Les révoltes qui secouent le monde arabe depuis la fin 2010 illustrent le sentiment d'injustice au sein des sociétés de cette partie du monde. Alors que leur population a triplé lors du dernier demi siècle, les pays du Maghreb, pétroliers ou non, ont été incapables de produire un système politique susceptible de prendre en charge les doléances sociales. Avec la fermeture des frontières, l'émigration ne peut plus remplir sa fonction d'exutoire, aussi les plus jeunes - diplômés ou non - sont contraints pour améliorer leur sort de prendre la parole et de dénoncer la concentration des richesses au profit d'une minorité, la corruption et la précarité dans laquelle ils se trouvent. La question sociale constitue au Maghreb un enjeu politique fondamental et la victoire des partis islamistes confirme le besoin, dans la région, d'une plus grande attention aux doléances sociales.

Raymond Benhaïm, Youssef Courbage et Rémy Leveau

Ce dossier veut rompre avec le catastrophisme qui marque le plus souvent l'analyse des événements du Maghreb, en s'attachant aux grands équilibres et à la moyenne/longue durée.
Sur le plan démographique d'abord, Youssef Courbage montre comment l'émigration vers la rive nord de la Méditerranée a influencé en profondeur les rythmes de la transition démographique au Maghreb, qui se comporte en l'occurence comme un ensemble régional cohérent.
Dans son analyse de prospective économique, Raymond Benhaïm voit aussi se dessiner une logique d'intégration, en dépit de la mise en sommeil de l'Union du Maghreb arabe. Si chacun des pays du Maghreb privilégie aujourd'hui les relations bilatérales avec l'Europe, celle-ci aurait plutôt intérêt à voir se constituer un marché maghrébin unifié.
Sur le plan politique enfin, Rémy Leveau examine les nouveaux comportements des gouvernants et des gouvernés à l'heure des déceptions sociales et de l'aspiration des nouvelles populations urbaines et éduquées à dire leur mot dans l'organisation de la société. Crise des Etats, montée des mouvements islamistes : si aucun des adversaires ne peut remporter de victoire totale, c'est la logique du compromis qui devrait finalement prévaloir. Encore faut-il que chacun renonce à une vision réductrice, et que les partenaires extérieurs envisagent d'autres solutions que l'aide inconditionnelle, face au "péril vert", à des gouvernants habitués à refuser tout contrôle des gouvernés.

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