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Raconter soixante-dix ans de recherche internationale : le CERI « prototype »

Un texte collectif

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  • Fondé en 1952 par Jean Meyriat – pionnier des sciences de l’information et de la communication – et Jean-Baptiste Duroselle – historien, spécialiste de l’histoire de la diplomatie et des relations internationales –, le Centre d’étude des relations internationales est le premier service de recherche de la Fondation Nationale des Sciences Politiques dont le secrétaire général est alors Jean Meynaud. Pendant quelques années, il bénéficie de la collaboration d’un seul chercheur à plein temps et de celle, bénévole, de plusieurs enseignants-chercheurs, assistés de quelques contractuels. Soixante-dix ans plus tard, le centre accueille plus de soixante-dix doctorants, plus de cinquante enseignants-chercheurs et professeurs permanents, une équipe d'accompagnement de la recherche d'une quinzaine de membres, sans compter de nombreux associés et chercheurs sous contrats recrutés dans le cadre de projets de recherche...

    Premiers éléments de prévisions budgétaires, janvier 1955

    Premiers éléments de prévisions budgétaires, janvier 1955. Fonds Jean Touchard, 6SP3, Archives de Sciences Po. Photo : Miriam Périer, Sciences Po.

    Sous l’impulsion de Jean Meyriat, le CERI se développe d’abord comme un centre de ressources documentaires, non seulement pour ses propres chercheurs mais également pour la bibliothèque de l'Institut d'Études Politiques. Les chercheurs offrent aussi volontiers l'accès de leur documentation aux étudiants de Sciences Po et de différentes universités parisiennes. Les premiers éléments de prévisions budgétaires propres au CERI apparaissent dès 1955.
    Jean Meyriat qui est devenu le seul directeur en titre et qui est assisté par Hélène Arnaud à partir de 1959, souhaite faire du CERI un lieu d’analyse de la scène internationale, à un moment où la France manque de spécialistes dans ce domaine. Le CERI est ainsi appelé à remplir une double mission de recherche. Il doit non seulement étudier les États-nations pour éclairer leurs évolutions politiques et sociales, mais aussi les relations entre ces acteurs, leurs conflits, leurs regroupements ou toute autre forme de coopération. Par l'ampleur de cette ambition, le CERI est contraint à une croissance rapide qui le conduit à devenir, au fil des ans, le plus gros laboratoire français dans ce domaine.

    Une étape importante est marquée en 1958 par l’octroi d'une subvention de la Fondation Ford qui doit servir à développer les recherches sur l'Amérique latine. La FNSP, poursuivant son effort, fait peu de temps après figurer le CERI dans son budget annuel.

     

    Note de Jean-Baptiste Duroselle sur l’avenir de la science politique française 1959, archives de Sciences Po, Fonds Jean Touchard, 6SP3, Archives de Sciences Po.

    « Il me semble que la situation actuelle de l’enseignement supérieur et de la recherche en France est particulièrement intéressante. Le « dynamisme » français, vraiment indépendant de tout régime, est une réalité qui se traduit par un besoin de faire éclater certains cadres rigides et de s'affranchir de certaines traditions momifiées. Concrètement, l’afflux des étudiants coïncide avec la conscience croissante de la nécessité de la recherche fondamentale en tous les domaines. Toutes les branches du savoir en sont agitées, à moins qu’elles soient mortes et fossilisées. Si la France est en train de « reprendre » malgré des moyens limités, sur un grand nombre de domaines, scientifiques, techniques, il me parait que cela ouvre pour les autres domaines – et particulièrement pour le nôtre – des possibilités considérables. Une nouvelle fois, j’en conclus qu’il appartient pour beaucoup à notre groupe de choisir entre les attitudes suivantes : freiner le mouvement, le suivre cahin-caha, ou y jouer le rôle d’avant-garde. 

    (…)

    Si la Fondation possède les éléments essentiels pour développer de façon considérable l’enseignement et la recherche en matière de Science politique ; expérience, dynamisme et flexibilité, si par conséquent la logique et le réalisme invitent à la considérer comme l’organisme moteur en ce domaine, il n’en est pas moins vrai qu’elle se heurte actuellement à des difficultés considérables pour jouer ce rôle.

    (…)

    Il me parait en effet que nos déficiences et nos impuissances proviennent essentiellement

    1.  - d’une conception trop élémentaire, trop fragmentaire, trop dispersée de ce qu’est la science politique.
    2.  - d’une relative incohérence en ce qui concerne la structure organique de nos recherches
    3. - d’une imparfaite organisation des liens entre la « recherche » et la « formation des chercheurs »
    4. - d’une absence de « statut » du personnel, laquelle implique l’impossibilité actuelle d’offrir des carrières stables.

    (…) je crois qu’il faut aller plus loin, dans l’avenir immédiat, vers une conception plus structurée des organismes de recherche de la fondation.

    Ma proposition est celle-ci : il faut, dans le cadre et sous l’autorité de la Fondation, généraliser le système des centres d’études dont le C.E.R.I est le prototype. Que nous enseigne en effet l’expérience encore brève du C.E.R.I ?

    1. Qu’il est très pratique de disposer d’organismes flexibles, n’ayant pas le caractère de personne morale – celui-ci étant soigneusement réservé à la Fondation – car une telle situation permet une adaptation rapide des besoins aux ressources sans aucune intervention extérieure gênante, l’autorité appartenant exclusivement à la hiérarchie de la Fondation, celle-ci étant libre d’en déléguer de-facto une partie à ceux en qui elle a confiance. Le C.E.R.I n’a pas à s’encombrer d’un comité d’honneur, d’un comité directeur, etc.
    2. Que le C.E.R.I est en quelque sorte indéfiniment malléable. Créé en 1952 sur des bases très modestes, il n’en a pas moins publié 6 volumes. Disposant depuis 1958 d’un afflux de ressources, il est à même d’intensifier considérablement son effort, ce qui ne manquera pas d’apparaître avec un certain éclat à partir de 1960-61 lorsque les premiers des grands projets en cours verront le jour.
    3. Que la structure interne du C.E.R.I peut, elle aussi, s’adapter à tous les besoins. (…)
    4. Que l’existence d’un centre parait être le meilleur moyen de susciter l’octroi de subventions, soit des divers ministères français, soit des fondations américaines.

    En fonction de ces avantages, et en tenant compte des besoins, pourquoi ne créerait-on pas d’autres centres, ayant rigoureusement le même statut ? »

     

    En 1967, le centre obtient du CNRS le statut de Laboratoire associé (il deviendra une Unité de recherche associée en 1994, une Unité propre de recherche de l’enseignement supérieur associée (UPRESA) en 1997 et une Unité mixte de recherche en 2002). Cela lui permet d’accueillir de nouveaux chercheurs de statut CNRS et cela l’amène à se doter d’un conseil de laboratoire. Mai 1968, quelques mois plus tard, approfondit encore ce changement vers plus de collégialité. La science politique affirme alors son indépendance par rapport au droit, y compris dans le domaine des études internationales ; l’association au CNRS permet aux laboratoires de la FNSP de participer plus activement encore aux débats de la discipline.

    Le CERI est alors organisé en sections géographiques, constituées d’un nombre variable de chercheurs et placées sous la responsabilité de l’un d’entre eux. Les principales « sections » s’intitulent alors : Politique européenne ; URSS et Europe de l’Est ; Chine ; Europe méditerranéenne ; États-Unis ; Amérique latine ; Afrique subsaharienne ; Monde arabe ; Asie du Sud et du Sud-Est.

    Au-delà des sections, les chercheurs se regroupent progressivement autour de thèmes transversaux se prêtant à la comparaison, comme les conflits internationaux, l’influence des facteurs internes sur les décisions de politique extérieure, les communismes européens, le rôle des forces armées, les élections « non concurrentielles », les décolonisations en Asie et en Afrique, etc.

    Mai 1968 à Sciences Po : Participation de Sciences Po à la manifestation du 13 mai, départ de la Gare de l'Est Hélène Arnaud, Alain Lancelot et Josée Cabillon.

    En octobre 1975, Guy Hermet succède à Jean Meyriat à la tête du CERI pour un mandat de trois ans, renouvelable, selon les statuts définis par la FNSP en accord avec le CNRS. Le laboratoire est alors éclaté en plusieurs sites parisiens, toujours rive gauche : dans les bâtiments de Sciences Po même, à la Maison des Sciences de l’Homme (MSH), rue de Lille, rue de Verneuil et rue de l’Abbaye. Six mois après cette prise de fonction, le CERI emménage à Reid Hall, 4 rue de Chevreuse, dans le 6e arrondissement, un lieu qu’il occupera pendant 25 ans et qui fera de nombreux nostalgiques. Le regroupement demeure toutefois inachevé : une dizaine de chercheurs restent à la MSH jusqu’en 1997, date à laquelle ils emménagent dans des bureaux Square de Luynes (7e arrondissement) dans des locaux de la FNSP.

    En 1976, Guy Hermet envisage de proposer certains travaux du CERI à des « décideurs ». Le centre est alors rebaptisé Centre d'Études et de Recherches Internationales – un nom qui permet de garder l’acronyme CERI et qu’il aura gardé près de quarante ans –, le mot « Études » désignant les travaux d’expertise réalisés à l’intention de ces « décideurs ». Dans le même temps, Guy Hermet oriente le laboratoire vers la collaboration avec des universités et des centres de recherche étrangers.

    Le directeur du CERI est d’ailleurs envoyé par Sciences Po à Bogota (Colombie), afin de mettre en place l’Institut des Hautes Études du Développement. Ce centre de recherche et d’enseignement deviendra un partenaire de la FNSP et de plusieurs universités colombiennes. C’est la chercheuse spécialiste de l’Italie, Geneviève Bibes qui assure l’intérim d’un an à la direction du laboratoire jusqu’à ce que Guy Hermet réintègre ses fonctions à la tête du CERI en 1981.

    Le directeur du CERI s’emploie aussi à faire connaître les travaux du centre aux non-spécialistes des mondes de la presse, des associations et de l’entreprise. Parallèlement aux colloques internationaux de plus en plus fréquents, Guy Hermet inaugure la formule des « Rencontres du CERI », des réunions sur un thème d’actualité qui s’adressent à ce public élargi. Cet effort pour répondre à la demande sociale va de pair avec un développement de la recherche fondamentale. En 1982, Guy Hermet obtient de la direction scientifique de Sciences Po un budget particulier pour le financement de « projets spéciaux », c’est-à-dire des recherches très ciblées, menées sur plusieurs années par un ou plusieurs chercheurs et débouchant sur un ouvrage ou un colloque.

    À partir de 1981, Guy Hermet apporte également le soutien logistique du laboratoire au lancement de la revue Politique africaine par Jean-François Leguil-Bayart, en collaboration avec d’autres chercheurs africanistes. Une revue, aujourd'hui quarantenaire, que le CERI soutient toujours en 2022.

     

    Publications de la recherche, les Cahiers du CERI. Photo : Caroline Maufroid, Sciences Po.

    Jean-Luc Domenach est nommé directeur du CERI en 1985. Il poursuit et il intensifie l’élan impulsé par Guy Hermet dans plusieurs directions avec l’appui d’Hélène Arnaud qui est nommée chargée de mission en 1983 et qui occupera le poste de secrétaire générale du centre à partir de 1989. Le CERI est ainsi le premier laboratoire de la FNSP à introduire cette fonction qui sera ensuite généralisée à l’ensemble des centres de recherche de l'institution. Hélène Arnaud est à cette époque entourée d’Hélène Cohen qui était la secrétaire du directeur, de Sylvie Haas, documentaliste et de Francine Biancardi à la gestion.

    Accompagné de chercheurs travaillant sur les aires concernées, Jean-Luc Domenach entreprend plusieurs voyages - Japon, Afrique du Sud, Amérique du Nord, Europe - afin de nouer des liens avec des homologues étrangers du CERI et d’élaborer des programmes d’échanges et de recherche conjoints, en relation avec le Service des relations internationales de Sciences Po.

    Le directeur du centre resserre d’ailleurs les liens avec la tutelle, Sciences Po, en faisant en sorte que les chercheurs soient mieux insérés dans les programmes d’enseignement, notamment au niveau des DEA et en associant de nombreux allocataires de recherches aux travaux des groupes de recherche du laboratoire. Il crée dans ce même esprit les « Mardis du CERI » à l’intention des étudiants de l’Institut d’Études Politiques. Parallèlement, le CERI propose au service de la formation continue de Sciences Po des cycles annuels d’une douzaine de conférences sur l’environnement international assurées par des chercheurs du laboratoire.

    Le recrutement de Rachel Bouyssou permet à Jean-Luc Domenach de mener une véritable politique de publication. Ils créeront ensemble des collections du CERI en partenariat avec les éditions Complexe et les éditions du Seuil, ainsi qu’une collection de « travaux en cours », les Cahiers du CERI. De même, Jean-Luc Domenach renforce le soutien que le laboratoire apporte aux Cahiers d’étude de la Méditerranée orientale et du monde turco-iranien (CEMOTI) créés par Semih Vaner en 1985.

    Dans le même temps, Jean-Luc Domenach transforme la formule du « chercheur associé au CERI » qui, jusqu’alors a surtout concerné d’anciens membres du CERI désireux de continuer leurs travaux dans le cadre du laboratoire tout en ayant atteint l’âge de la retraite, ou ceux qui l’ont quitté pour d’autres fonctions mais souhaitent en rester proches. Jean-Luc Domenach ouvre cette association à des collègues d’autres universités travaillant en science politique ou dans une autre discipline. Aujourd'hui encore, ces « associés » participent à des groupes de recherche du CERI, en animent eux-mêmes et contribuent à l’activité éditoriale du centre.

    Pour mieux valoriser les recherches du CERI, Jean-Luc Domenach obtient de la FNSP la création d’un poste d’attaché de communication confié à Karolina Michel. Des liens durables sont ainsi tissés avec des journalistes de la presse écrite et audiovisuelle. Dans le même esprit, il lance, avec Ouest-France, un « Club Presse CERI » qui a pendant de nombreuses années et plusieurs fois par an réuni une dizaine de représentants de la presse écrite régionale ou nationale autour d’un chercheur du centre, sur un problème d’actualité.

    Le directeur du CERI développe aussi les relations avec le Quai d’Orsay ainsi qu’avec le ministère de la Défense qui ont contribué, par le (co-)financement de colloques et de contrats de recherche, à doubler le budget de fonctionnement du CERI en quelques années.

     

    Au terme de ses neuf ans de mandat, Jean-Luc Domenach est nommé Directeur scientifique de la FNSP et Jean-François Leguil-Bayart lui succède à la direction du laboratoire en octobre 1994. Le CERI poursuit sa montée en puissance. Jean-François Leguil-Bayart renforce l’équipe administrative en y adjoignant de nouvelles recrues appelées à assumer des fonctions inédites pour le centre, et pour un laboratoire de recherche en science politique plus largement. Francine Bianciardi est rejointe par Linda Amrani au sein du « pôle gestion ». Judith Burko vient renforcer le pôle publications pour assumer la responsabilité des Études du CERI et la valorisation de Critique Internationale avant de prendre en charge les collections d'ouvrages en français. Enfin, Grégory Calès, premier webmestre d’un centre de recherche de la FNSP, développe le site internet du CERI. Miloud Tazibt le rejoint peu après pour assurer la maintenance informatique.

    Plaquette de présentation des colloques et journées d'études la recherche au CERI des sélections bibliographiques et les rencontres du CERI. Photo: Caroline Maufroid, Sciences Po.

    Le nombre des réunions scientifiques passe d’une cinquantaine à une centaine par an (colloques, rencontres, tables-rondes, conférences-débats, séminaires stratégiques et séminaires de recherche). Nombre d’entre elles se déroulent désormais en anglais du fait de l’insertion croissante du CERI dans les réseaux internationaux.

    Jean-François Leguil-Bayart, qui comme Jean-Luc Domenach était un ancien consultant du Centre d’Analyse et de Prévision du ministère des Affaires étrangères, conclut avec cette institution une convention d’échange aux termes de laquelle un diplomate du quai d'Orsay est accueilli au CERI tandis qu’un chercheur du Centre rejoint le CAP pour des périodes de courtes durées. Il poursuit la diversification des ressources du CERI en obtenant de nouveaux crédits de plusieurs ministères et inaugure la formule de l’abonnement « entreprise », qui repose principalement sur un séminaire « stratégique », réservé à ces abonnés et sur les Études du CERI, travaux d’expertise très fouillés, faisant le point sur un sujet d’actualité.

    À côté de cette collection répondant à un aspect important de la demande sociale, Jean-François Leguil­-Bayart crée chez Karthala une collection d’ouvrages de recherche, « Recherches internationales », qu’il dirige toujours.

    En 1996, Jean-François Leguil-Bayart confie à Christophe Jaffrelot et Rachel Bouyssou le pilotage d’un groupe de réflexion sur la possibilité de créer une revue de recherche internationale. Deux ans plus tard, Critique internationale, trimestriel publié par les Presses de Sciences Po, voit le jour. En 2023, elle publiera son centième numéro !

    Jean-François Leguil-Bayart mène une politique scientifique dont les deux axes majeurs sont, d’une part la promotion des secteurs les moins bien couverts par le CERI, comme l’économie politique, tout en veillant au maintien des points forts du laboratoire ; d’autre part, la volonté de mieux insérer le CERI dans la recherche internationale. Dans cette perspective, il confie à ses deux adjoints, Christophe Jaffrelot et Christian Lequesne, dont il s’est entouré au début de son second mandat, la mise en place de collaborations nouvelles avec des partenaires européens et asiatiques. Dans le même esprit, il concrétise la collaboration amorcée par Christophe Jaffrelot avec l’éditeur anglais Hurst en lançant, en 1999, la publication d’ouvrages en anglais dans une nouvelle collection, The CERI Series in Comparative Politics and International Studies, parallèlement éditée en Grande-Bretagne et aux États-Unis grâce à des partenariats sur place. C’est le début d’une politique volontariste de diffusion à l’international et de traduction de la recherche menée par les chercheurs et les chercheuses du laboratoire qui n’a depuis, jamais faibli.

    Critique internationale, photo : Caroline Maufroid, Sciences Po.

    C’est en 2000, que le CERI, grâce aux efforts de son directeur, Jean-François Leguil-Bayart, parvient à réunir tous ses chercheurs et son administration dans les prestigieux locaux de l'Hôtel d'York, au 56 rue Jacob, plus près de Sciences Po. Si Anne Dubaquié a déjà rejoint l'équipe administrative rue de Chevreuse, en tant qu’assistante de gestion, c’est au tour de Sylvia Granoulhac de rejoindre Jean-Pierre Joyeux au service documentation dans ces nouveaux locaux.

    Adjoints au directeur depuis 1997, Christophe Jaffrelot et Christian Lequesne proposent au printemps 2000 un projet de codirection avant d’être finalement nommés respectivement directeur et directeur­ adjoint en octobre 2000. Leur projet s’articule autour de quatre axes prioritaires : poursuivre l'internationalisation du CERI, mieux associer les chercheurs à la vie du laboratoire et de Sciences Po, conjuguer recherche fondamentale et réponse à la demande sociale, et diversifier les sources de financement du centre.

    La poursuite de l'internationalisation se traduit d'abord par l'addition de nouveaux partenaires étrangers (italiens notamment) et d'une collection d'ouvrages chez Palgrave (New York/Londres), intitulée International Relations and Political Economy, à laquelle le recrutement d’une traductrice, Cynthia Schoch, donne une nouvelle dimension à partir de l’automne 2002. L’association des chercheurs du CERI à la vie de Sciences Po trouve une première concrétisation dans la création d'un statut de directeur et directrice d'études pour ceux et celles qui s'investissent le plus dans l'École doctorale devenue aujourd’hui École de la recherche. L’accent mis sur la recherche fondamentale donne lieu à la relance de working papers sous la forme d'une nouvelle collection en ligne sur le site web, « Questions de recherche/Research in question », dont la direction incombe à deux chercheurs du laboratoire, Denis-Constant Martin et Béatrice Pouligny qui céderont la place, plus tard, à Sandrine Perrot et Gilles Favarel Garrigues. La réponse à la demande sociale s'est notamment manifestée à travers la création d'une nouvelle collection, « Mondes et Nations », chez Autrement qui publiera vingt-cinq ouvrages afin de prendre le relais de la collection « Espace international » chez Complexe. La diffusion des recherches du CERI a aussi été permise par la mise en place d'un partenariat avec Alternatives Internationales et Courrier International. Enfin, l'effort de diversification des financements du CERI passe par l'établissement de nouveaux partenariats (avec le German Marshall Fund, par exemple), des contrats européens et par l'approfondissement de l'abonnement-entreprise sous la forme d'un Partenariat privilégié avec des entreprises certes, mais aussi des associations, des ONG et des administrations françaises et étrangères.

    Publications de la recherche dans différentes éditions et collections, en français et en anglais. Photo : Caroline Maufroid, Sciences Po.

    Christophe Jaffrelot s’est au cours de ses deux mandats successifs véritablement attaché à poursuivre et à accentuer l’implication du centre dans le domaine des publications, notamment en anglais. Le « pôle publications » composé de Judith Burko et, à partir de janvier 2004, de Catherine Burucoa, responsable éditoriale de la revue Critique Internationale, s’est vu consolidé par le recrutement en 2006 de Miriam Périer pour accompagner la création de la revue International Political Sociology lancée par Didier Bigo et reprendre le flambeau des collections en langue anglaise au départ de Cynthia Schoch, dont le compagnonnage avec le CERI se poursuivra durant de longues années puisqu’elle traduira les ouvrages de recherche des membres du laboratoire pendant plus de vingt ans en tant qu’indépendante. Le pôle Documentation est renforcé par l’arrivée de Martine Jouneau, tandis que Corinne Deloy vient contribuer aux activités éditoriales du centre avant de prendre, plus tard, la responsabilité éditoriale du site web du centre.

    C’est au cours des années 2000 que s’est développée puis installée la recherche financée par l’Union européenne dans le cadre de programmes cadres pour la recherche et le développement (PCRD) dont un des premiers porteurs au CERI est à l’époque Didier Bigo au travers des projets ELISE puis CHALLENGE, réunissant 23 partenaires européens. L’experte en la matière, Roxana Vermel, est recrutée en tant que chargée de mission au CERI en 2004. Cette même année le CERI accueille sa directrice exécutive Ewa Kulesza qui accompagne les directeurs successifs du laboratoire et coordonne le travail de l’équipe d’accompagnement de la recherche aujourd’hui encore. Catherine Honnorat, secrétaire générale du CERI recrutée en 1999 aura coordonné l’équipe administrative pendant les mandats de Christophe Jaffrelot et Christian Lequesne. Cette époque aura vu l’équipe administrative s’étoffer avec le recrutement au fil du temps, de plusieurs membres, dont Céline Ballereau, Martine Vignola, Etienne Guigonnat, Marie-Christine Pavone, Binta Dramé, Isabelle Romera, Françoise Bouyssou, rédactrice en cheffe du site web, Muriel Posson assistante administrative, Dorian Ryser documentaliste et cartographe et Jean-Pierre Masse, webmestre après avoir été co-responsable des programmes ELISE et CHALLENGE.

     

    Christian Lequesne, de retour de plusieurs années à l’étranger, devient directeur du CERI en 2009, assisté par Nadia Alexici. Il a alors à cœur de renforcer la présence du centre sur la toile et il encouragera notamment les publications numériques, tout en lançant le chantier de refonte complète du site Internet soutenu par Nathalie Tenenbaum, alors responsable de la communication du CERI. Une belle réussite reste la collection des CERISCOPES, dont la publication est rendue possible par un financement extérieur et les compétences techniques et éditoriale de l’équipe mise en place à cette occasion : Jean-Pierre Masse, Gregory Calès, Dorian Ryser, Colombe Camus, en partenariat avec l’Atelier de cartographie de Sciences Po.

    Des débats filmés, baptisés « Au fil des mots » sont par ailleurs initiés, en partenariat avec André Versailles éditeur, transmis sur le site web du CERI.

    ERIS & Politique africaine, deux revues soutenues par le CERI. Photo : Caroline Maufroid, Sciences Po.

    Au cours de son mandat, Christian Lequesne lance une nouvelle revue en anglais, European Review of International Studies, en partenariat avec l’université Canterbury Christ Church au Royaume Uni et l’éditeur allemand Verlag Barbara Budrich, avant que la revue ne soit reprise par Brill.  C’est au cours de ces années que le premier espace dédié aux doctorants et aux doctorantes est officiellement inauguré au 56 rue Jacob : l’Open space, au deuxième étage du bâtiment dispose d’une vingtaine de places et d’ordinateurs. En 2010, le CERI lance son séminaire général destiné aux doctorants et aux doctorantes. En 2012, pour les 60 ans du centre, ce sont ces jeunes chercheurs qui sont à l'honneur en organisant une conférence internationale.

     

    Au fil du temps, la variété des approches et des objets étudiés s’est accrue, alors même que le laboratoire a augmenté en taille grâce à de nouveaux recrutements, notamment par la voie des concours CNRS et des demandes de rattachement. Depuis 2014, sous les deux mandats consécutifs d’Alain Dieckhoff (politiste travaillant sur les questions du nationalisme et l’espace israélo-palestinien), la structuration du CERI en cinq grands axes thématiques de recherche (l’État et ses recompositions ; Acteurs et échelles de régulation dans l’espace mondial ; Identités et politique ; Participation politique et mobilisations ; Violences et gestion du danger) a été affirmée, afin d’inclure sous un même « toit » les spécialistes des relations internationales et transnationales et ceux des études régionales. Tout en consolidant ses équipes travaillant sur les aires régionales, le CERI a engagé une dynamique de renouvellement de ses effectifs dans le domaine des relations internationales (étude des politiques étrangères, questions de défense et de sécurité, enjeux environnementaux…).

    Alain Dieckhoff a fortement encouragé l’engagement des chercheurs dans les projets de recherche qu’ils soient financés par des organismes nationaux (ANR, AFD, ministères des Affaires étrangères et des Armées, IRSEM…) ou des dispositifs européens (Horizon 2020, ERC, HERA, bourses et réseaux Marie-Curie). Ce financement garantit en effet la possibilité de recherches au long cours. Deux domaines, au cœur des enjeux contemporains, ont vu un renforcement significatif de l’expertise scientifique : les migrations et le religieux.

    Openspace des doctorants, 56 rue Jacob. Photo : Caroline Maufroid, Sciences Po.

    Le CERI a accéléré son insertion dans les réseaux de recherche, comme l’atteste sa participation à quatre groupements scientifiques (Moyen-Orient, Asie, Afrique, religion) ainsi qu’au GDR « Multilatéralisme ». L’insertion des doctorants a été parachevée à travers différents séminaires.

    L’équipe d’accompagnement de la recherche aura vu une grande partie de ses membres se renouveler, notamment dans la seconde moitié des années 2010, avec l’arrivée de Basma Daouadi Guinnefollau aux finances, Coralie Meyer à la communication, pour ne citer qu’elles. Le pôle Communication, au cœur de l’organisation des nombreux évènements virtuels ou sur site, a été renforcé par l’arrivée d’une nouvelle équipe. Depuis janvier 2021 un nouveau pôle, constitué de Miriam Périer, Grégory Calès et Dorian Ryser vient porter la valorisation et la médiation scientifiques pour le centre. L’équipe d’accompagnement de la recherche, guidée par Ewa Kulesza directrice exécutive du CERI compte, en 2022, quatorze membres.

    Début 2015, le CERI a de nouveau modifié son nom, devenant Centre de recherches internationales (Center for International Studies). Sans modifier l’acronyme, la nouvelle appellation est d’abord le reflet de la conviction que « l’international » largo sensu, ou « l’espace mondial » contemporain, doit être étudié par la double approche des relations internationales/transnationales et celle des études régionales. Elle vise aussi à affirmer encore plus clairement que, tout en étant ouvert sur la Cité et sensible à la demande sociale, le CERI est avant tout un centre de recherche fondamentale. En 2022, année de son 70ème anniversaire et des 150 ans de Sciences Po, le centre a également connu un changement géographique puisqu’il est désormais entièrement regroupé en un même lieu, au 28 rue des Saints-Pères.

    Malheureusement, en cette année de commémoration, le CERI reste orphelin d’une de ses membres, Fariba Adelkhah, directrice de recherche à Sciences Po, arrêtée en 2019, et toujours incarcérée en Iran (Roland Marchal, chercheur CNRS, arrêté au même moment a, lui, été libéré en mars 2020). Qu’elle puisse enfin retrouver ses collègues, tel est notre vœu le plus cher.

     

    Rassemblement en soutien de Fariba Adelkhah, injustement emprisonnée en Iran depuis le 5 juin 2019. Photo : Laurent Gayer.

     

     

     

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    ©Image : Wassily Kandisky, Linie, 1929. Public Domain