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L’hôtel de l’Artillerie : une longue et tumultueuse histoire

Noviciat des Jacobins

Noviciat des Jacobins

Successivement noviciat dominicain, musée d’armes et site militaire, l’hôtel de l’Artillerie, place Saint-Thomas d’Aquin, inaugure avec Sciences Po une nouvelle page de sa longue et tumultueuse histoire.

Une vocation religieuse et intellectuelle

En 1632, l’ordre des Dominicains réformés, dit des Jacobins, s’installe sur les terres de la puissante abbaye royale de Saint-Germain-des-Prés, au cœur du faubourg champêtre du même nom, dans une maison sise rue des Vaches, pour y fonder un noviciat. Saint-Germain est alors un vaste domaine rural, propriété de l’Abbaye et de l’Université de Paris, situé en dehors de l’enceinte fortifiée de la Cité. Le bourg accueille depuis le 16e siècle de puissants seigneurs et gens de robe qui fuient l’aristocratique quartier du Marais surpeuplé et insalubre pour y établir de spacieux hôtels particuliers, à l’instar de la reine Marguerite de Navarre, épouse d’Henri IV. Nombre de fondations pieuses, monastères et couvents prospèrent également sur ces terres religieuses.

Sur un terrain de sept arpents (3 hectares) délimité à l’ouest par la rue du Bac, au sud par la rue des Vaches (Saint-Dominique, aujourd’hui boulevard Saint-Germain), à l’est par la rue Saint-Guillaume et le Pré aux Clercs, au nord par la rue de l’Université, les frères dominicains font édifier à partir de 1682 un ensemble conventuel achevé en 1740. Les galeries du cloître desservent réfectoire et cuisine, salle capitulaire et chapelle, pharmacie et infirmerie, abritent dans les étages cellules et bibliothèque, et s’entourent de basse-cour, jardins, verger et potager. La chapelle du couvent, dite des Jacobins, est achevée en 1770 sur les plans de l’architecte Pierre Bullet. Établissement de formation, le noviciat pouvait alors accueillir jusqu’à 50 frères et disposait d’une riche bibliothèque comptant quelques 14 000 ouvrages.

La Révolution française met un terme à cette vocation religieuse, en ordonnant l’interdiction des vœux monastiques et la dispersion des ordres et congrégations. Les bâtiments sont remis à l’autorité militaire et affectés à la fabrication d’armes, les frères relégués au grenier avant d’en être chassés en 1793, la chapelle érigée en église paroissiale Saint-Thomas d’Aquin en 1791, transformée en Temple de la Paix par les théophilanthropes en 1795, pour être finalement rendue au culte catholique en 1803.

Une conversion militaire et scientifique

Commence alors la deuxième vie du site, placée sous l’étendard de la Guerre, des sciences et des techniques.

Dès 1795, les galeries du cloître accueillent, au gré des guerres révolutionnaires et des conquêtes impériales, des armes et armures impropres à l’usage. Le cloître devient musée par l’aménagement de galeries et salles d’exposition ouvertes au public, jusqu’à son transfert aux Invalides en 1871.

Dès 1795 également, le Comité central d’Artillerie s’installe dans l’ancien couvent, tient séance dans le Salon rouge et loge secrétariats et bureaux dans les étages. Chargé d’homologuer la fabrication du matériel de guerre, d’inspecter les arsenaux et de contrôler l’usinage des armes, le Comité établit un Dépôt central autour de la Cour Sébastopol, fait édifier en 1816 un bâtiment pour l’Atelier de précision dans la cour Treuil de Beaulieu, et construire, entre 1818 et 1840, des bâtiments pour le Laboratoire de chimie de Louis Gay-Lussac, les Ateliers de métallurgie et d’essais ainsi que la forge, dans la cour Gribeauval. C’est en 1886 que les deux cours prennent le nom de deux célèbres artilleurs, le général Gribeauval (1715-1789), inventeur du système du même nom permettant de réorganiser les services et sections d’artillerie pour les rendre plus mobiles et plus efficaces, et le général Treuille de Beaulieu (1809-1886), directeur de l’Atelier de précision et père du fusil Chassepot. Au fil des ans, et en dépit des plaintes répétées d’un voisinage peu rassuré par les activités potentiellement explosives des militaires, s’établissent sur le site les services techniques et inspections des poudres et munitions, du matériel et du harnachement, des armes portatives, le dépôt des plans, cartes et dessins, l’atelier de lithographie, photographie, cinématographie et optique, la bibliothèque et les archives. S’y côtoient des personnels scientifiques et techniques hautement qualifiés, spécialistes de chimie, de métallurgie, de mécanique, de métrologie et de balistique, puis, après 1945, de physique atomique et d’électronique au sein de la nouvelle Direction centrale du matériel et du Laboratoire central de l’Armement. À l’étroit dans des locaux inadaptés, le transfert est décidé en 1949, effectif en 1964. Saint-Thomas d’Aquin accueille dès lors des services de l’état-major et, à partir de 1975, la Sûreté militaire.

Les travaux incessants d’agrandissement, de surélévation et de densification, de démolition et de réaménagement témoignent des multiples vies du site de l’Artillerie, sur lequel se côtoient des ensembles architecturaux d’époque et de style variés – le monumental cloître d’époque moderne voisinant avec les édifices militaires fonctionnels du 19e siècle. Classés et restaurés à partir de 1982, les bâtiments entrent à présent dans la troisième phase – universitaire et scientifique – de leur tumultueuse histoire. C’est donc sur les traces – lointaines et pourtant familières – des novices dominicains des 17 et 18e siècles et des ingénieurs militaires du 19e siècle que marcheront à l’avenir les étudiants et enseignants-chercheurs de Sciences Po.

 

Marie Scot

 

Sources

  • Laurent Pautonnier et Léonore Losserand, sous la direction de Michel Borjon, Mickaël Colin, Mission d’expertise patrimoniale sur le site de l’Artillerie, ancien noviciat des Jacobins (Paris, 7e), AOS STUDELY, Grahal i-pat, Avril 2013.
  • Histoire du site de Saint-Thomas d’Aquin, Contrôle général des Armée, Ministère de la Défense, étude historique réalisée par Martine-Camille Moreau-Kauffmann, septembre 2013.
  • Jacques HILLAIRET, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, Éditions de Minuit, 1960.