Discours de Tiphaine Lours, diplômée d'honneur
Tiphaine Lours, diplômée d'honneur | Cérémonie de remise des diplômes - 24/06/22
Tiphaine Lours, diplômée d'honneur | Cérémonie de remise des diplômes - 24/06/22
Tiphaine Lours vient d’être diplômée du master en Histoire de l’École de la Recherche, nous lui adressons toutes nos félicitations !
Son mémoire de recherche, mené sous la direction de Paul-André Rosental, professeur des universités à Sciences Po, est situé au carrefour de l’histoire de la médecine et l’histoire des sciences expérimentales. Financé par le Comité pour l’Histoire de l’INSERM, celui-ci vise à explorer la genèse au cours du XIXe siècle des pratiques chirurgicales relatives aux greffes d’organes et de tissus en France.
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Bonjour à toutes et tous,
Je suis très honorée et émue de me tenir aujourd’hui ici devant vous.
A l’automne 2016, j’entrais dans le double cursus Histoire-Sciences Sociales entre Sciences Po et la Sorbonne. J’étais alors très loin de m’imaginer embrasser une carrière dans la recherche, même si l’Histoire me passionnait déjà.
Le déclic m’est venu quelques semaines plus tard, lors d’une conférence de méthode en histoire médiévale. Pour la première fois de tout mon cursus scolaire, j’avais en face de moi une jeune enseignante brillante, ayant la particularité d’être en situation de handicap, tout comme moi. Pour la première fois, j’ai compris que moi aussi, malgré mes maladies invalidantes, je pouvais m’autoriser à rêver à ce type de parcours dans la recherche.
Ma chance fut qu’une fois cette révélation advenue, je me trouvais dans l’école qui me permettrait de réaliser mes ambitions. Sciences Po a en effet mis en place depuis 2007 une vraie politique d’accessibilité, qui, même si elle n’est pas parfaite, est déjà bien plus volontariste que le reste des établissements d’enseignement supérieur français. Entre ces murs, mon handicap est loin de faire de moi une exception : cette année, 59 étudiants suivis par la mission handicap, tous master confondus, sont diplômés à nos côtés. Je leur dédis ce discours et suis particulièrement admirative de leur parcours, face à toutes les difficultés qui ont dû être affrontées pour arriver au bout de ce cursus.
Nos profils sont source de richesse pour notre institution comme pour la société en général. Encore faut-il nous donner l’opportunité et les moyens de déployer nos talents. Nos trajectoires personnelles sont en effet encore trop rares en France, où seulement 20% des personnes handicapées poursuivent leurs études dans l’enseignement supérieur. Quand elles arrivent à ce niveau. Et contre 76% des bacheliers sans handicap. C’est pourquoi je remercie tout particulièrement l’École de la Recherche et la Mission handicap qui m’ont offert des conditions d’études exceptionnelles durant les trois années de mon master, et rendu cette scolarité inoubliable, comme pour tous les étudiants ici présents. Merci à mon directeur de recherche Paul-André Rosental de m’avoir fait confiance en toute connaissance de mes limitations physiques.
Durant ces années de master à Sciences Po, nous sommes nombreux à avoir fait pour la première fois l’expérience de la recherche. Elle constitue un travail exigeant, parfois solitaire, souvent ardu mais toujours passionnant. En effet, deux ans ne sont pas de trop pour se familiariser à ses us et coutumes : quelle est donc la différence entre une bibliographie aux normes APA et Chicago ? Comment réussir à obtenir une place à la bibliothèque de recherche ? Mais surtout, un grand mystère persiste : pourquoi tenir à tout prix des séminaires en anglais, alors même que tous les élèves et enseignants présents dans ledit cours sont francophones ?
Au terme de nos masters, nous avons en commun d’avoir partagé l’épreuve si particulière du mémoire de recherche. De la construction du sujet aux nuits passées à écrire à toute allure les derniers chapitres avant la date butoir de rendu, nous savons que ce travail n’aurait pas été possible sans le soutien de nos familles, de nos amis et de nos enseignants. Tous ces efforts en valaient la peine car à présent, nous avons acquis la capacité de produire de nouvelles connaissances et nous pouvons en être fiers.
Enfin, après mes six années passées à Sciences Po, ce master de recherche m’a fait comprendre une chose primordiale : négliger sa santé n’est pas l’indice d’une force mentale particulière, ni la garantie d’un travail bien fait. Demain, quand certains d’entre nous seront journalistes, chercheurs, enseignants, hauts-fonctionnaires, chefs d’entreprises, continuons de prendre les choses à cœur, de nous engager passionnément dans nos projets. Mais gardons aussi à l’esprit que l’on ne peut faire de grandes choses sans prendre soin de soi-même. Je nous invite aussi à prendre soin de ceux qui nous entourent, à choyer les amitiés déjà nouées et chérir les nouvelles rencontres. Enfin, prenons soin du monde vivant qui est le nôtre, afin de construire un avenir commun viable où chacun, dans sa singularité, peut trouver sa place.
Et maintenant, puisse la vie nous porter vers les horizons dont nous rêvons !
Tiphaine Lours, diplômée d'honneur | Cérémonie de remise des diplômes - 24/06/22