CERI
/lab.

Paroles de thèse, avec Guillaume Beaud

Guillaume Beaud est doctorant au CERI depuis 2020.

Lire

 

Thèse

Tenir l’État. Mise en forme et en réforme de corps d'élites administratives en Iran postrévolutionnaire et au Pakistan postcolonial, sous la direction de Christophe Jaffrelot et Philippe Bezès.

Localisation(s) précise(s) de vos terrain(s) ou de vos lieux de recherche

Pakistan, en particulier Lahore, Islamabad, Rawalpindi, mais pas uniquement : Punjab Civil Secretariat ; Civil Services Academy ; Foreign Service Academy ; Commissioner Office (Lahore, Rawalpindi, entre autres) ; Deputy Commissioner Office (dans différents districts du Pakistan). Mon terrain en Iran est à ce jour naturellement repoussé, il se déroule de fait en ligne.

Pourquoi le terrain est-il important dans votre travail de thèse ?

La conduite d'un travail de terrain est naturellement cruciale pour avoir un accès privilégié aux acteurs que j'étudie (les hauts fonctionnaires) et aux archives des institutions d'intérêt (qui régissent le recrutement, la formation, et les carrières des agents d'État), mais surtout pour saisir les réalités professionnelles, sociales, spatiales, épistémologiques qui régissent les corps d'État que j'étudie, où les règles informelles jouent un rôle important. La conduite d'un terrain ethnographique conséquent et immersif constitue ainsi un atout à l'étude, en particulier, des institutions de formation de hauts fonctionnaires, et des lieux professionnels. La nature répétée des terrains permet de mieux saisir les effets du changement politique (chute du gouvernement en avril 2022, par exemple) sur l'administration.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées sur votre terrain ou dans vos recherches ? Quelles techniques avez vous développées pour les surmonter ?

Malheureusement et naturellement, mon terrain iranien s'est fermé au milieu de mon travail de recherche de master, et n'ai pas pu m'y rendre depuis. J'ai alors privilégié une diversité de méthodes alternatives pour en contourner l'accès : archives, entretiens par téléphone ou hors d'Iran, travail avec la production écrite des acteurs que j'étudie – préfets et diplomates iraniens en l'occurence – production de bases de données prosopographiques servant à des analyses quantitatives (analyses de réseaux, analyses de séquence).
Au Pakistan, l'accès au terrain est relativement aisé, hors de régions où des problèmes de sécurité persistent. Toutefois, la circulation nationale des acteurs que j'étudie permet de contourner cette difficulté. À l'inverse, la conduite de travail ethnographique est aisée, car l'esprit de corps dans l'administration permet la constitution rapide d'un réseau au sein des institutions d'intérêt. Si l'anglais est la langue de l'administration, l'ourdou y est une langue qui régit les conversations informelles, que je maîtrise mal (en dépit d'un apprentissage continu – en effet, ma première langue à l'université était le persan). Bien que mineure, tant je peux mobiliser l'anglais pour avoir des explications sur les comportements informels que j'observe, cette limite reste difficile à dépasser.

Qu'est-ce qui vous a amené à choisir ce terrain ou ce sujet de thèse ? Qu'est-ce qui vous lie à ce terrain ou/et ce sujet ?

Le persan ayant été la langue que j'ai apprise depuis mes 20 ans, notamment par des séjours répétés sur place, l'Iran est naturellement devenu mon terrain principal, avant de rapidement se refermer. J'ai ainsi construit ma thèse comme une comparaison entre l'Iran et le Pakistan. Ce dernier constituait alors un intérêt secondaire, à l'origine né (1) des circulations linguistiques, culturelles, et architecturales avec l'Asie Centrale et le monde persanophone ; (2) d'un fort intérêt pour l'Afghanistan (comme pays persanophone) qui s'est transposé en un intérêt pour les régions septentrionales du Pakistan, (3) d'un goût personnel pour la haute montagne.
Quant au sujet, lorsque j'ai pris conscience, en master, qu'aucun travail n'avait été mené sur l'administration iranienne, j'ai développé un fort intérêt pour les enjeux des fonctions publiques en contexte postrévolutionnaire et/ou autoritaire – des enjeux sous-étudiés car les champs politique et administratif y sont considérés comme cohésifs. On s'intéresse ainsi peu à comment les régimes y ont mis en place des capacités administratives, portées par des acteurs spécifiques. L'enjeu au Pakistan est opposé, car l'administration y occupe une place prédominante. La conduite de cette thèse comparée a fait naître un intérêt théorique pour l'administration en contexte postcolonial, enjeu mieux documenté et opposé au cas iranien.

Quel souvenir le plus marquant gardez-vous de cette recherche ?

Les liens tissés avec plusieurs de ces fonctionnaires et ma participation à leur quotidien, entre travail de bureau et interventions sur le terrain. Un exemple spécifique me vient à l'esprit : une intervention de contrôle des prix à Rawalpindi avec le préfet et son escorte en mai 2022 (voir la galerie de photos).

Bibliographie/Référence

Publications de Guillaume Beaud référencées sur SPIRE (portail de Sciences Po sur l’archive ouverte HAL)

Mots clés
©Image : ©Guillaume Beaud