1989 et entré en vigueur en 1991). Les deux pactes de 1966 sont entrés théoriquement en vigueur en 1976, bien qu’ils n’aient été ratifiés que très progressivement. En 2015, 168 Etats avaient ratifié le PIDCP.De nombreux pays ont émis des réserves sur tout ou partie de ces textes. Les réserves ont été à leur tour contestées par d’autres pays qui les jugeaient incompatibles avec les attendus et les objectifs du Pacte. La mise en œuvre du Pacte relève d’un Comité des droits de l’homme créé au sein du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Cet organisme de surveillance s’est progressivement mué en une instance judiciaire internationale, dont l’autorité demeure néanmoins limitée.

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