Chili 1973-1988 : du coup d'Etat militaire à la fin de la dictature

chronologie

1970

  • 4 sept. : élection présidentielle, après une campagne électorale marquée par des grèves et une radicalisation politique. Salvador Allende Gossens, membre du Parti socialiste chilien, candidat de la Unidad Popular (Unité populaire, UP), obtient 36,3% des voix, contre les candidats du Partido nacional (droite) et du Partido Demócrata Cristiano (Démocratie chrétienne, PDC).
    L'UP est une coalition électorale créée en déc. 1969 par les partis de gauche suivants : Partido Radical, Partido Socialista, Partido Comunista, Movimiento de Acción Popular Unitario (MAPU), Partido de Izquierda Radical, Acción Popular Independiente. Izquierda Cristiana (La gauche chrétienne) rejoint l'UP en 1970.
  • 5 sept.-24 oct. : longue période de troubles au cours de laquelle tout est mis en oeuvre pour barrer la route à S. Allende, y compris par les Etats-Unis, fermement opposés à l'arrivée au pouvoir d'un socialiste. Lors d'une tentative de coup d'Etat par l'extrême-droite soutenue par la CIA, le commandant des forces armées chiliennes, le général René Schneider, est assassiné alors qu'il vient d'affirmer la neutralité politique de l'armée.
    Conformément à la Constitution, le Congreso Nacional (parlement) doit, en cas d'absence de majorité absolue, choisir entre les 2 candidats les mieux placés. Le 24 oct., il proclame S. Allende Président du Chili.
  • 4 nov. : S. Allende est investi président et forme un gouvernement connu sous le nom de gouvernement de l'Unité populaire, qui a pour mission d'acheminer le pays vers le socialisme dans la légalité et le respect des institutions en place.
    Le programme du nouveau gouvernement se situe dans la continuité des réformes entreprises par le gouvernement d'Eduardo Frei Montalva (démocrate-chrétien), mais prévoit d'aller plus loin. La réforme agraire, entamée sous les présidences de Jorge Alessandri puis Eduardo Frei, sera plus efficace et plus rapide, mais dans le cadre des législations précédentes. La "chilénisation" est remplacée par des nationalisations (avec indemnisation des compagnies étrangères), mais le contrôle de l'Etat est étendu aux "monopoles nationaux" sur les grands secteurs de l'économie. La production devra être augmentée et réorientée, pour satisfaire les besoins de la population. Des contrôles de prix sont mis en place pour les produits de première nécessité pour favoriser la consommation populaire. Les mesures sociales envisagées concernent entre autres le rattrapage des salaires, l'extension de la sécurité sociale, la construction de logements. Enfin la politique étrangère du nouveau gouvernement vise avant tout l'indépendance économique et politique du pays.
  • 12 nov. : le Chili rétablit ses relations diplomatiques avec Cuba.
  • déc. : premières expropriations de latifundios (grandes propriétés terriennes), sur la base de la loi votée sous le gouvernement précédent. Les propriétaires s'organisent et ripostent violemment. De déc. à mars, nombreux affrontements entre paysans et propriétaires terriens dans la région du Cautin. La réforme agraire s'accélère : en juil. 1972, le latifundio aura pratiquement disparu.
  • 31 déc. : amnistie pour des membres emprisonnés du Movimiento de Izquierda Revolucionaria (Mouvement de la gauche révolutionnaire, MIR).

1971

  • Le blocage des prix, le contrôle de l'inflation, la relance de la production par le crédit aux industriels moyens, font de la première année du gouvernement de l'UP une année d'euphorie. Le PIB augmente (8,3%), ainsi que la production industrielle et la consommation, le chômage régresse.
    Le 4 avr., ces premiers succès économiques permettent à l'UP de remporter les élections municipales avec 50,86% des voix.
  • 8 juin : Edmundo Pérez Zujovic, ancien vice-président et ministre démocrate-chrétien, est assassiné par un groupe d'extrême gauche, Vanguardia Organizada del Pueblo. L'assassinat est condamné par tous les partis politiques ; le PDC exige du gouvernement qu'il désarme les groupes extrémistes.
  • 11 juil. : législation sur la nationalisation des mines de cuivre, des principales ressources naturelles du pays et de plusieurs banques. Une indemnisation est prévue pour les propriétaires nord-américains de mines.
  • juil. : premiers signes de pénuries alimentaires et autres.
  • 11 oct. : le gouvernement revient sur sa décision et annonce que les compagnies nord-américaines d'exploitation du cuivre ne seront pas indemnisées, en raison des "profits excessifs" réalisés. Les Etats-Unis menacent de suspendre l'aide économique au Chili, leur politique visera désormais à asphyxier l'économie chilienne.
  • 21 oct. : l'écrivain chilien Pablo Neruda reçoit le Prix Nobel de littérature.
  • 10 nov.-4 déc. : visite officielle au Chili du dirigeant cubain Fidel Castro, vivement critiquée par les partis centristes et conservateurs.
  • les politiques menées par l'UP se heurtent rapidement à l'opposition de la droite, qui mène contre elle une lutte de plus en plus dure dans le cadre institutionnel. S'y ajoute une hostitlité politique et idéologique croissante des catégories de la population qui sont opposées au gouvernement, auxquelles vont se joindre progressivement les couches moyennes. De 1971 à 1973, les actions seront souvent menées hors de toute légalité.
    1 déc. 1971 : 1ère manifestation des "casseroles vides" (cacerolazo) dans le centre de Santiago : des femmes appartenant à l'opposition et encadrées par le mouvement d'extrême-droite Patria y Libertad (groupe financé dans un premier temps par la CIA) protestent contre la pénurie alimentaire et la présence de F. Castro dans le pays. La manifestation est sévèrement réprimée ; après des incidents entre groupes d'extrême droite et d'extrême gauche, l'Etat d'urgence est décrété dans la capitale. Le 24 déc., le PDC met en accusation devant le parlement le ministre de l'Intérieur José Tohá, dans le but d'obtenir sa destitution.

1972

  • 21 mars : le journaliste américain J. Anderson rend publique une correspondance secrète entre de hauts responsables de la ITT Corporation et la CIA, qui met en évidence une conspiration visant à renverser le gouvernement chilien. La CIA jouera un rôle décisif dans l'entreprise de déstabilisation du gouvernement de l'UP.
  • 4 avr. : résolution de la Direction de l'industrie et du commerce, portant création des Juntas de Abastecimiento y Control de Precios (Comités populaires de contrôle du ravitaillement et des prix, JAP).
  • 11 avr. : une grande manifestation organisée par la droite à Santiago réunit 200.000 personnes, encadrées à nouveau par les milices de Patria y Libertad ; d'autres groupes fascisants apparaissent petit à petit.
  • 18 avr. : l'UP réplique à cette manifestation en mobilisant au même endroit 400.000 sympathisants.
    Mais elle est très tôt divisée : à la ligne réformiste et légaliste s'oppose une ligne contestataire, menée par le MIR et des groupes d'extrême gauche. Sa principale composante, le Partido Socialista, est également agitée de plusieurs courants. En mai, la ligne de Salvador Allende s'impose à celle, plus radicale, de Carlos Altamirano, Secrétaire général du parti.
  • 6 juin et 21 août : grèves générales des commerçants
  • 1971-1973 : le déclin progressif de l'économie engendre des grèves à répétition et une opposition croissante au programme socialiste du gouvernement Allende. L'inflation grimpe de 22% à 600 %. Les pénuries de nourriture et de biens de consommation s'aggravent.
  • 10 oct. : grève générale et illimitée lancée par la Confédération nationale des transports, soutenue par le PDC. L'objectif de l'opposition est de désorganiser la production et la distribution. La grève se généralise et donne lieu à de violents affrontements. Le mouvement se solde par un échec, mais le conflit bloque le pays.
  • la crise d'Octobre génère en réponse une mobilisation sans précédent des travailleurs, sous la forme d'oganisations de démocratie ouvrière qui tentent d'agir sur le terrain pour limiter les effets des grèves patronales et maintenir la production et la distribution. Apparus à partir de juin, ces cordones Industriales (cordons industriels) se multiplient en octobre. Ils regroupent l'ensemble des entreprises d'une même zone industrielle, des organisations populaires de quartier.
  • 3 nov. : remaniement du gouvernement, dans lequel entrent plusieurs militaires. Le général Carlos Prats, Commandant en chef des forces armées, devient ministre de l'Intérieur.
  • 6 nov. : fin de la grève.

1973

  • 4 mars : élections législatives : l'opposition, regroupée dans l'alliance électorale Confederación de la Democracia, remporte la majorité des sièges au parlement.
  • mai-juin : grève des mineurs de la mine El Teniente.
  • 27 juin : proclamation de l'Etat d'urgence, en raison du climat de violence dans le pays.
  • 29 juin : Tanquetazo, tentative de coup d'Etat : soulèvement d'un régiment de blindés, qui fait le siège du palais présidentiel de la Moneda. La révolte est réprimée par le général Prats et les forces armées légalistes. S. Allende demande au parlement des pouvoirs extraordinaires, qui lui sont refusés.
  • 16 juil. : Patria y Libertad annonce sa décision d'entrer dans la clandestinité, afin de préparer le renversement du gouvernement Allende.
  • 27 juil. : assassinat, par Patria y Libertad, du chef de la maison militaire de S. Allende, le capitaine Arturo Araya.
    Le même jour, lancement d'une nouvelle grève des camionneurs, soutenue et subventionnée par la CIA, qui paralyse le pays.
  • 22 août : la Chambre des députés vote une motion de censure contre le gouvernement pour sa gestion de la grève des camionneurs.
  • 23 août : après les grèves, le général Prats doit démissionner de ses postes de ministre de l'Intérieur et de Commandant en chef des forces armées. Il est remplacé par le général Augusto Pinochet Ugarte.
  • 4-5 sept. : série de manifestations dans les rues de Santiago, les unes en soutien, les autres en opposition au gouvernement de l'UP.
  • pour sortir de cette impasse politique, S. Allende prépare pour le 11 sept. un référendum sur une réforme constitutionnelle.
  • 11 sept. : coup d'Etat militaire
    Aux premières heures du jour, la Marine investit la ville de Valparaiso, où se sont tenus, la veille, les préparatifs du coup d'Etat. Le général Pinochet, chef des armées, lance l'assaut à Santiago. Le palais présidentiel de la Moneda est assiégé, puis bombardé. Le président Allende refuse de négocier avec les militaires et meurt durant l'assault dans l'enceinte du palais.
    Une junte militaire, dirigée par les chefs des 4 corps d'armées, exerce le pouvoir suprême ; elle proclame la déchéance du gouvernement et exige la reddition des principaux dirigeants de l'UP ; elle dissout le Congreso nacional et s'attribue le pouvoir législatif. L'"Etat de guerre interne" est déclaré, le couvre-feu instauré. La liberté de la presse est supprimée, la censure établie.
  • 12 sept. : ouverture du Estadio nacional (stade national), à Santiago, comme centre de détention de masse. Environ 7.000 personnes sont arrêtées. Nombre d'entre elles seront torturées et tuées.
  • 13 sept. : le général Pinochet est nommé président de la junte. Le 13 sept. et dans les jours qui suivent, la Constitution est suspendue, les partis politiques sont déclarés illégaux et leurs biens confisqués, les syndicats sont supprimés, les registres électoraux sont détruits.
  • 15 sept. : le chanteur et compositeur Victor Jara, arrêté le 11 sept., emprisonné au stade national, est exécuté après avoir été torturé et avoir eu les doigts coupés à la hache.
  • dans les semaines qui suivent le coup d'Etat, des centres de détention locaux sont ouverts à travers tout le pays, des centres de torture sont créés (Villa Grimaldi et Colonia Dignidad). La répression s'abat de façon systématique sur les dirigeants, les membres et les sympathisants des partis et syndicats de gauche qui avaient participé à l'UP ou l'avaient soutenue. L'UP n'est pas préparée à faire face au putsch. Seuls quelques cordones (quartiers populaires) se battent jusqu'au bout. L'opposition au nouveau régime est écrasée.
  • 23 sept. : Pablo Neruda meurt à Santiago. Ses obsèques, en présence de l'armée, deviennent la première manifestation publique de protestation contre la terreur qui s'installe.
  • oct. : le général Sergio Arrellano Stark entreprend le tour des camps militaires, et y impose une série d'exécutions sommaires : c'est la "caravane de la mort".

1974

  • 1er juin : création officielle de la Dirección de inteligencia nacional (Direction nationale du renseignement, DINA), police politique de la dictature. Sous couvert de maintenir la sécurité dans le pays, elle a pour objectif l'élimination des militants de gauche, de tous les types d'opposants en général. Elle administre un réseau de centres de détention et de torture clandestins. Son chef, Manuel Contreras Sepúlveda, est placé directement sous les ordres du général Pinochet. De 1974 à 1977, la DINA fera littéralement règner la terreur sur la société chilienne.
  • 20 juin : par décret, A. Pinochet devient "Chef suprème de la nation".
  • 30 sept. : assassinat par des agents de la DINA, à Buenos Aires (Argentine), du général Prats et de sa femme.
  • 17 déc. : A. Pinochet se désigne lui-même chef d'Etat, concentrant entre ses mains tout le pouvoir exécutif, tandis que la junte détient le pouvoir législatif.
  • en matière de libéralisme économique, les conceptions de la junte sont inspirées par les "Chicago boys", un groupe d'économistes formés à l'université de Chicago aux théories néoclassiques de F. von Hayek et M. Friedman. La politique économique se fonde désormais sur l'idée que l'Etat doit perdre entièrement la place prépondérante qui était devenue la sienne et les activités économiques être régulées par le marché. En quelques années, l'économie chilienne est profondément restructurée.

1975

  • 6 oct. : tentative d'assassinat, alors qu'il est en exil à Rome, contre Bernardo Leighton, ancien ministre démocrate-chrétien de l'Intérieur sous la présidence d'Eduardo Montalvo Frei, opposant à la dictature.
  • 25 nov. : création de l'Operación Cóndor (Opération Condor), système de répression de masse et de terreur mis en place dans le Cône Sud de l'Amérique du Sud, et regroupant les services de renseignement de 6 dictatures militaires : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay. Les objectifs de ce réseau sont la collecte d'information sur les organisations "gauchistes", l'éradication des idées et de l'influence communistes et l'élimination des oppositions politiques. Jusqu'à 1978 au moins, les Etats-Unis fournissent aide technique et financière au réseau. Pour le Chili, la DINA est directement impliquée dans l'Opération Condor, elle est responsable dans ce cadre de nombreuses disparitions, assassinats ou tentatives d'assassinats d'opposants.

1976

  • 5 janv. : création de la Vicaría de la Solidaridad par l'Eglise catholique chilienne, sous la direction du cardinal Raúl Silva Henríquez, archevêque de Santiago. Ses missions consistent à défendre les droits de l'homme sous la dictature, à en recenser les violations, et à fournir une assistance juridique aux victimes et à leur famille. Elle devient un organisme de contestation ouverte de la dictature.
  • 18 fév. : vote par le Sénat américain d'une suspension de toutes les ventes d'armes au Chili, désormais conditionnées à une amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays.
  • 21 sept. : assassinat à Washington d'Orlando Letelier, ambassadeur du Chili aux Etats-Unis en 1971, puis ministre de S. Allende. Le meurtre fait grand bruit aux Etats-Unis, une enquête du FBI établit la responsabilité d'un agent de la DINA ayant précédemment travaillé pour la CIA. Il marque un tournant dans l'Opération Condor et, dans une certaine mesure, dans les relations américano-chiliennes.

1977

  • 13 août : sous la pression des Etats-Unis, le gouvernement chilien dissout la DINA. Celle-ci est remplacée par le Central Nacional de Información (CNI), avec les mêmes objectifs.
  • 5 déc. : condamnation par l'Assemblée générale des Nations Unies des "violations continues et inadmissibles" des droits de l'homme par le régime chilien.

1978

  • 4 janv. : référendum organisé par le général Pinochet pour légitimer le régime et amener le peuple chilien à rejeter la résolution des Nations Unies, qualifiée d'"aggression internationale". Le vote est obligatoire, il se tient dans une atmosphère de répression violente. 75% des votants expriment leur soutien au pouvoir ; les résultats sont dénoncés par la presse internationale, l'opposition chilienne accuse le pouvoir de fraude électorale.
  • 19 avr. : loi d'amnistie destinée à absoudre tous les crimes commis par l'armée et la police entre le 11 sept. 1973 et le 10 mars 1978.
  • juil. : le général Pinochet parvient à faire expulser de la junte son rival le général Gustavo Leigh Guzmán, l'un des organisateurs du coup d'Etat de 1973, pour avoir exprimé des critiques à l'égard de ses politiques économique et de répression.
  • 1 août : le gouvernement nord-américain exige l'extradition des agents de la DINA responsables de l'assassinat d'Orlando Letelier. Face au refus de la Cour suprême chilienne, des sanctions économiques et militaire sont décidées.
  • 1 déc. : découverte du charnier de Lonquén, puis de celui du cimetière de Santiago. Les familles de disparus s'enhardissent progressivement dans leurs revendications, organisent des grèves de la faim avec le soutien de la Vicaría de la Solidaridad, se tournent vers les Nations Unies.

1980

  • 12 août : le pouvoir annonce sa décision de soumettre à référendum une nouvelle constitution, destinée entre autres à donner au général Pinochet un mandat de 8 ans en tant que président du Chili. Il s'agit d'une "période de transition", durant laquelle A. Pinochet continuera donc à exercer le pouvoir exécutif, et la junte, le pouvoir législatif. Au terme de ce mandat, un candidat à la présidence devra être proposé par la junte, cette candidature devant être ratifiée par référendum national.
  • 11 sept. : référendum, la Constitution est approuvée par 67% des votants. Accusations de fraude électorale par l'opposition.
  • 20 déc. : 5 évèques chiliens prononcent l'excommunication des personnes coupables d'avoir ordonné ou pratiqué la torture.

1981

  • 11 mars : la nouvelle Constitution entre en vigueur. A. Pinochet prête serment comme nouveau président.

1982

  • l'année 1982 marque le début d'une longue période de récession économique qui touche non plus seulement la classe ouvrière mais aussi la classe moyenne, dont le niveau de vie diminue. Le projet de "révolution capitaliste" a tourné court, le modèle économique importé de l'école de Chicago connaît une crise profonde.
  • 27 fév. : Tucapel Jiménez, dirigeant du syndicat l'Agrupación Nacional de Empleados Fiscales, est assassiné par des officiers du CNI après avoir organisé une grève générale contre la dictature.

1983

  • La crise économique entraîne une crise sociale (baisse généralisée du pouvoir d'achat, taux de chômage considérable, paupérisation), la base sociale du régime s'effrite. L'année 1983 marque le début d'une série de mouvements de protestation et de revendications populaires (protestas). Le 11 mai : grève générale des ouvriers des mines de cuivre contre la politique économique du gouvernement, relayée par les centrales syndicales d'autres secteurs ; les 14 juin, 12 juil., 11 août et 8 sept, manifestations qui paralysent le pays. Malgré une répression toujours aussi féroce, ces protestas sont un succès.
  • La situation sociale permet la reconstruction d'une opposition au régime, malgré les divisions persistantes au sein même de la gauche et entre la droite et la gauche. Le 14 mars, plusieurs dirigeants de l'opposition élaborent un "Manifeste démocratique". Le 6 août, les partis Democracia Cristiana, Partido Social Democracia, Partido Radical, Unión Socialista Popular, Derecha Democrática Republicana apportent leur soutien au manifeste et créent l'Alianza Democrática (AD). Celle-ci est rejointe ultérieurement par le Bloque socialista, créé par les socialistes avec le MAPU, le MAPUOC et la Gauche chrétienne.
  • 30 août : assassinat par le MIR du gouverneur de Santiago, le général Carol Urzúa Ibáñez.
  • sept. : les partis de gauche non représentés dans l'Alianza Democrática (dont le PC, le MIR et une partie des socialistes) créent le Movimiento Democrático Popular (MDP).
  • 18 nov. : l'Alianza Democrática appelle à une manifestation unitaire dans le parc O' Higgins de Santiago ; selon les agences de presse internationales, plus d'un demi-million de personnes y assistent. Malgré les arrestations, le rassemblement marque le début d'une nouvelle offensive de l'opposition.
  • déc. : création par le Partido Comunista de Chile du Frente Patriótico Manuel Rodríguez (Front patriotique Manuel Rodríguez, FPMR), pour organiser la résistance armée à la dictature.

1984

  • 30 oct. : grève nationale de protestation. Le 6 nov., les autorités instaurent l'état de siège, mettant fin aux rares libertés publiques accordées et interdisant plusieurs magazines d'opposition. A la fin de 1984 et au début de 1985, se sentant menacé, le pouvoir reprend l'initiative pour renforcer son contrôle sur la société par un redoublement de la terreur.

1985

  • nombreuses protestas tout au long de l'année 1985.
  • 26 août : sous le patronage de l'archevêque de Santiago, Mgr Juan Francisco Fresno, un "Accord national pour la transition vers une pleine démocratie" est signé par les onze partis de l'AD. Celui-ci ne signifie toutefois pas encore l'unité de l'opposition : le MDP n'est pas invité aux négociations, en raison de désaccords sur les méthodes à utiliser pour combattre la dictature. Tandis que l'AD préconise une approche pacifique, négociée avec les forces armées et le général Pinochet, le MDP estime qu'il faut contraindre ce dernier à se démettre en combinant toutes les formes de lutte.
  • nov.-déc. : grève dure des dockers.
  • 21 nov. : gigantesque meeting rassemblant toutes les forces d'opposition dans le parc O'Higgins, à Santiago.

1986

  • 7 sept. : tentative d'assassinat contre A. Pinochet par le FPMR, causant la mort de 5 gardes du corps. Les autorités rétablissent l'état de siège, 4 importants dirigeants d'opposition sont exécutées.

1987

  • 25 fév. : réouverture des registres électoraux, pour la première fois depuis 1973 ; conformément à la Constitution de 1981, un référendum est en préparation pour l'année 1988.
  • mars : loi rétablissant le droit de former un parti politique ; une douzaine de partis se font enregistrer au cours de l'année.
    L'opposition réclame des élections libres.
  • 1-6 avr. : visite ambiguë du pape Jean-Paul II au Chili, qui déçoit les immenses espoirs de la population et est marquée par la répression contre les 500 000 personnes rassemblées au parc O'Higgins.
  • 7 juil. : remaniement ministériel, consacrant un durcissement du régime et un retour en force de la droite conservatrice.

1988

  • 2 fév. : en prévision du référendum national prévu pour le mois d'oct., création de la Concertación de Partidos por el No (Concertation des partis pour le non), qui regroupe 14 partis politiques opposés au maintien au pouvoir du général Pinochet. Patricio Aylwin, président du PDC, en est le porte-parole.
  • 30 aout : A. Pinochet est désigné comme seul candidat de la junte au poste de président du Chili pour le référendum national du 5 oct. 1988.
  • 22 sept. : la junte signe la Convention des Nations Unies contre la torture, mais annonce que celle-ci ne pourra entrer en vigueur qu'en mars 1990, et sans rétroactivité.
  • 5 oct. : référendum national, conformément à la Constitution de 1980, sur la candidature du général Pinochet à la présidence. L'opposition l'emporte avec 54,6% des suffrages, en dépit des obstacles auxquels elle a dû faire face ; le "oui" obtient 42,9% des suffrages. Le projet d'A. Pinochet de rester 8 ans de plus au pouvoir est donc rejeté.
  • Au lendemain du référendum, la Concertación de Partidos por el No prend le nom de Concertación de Partidos por la Democracia (CCPD) en vue d'élaborer un programme commun et de présenter un candidat unique aux élections présidentielle et législatives, fixées pour déc. 1989. A. Pinochet reste au pouvoir jusqu'à cette date.

1989

  • 14 déc. : élections présidentielle et législatives. Patricio Aylwin est le candidat des dix-sept partis de la CCPD. Il remporte l'élection avec 55,2% des suffrages. La CCPD obtient 72 des 120 sièges à la Chambre des députés, et 22 des 38 sièges au Sénat.
    Le 11 mars 1990, Patricio Aylwin entre en fonction comme Président du Chili.

 

Sources :
-Baeza, Cecilia. - République du Chili - Bilans annuels de 1983 à 2013. - L'Etat du monde, 2013.
-Kohut, David R. ; Vilella, Olga. - Historical dictionary of the "dirty wars". - Lanham, Md. ; Toronto ; Plymouth : The Scarecrow Press, 2010. - 405 p.
-Lea, David Milward, Colette. - A political chronology of the Americas. - London : Europa Publ., 2001. - 278 p.
-Memorias para construir la Paz : cronologia (Fundación de Documentación y Archivo de la Vicaría de la Solidaridad)
-Rudel, Christian. - Le Chili. - Paris : Éditions Karthala, 2011. - 197 p.
-Sarget, Marie-Noëlle. - Histoire du Chili de la conquête à nos jours. - Paris : Harmattan, 1996. - 319 p.

Mis à jour le 23/09/2016

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