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Le transversal, privilège du CERI

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À la fin des années 1990, au terme d’un voyage au Québec qui nous avait menés dans les principales institutions de recherche de la Belle Province, Jean-Luc Domenach, Jean-François Bayart, Hélène Arnaud et moi arrivions à Montréal où se tenait le congrès annuel de l’ACFAS (Association Canadienne Française pour l’Avancement des Sciences). C’est alors que Jean-François m’annonça avec un grand sourire que Jean-Luc et moi étions programmés le lendemain pour une intervention dans le panel qu’il présidait avec Achille Mbembé. Le thème qu’il m’avait assigné : « L’apport de la recherche africaniste à l’étude des relations internationales ». J’étais stupéfaite, furibonde et j’accablais Jean-François de tous les noms d’oiseau que permet une vieille amitié. Sa réponse en rigolant : « Si je t’avais prévenue tu aurais travaillé pendant un mois, tu y aurais pensé pendant tout le voyage, ce n’était pas nécessaire ».

Le lendemain, je me réveillai à 6 heures du matin pour m’acquitter du pensum et, curieusement, j’avais beaucoup de choses à dire et n’eus aucune difficulté à meubler une demi-heure d’exposé. Pour avoir eu le privilège de participer à l’aventure de Politique africaine que Jean-François avait créée avec des chercheurs du Centre d’études africaines de Bordeaux, plus brillants et productifs les uns que les autres, j’avais lu leurs travaux, suivi leurs échanges, découvert leurs problématiques et m’en étais nourrie pendant des années sans m’en rendre compte.

Jean-Luc de son côté s’acquitta de sa tâche avec brio. (Je ne me rappelle plus, malheureusement, sous quel angle il devait traiter des études chinoises). 

La chose intéressante dans cette anecdote est la réaction admirative de nos collègues canadiens et états-uniens. Qu’un sinologue, un africaniste et une internationaliste témoignent d’une telle osmose était pour eux impressionnant. Ils nous expliquèrent que dans leurs centres respectifs chacun campait dans sa spécialité régionale et qu’aucune interpénétration ne se produisait jamais. 

Je mesurai à ce moment l’extraordinaire richesse du transversal au CERI. Pour peu qu’ils se lisent les uns les autres, qu’ils s’engagent dans des projets collectifs, ou tout simplement qu’ils parlent entre eux de leurs travaux, les chercheurs du CERI pratiquent le comparatif et la montée en généralité comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Bel atout pour la recherche n’est-ce pas ? 

 

Mai 2022

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©Image : Photo de Ginza, Tokyo, par Ugis Riba pour Shutterstock