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24.07.2017

« Le XXIème siècle se fera en Asie »

Directeur du campus du Havre, Florent Bonaventure, 36 ans, est un passionné du continent asiatique. Engagé et enthousiaste, cet agrégé d’histoire fait son maximum pour permettre à ses étudiants venus de nombreux pays de concilier formation d'excellence et vie étudiante épanouie. Portrait.

« On connaît encore mal l’Asie »

« On connaît bien l’Afrique et le Moyen-Orient, mais on connaît très mal l’Asie. Trop peu de chercheurs travaillent sur ce continent, alors que le XXIème siècle se fait là-bas ! » S’installant dans un café proche du campus parisien de Sciences Po, avec l’assurance de celui qui connaît les lieux, Florent Bonaventure est intarissable sur l’Asie. Une passion ? Plutôt une propension naturelle à l’engagement, qui est loin de se résumer à un seul continent.

Diplômé de Sciences Po en Relations internationales en 2004, puis de l’université de Nanterre en Histoire en 2005, l’actuel directeur du campus du Havre s’est en effet d’abord tourné vers le continent africain, avec un stage en ONG à Madagascar, avant de partir en échange universitaire à Yale. Après quelques années d’enseignement, il devient en 2011 le premier directeur du programme Europe-Afrique à Sciences Po.  

Après deux années passées à développer ce programme, il prend ses fonctions de directeur de campus du Havre en 2013, un poste d’une toute autre dimension, qui le fait passer  « d’un programme à un campus », souligne-t-il. « Au Havre, en plus de s’occuper des étudiants, il faut aussi rencontrer des entreprises, maintenir de bonnes relations avec les administrations locales… » Difficile avec toutes ces tâches de rester aussi proche des étudiants qu’il le souhaiterait.

« Certains pays ont un système scolaire très compétitif... »

« Nous avons atteint un bon rythme de croisière », se satisfait-il, rajustant son inévitable cravate. « En quatre ans, nous sommes passés de 90 étudiants par promotion à 140 et de 3 à 7 double-diplômes ». Admiratif du bilan de sa prédécesseuse Delphine Grouès, aujourd’hui directrice des études et de l’innovation pédagogique à Sciences Po, ce jeune historien spécialiste des États-Unis a mis du cœur à l’ouvrage pour comprendre ce continent qu’il connaissait encore assez peu. « J’ai beaucoup lu et j’ai commencé des cours de chinois mais je n’ai pas eu le temps de les poursuivre ! J’ai aussi eu une formation en savoir-vivre japonais, ce qui m’a été utile lors de certains voyages », témoigne-t-il.

Sur le campus du Havre, ses étudiants apprécient les efforts de celui qu’ils surnomment affectueusement « Bonav’ ». « Dès le début, il était très actif, avec de nouvelles idées et des projets pour le campus, en incitant les groupes et les associations à y participer », raconte Marie Kenza Yousri, étudiante en double-diplôme avec l’Université Keio, au Japon. « Et même pendant notre 3ème année [à l’étranger ndlr], il tient à dîner avec les étudiants du Havre en échange universitaire ou en stage dans les pays qu’il visite, pour leur demander leurs impressions. »

Dès son premier voyage professionnel à Singapour, le nouveau directeur prend vite la mesure de la tâche qui l’attend. « Je travaillais de 7 à 23 heures, j’ai beaucoup appris durant ces journées », se remémore-t-il. Avec environ trois semaines passées chaque année sur le continent, entre Hong-Kong, cette ville dont le bouillonnement lui plaît tant, l’Inde, le Japon et bien d’autres pays, ces séjours sont pour lui autant d’occasions de mieux comprendre les cultures et les parcours de ses étudiants.

« Dans des pays comme l’Inde ou Singapour, par exemple, où le système scolaire est très compétitif, les élèves qui veulent rejoindre Sciences Po sont particulièrement brillants, et nous devons être à la hauteur de leurs attentes », développe celui qui continue à enseigner l’histoire pour rester en contact avec les étudiants. Malgré quelques disparités parmi les niveaux, il ne voit rien d’insurmontable : « Tous viennent avec des difficultés quelque part, ce qui va favoriser l’entraide. Les étudiants travaillent beaucoup et se mettent à niveau rapidement.»

Sur le point de partir à Londres pour sa troisième année du Collège universitaire, Avtansh Behal, étudiant au Havre, est passé par ces moments un peu difficiles où l’entraide est en effet précieuse. « Parler entre amis de nos problèmes avec les différentes langues qu'on apprenait était assez intéressant, et à la fois très rassurant, car on avait le sentiment de ne pas être seul à rencontrer ces difficultés ».

« J’essaie de faire en sorte qu’ils ne restent pas dans leur bulle »

Les études au Collège universitaire de Sciences Po demandent beaucoup d’investissement et de travail. Florent Bonaventure en est conscient, et veille à ce que le quotidien des étudiants ne soit pas uniquement académique. « J’essaie de faire en sorte qu’ils ne restent pas dans leur bulle et qu’ils partent à la découverte de la France » explique-t-il.

Animée par le Bureau des Elèves, le Bureau des Arts, l’Association Sportive, et une association d’art oratoire, la vie estudiantine est un trait caractéristique du campus normand. L’année est rythmée par les événements culturels, à l’instar de la fête indienne de Diwali, au cours de laquelle le campus se pare de couleurs, ou encore les Collégiades qui rassemblent chaque année les étudiants des sept campus de Sciences Po pour un grand tournoi artistique et sportif. 

Florent Bonaventure, qui ne manquerait pour rien au monde ce rendez-vous annuel, se réjouit de voir évoluer ses étudiants en sport comme en art. « Le voir nous encourager aux Collégiades chaque année nous galvanise, et j’ai été étonné de voir à quel point il était au courant de tout, même à propos de l’équipe de musique de notre campus ! » se souvient Aditya Bhattacharya, étudiant indien qui vient de terminer ses deux ans au Havre. 

Avec 40 % d’étudiants asiatiques, 40 % de Français et 20 % qui viennent du reste du monde, sans évoquer les nombreux métissages, le campus du Havre se distingue par son multiculturalisme, ce qui émerveille on directeur. « Ce campus est l’un des rares endroits où peuvent se rencontrer dès l’âge de 17 ou 18 ans des Chinois continentaux, des Hongkongais, des Taïwanais et des Chinois des États-Unis » explique-t-il. L’ancien responsable du programme Europe-Afrique aimerait cependant voir davantage d’étudiants venir d’Outre-Méditerranée pour découvrir l’Asie, et vice-versa. « Nous avons un jeune Nigérian sur le campus, qui s’intéresse à la Chine », s’enthousiasme-t-il. « Quand on voit que la Chine agit partout sur le continent, ou lorsque l’on observe l’influence du Japon sur de nombreux pays, on se dit qu’il a tout compris ! »

Noé Michalon, étudiant à l'École de journalisme de Sciences Po

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Légende de l'image de couverture : Sciences Po