Le cloître de la cour Sébastopol est recouvert depuis plusieurs mois d’échafaudages qui le dissimulent aux regards, mais permettent à des ouvriers et artisans hautement qualifiés de travailler au plus près des éléments à restaurer, sur les trois étages de l’édifice.
Tout en haut, les couvreurs et les charpentiers restaurent les lucarnes en travaillant sur le chêne, le zinc et l’ardoise. Sur l’ensemble des niveaux, les « pierreux » nettoient les pièces d’origine, analysent leur nature et la façon dont elles ont été posées puis traitées au fur et à mesure des siècles et, enfin, s’attellent à leur rendre leurs caractéristiques d’origine. Au rez-de-chaussée, à l’intérieur des galeries du cloître, le travail effectué ces dernières semaines est spectaculaire. À l’acquisition du site en 2017, deux des galeries portaient les traces bien visibles des aménagements entrepris au cours du 20e siècle pour transformer ces espaces extérieurs en bureaux : peintures epoxy sur les plafonds et les murs, pierres de Volvic du sol remplacées par un ciment ordinaire, saignées sous les arcades pour installer des baies vitrées, trous dans les voûtes pour faire passer les tuyaux de chauffage… Il a fallu retirer la peinture sans abîmer la pierre en dessous, colmater les trous avec de nouvelles pierres, taillées en atelier, numérotées, puis apportées sur le chantier et retravaillées une fois insérées, uniformiser les murs avec un badigeon qui les laisse respirer, refaire tous les joints après des essais de couleurs, acheminer de nouvelles pierres de Volvic issues des dernières carrières encore en activité…
Les interventions se déploient des deux côtés des murs du bâtiment : alors que les pierres extérieures sont ramenées à leur apparence d’origine, à l’intérieur, l’objectif est de préserver l’existant et d’améliorer les performances thermiques, grâce à l’application d’un enduit chaux-chanvre sur les murs. Outre ses qualités écologiques intrinsèques, ce matériau local et 100% naturel permettra d’obtenir fraîcheur en été et chaleur en hiver. Là aussi, plusieurs étapes sont nécessaires : la préparation du mur, l’application du chanvre et de la chaux par projection simultanée (les deux produits ne sont pas mélangés préalablement, mais au contact du mur), la compression, la finition avec de la chaux naturelle, et enfin, la mise en peinture. Mais il s’agit d’œuvrer pour le long terme et de garantir la réversibilité des interventions : la phase de préparation inclut la pose d’un papier kraft couvert d’un fin grillage, qui permettra aux générations futures de retirer l’enduit, si nécessaire, sans abîmer la pierre.
L’utilisation de cette technique chaux-chanvre, encore peu répandue, surtout en intérieur, et ce souci de la durabilité et de la réversibilité sont de nouvelles preuves que la restauration n’exclut pas l’innovation, bien au contraire !
Merci à Erwan Boukella et Vincent Aubert, de l’entreprise H. Chevalier (restauration des pierres), à Mohamed Sheta, de la société SMB (enduit chaux-chanvre), et à Lionel Aras, de Sogelym-Dixence (promoteur), pour leurs passionnantes explications.
Photos : © Martin Argyroglo / Sciences Po
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