Slide CAMPUS 2022 UN NOUVEAU SCIENCES PO AU CŒUR DE PARIS
Des sculptures pour le futur campus
6 octobre 2020
Carnet de chantier : épisode 7, l’archéologie des bâtiments
20 novembre 2020

L’artiste et les étudiants

L'artiste Ivan Argote et les étudiants dans son atelier

L’artiste colombien Iván Argote a été sélectionné pour créer une œuvre pour le 1 Saint-Thomas, nouveau site de Sciences Po actuellement en travaux. Il a accepté avec enthousiasme de travailler avec un groupe d’étudiants afin de rédiger les textes qui figureront sur ses sculptures.

Vendredi 2 octobre 2020, 10 heures. Cinq garçons et quatre filles arrivent sous la pluie dans un hangar de la proche banlieue parisienne, pour une première séance de travail avec Iván Argote. Tirés au sort parmi plus de deux cents étudiants intéressés par la démarche, ils sont accueillis par l’artiste dans son atelier, au sein des Grandes Serres de Pantin, immense espace de briques et de métal. Iván commence par leur présenter son travail.

Au début de sa carrière, en tant qu’assistant réalisateur pour le cinéma en Colombie, son pays de naissance, il a réalisé de nombreuses oeuvres vidéo, dont il fait défiler quelques extraits sur son ordinateur. L’une d’entre elles le montre en train d’embrasser à pleine bouche une barre de métro. “À mon arrivée en France, j’ai remarqué que les gens avaient peur de toucher la barre dans le métro, ils avaient l’air dégoûtés. J’étais étonné : est-ce parce que tout le monde la touche ? Mais tout le monde touche les pieds de certaines statues dans les temples. La barre du métro est précieuse justement parce que tout le monde la touche, elle porte une forme d’énergie.” Ivan Argote emmène ensuite le petit groupe dans une autre partie du hangar, où trône une immense installation, The other me and the others, qui avait été présentée au centre culturel le CENTQUATRE à Paris.

Après une tournée de café, il leur dévoile en avant-première son projet d’œuvre d’art composé de six sculptures pour le site du 1 Saint-Thomas, et leur explique la démarche à laquelle il souhaite les faire participer : il leur propose de rédiger ensemble des mots et des phrases en plusieurs langues, qui seront intégrés aux sculptures.

Dans son bureau, situé dans un ancien bâtiment administratif à la décoration restée figée à la fin du XXe siècle, les étudiants sont répartis dans deux pièces et, munis de stylos et de feuilles de papier, chargés d’écrire des mots ou des morceaux de phrases dans les langues qu’ils souhaitent, en gardant à l’esprit que les œuvres seront présentes dans les jardins du campus dans deux ou trois siècles. “Imaginez des étudiants du futur, buvant un café du futur, qui liront vos mots sur les bancs. Pensez à quelque chose qui vous manque. Pensez à ce que vous aimeriez dans la vie. Un café le matin, le contact de ta main, une loi plus juste… Pour moi qui suis artiste, une œuvre ultime, ce serait une loi, une belle loi, une loi juste. Allez-y, écrivez, mais pas de pression !” 

11h30. Tout le groupe est réuni autour de l’escalier central. Les uns après les autres, sans ordre précis, les étudiants lisent leurs textes. Les mots rebondissent, les voix s’enhardissent. Quelques minutes de poésie, un instant de grâce. Le prochain rendez-vous est dans quinze jours, sur le chantier de Saint-Thomas, pour choisir parmi ces mots ceux qui seront imprimés dans le béton pour les siècles à venir.

Déclamation poétique

Vendredi 16 octobre 2020. La matinée commence par la visite du chantier, en bottes et casques. Dans la cour Sébastopol et la cour Treuille de Beaulieu, Iván Argote montre aux étudiants les endroits où seront installées les sculptures. La découverte des lieux amène beaucoup d’émerveillement et beaucoup de questions, sur leurs usages futurs aussi bien que sur les techniques de restauration employées par les compagnons qui œuvrent sur le chantier.

Visite du chantier

Le groupe rejoint ensuite la maison du projet. L’artiste a préparé des bandelettes de papier sur lesquelles figurent les phrases rédigées quinze jours plus tôt par les étudiants, découpées en morceaux. “Nous allons défaire ce que nous avons fait pour le refaire.” Les morceaux de phrases sont réagencées dans un ordre différent, pour donner au texte final “du sens, mais pas trop”.

Sélection finale des mots et des phrases

Iván et les étudiants se répartissent autour de la table et lisent les nouveaux textes ainsi formés, puis rangent scrupuleusement les bandelettes, dans le bon ordre. L’atelier touche à sa fin. L’artiste explique la suite du travail : des moules en 3D seront fabriqués à partir du texte ainsi obtenu, qui serviront à tamponner le béton au moment du coffrage et à imprimer les mots dans les œuvres. Les bandelettes de papier seront également insérées dans les sculptures, à jamais inaccessibles. Pour Marco Bynichakis, l’un des étudiants, ce travail collectif a “une portée poétique et politique : les échos dans les couloirs du campus, les langues écrites et parlées qui cohabitent et convergent dans les mêmes espaces. Les langues qui rapprochent et éloignent. Une expérience unique à vivre entre élèves et artiste.”

La séance s’achève. Les étudiants s’éloignent sur la place Saint-Thomas d’Aquin, heureux de cette rencontre et d’une parenthèse de sociabilité bienvenue dans cette période troublée.

Les étudiantes et étudiants ayant participé aux ateliers : Marco Bynichakis, Solenne Carteron, Charles Corval, Thomas Dourlens, Maveric Galmiche, Emma Grob, Aoibh Manning, Kevin Matthews, Daria Moreno Davis.

En présence d’Yvannoé Kruger et Marie Lhuillier, de l’agence Manifesto, en charge de la direction artistique et de la production du projet. Sous la direction de Sogelym-Dixence, promoteur.

Photographies © Hélène Kloeckner / Sciences Po