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Crédits photo : Myriam Périer
Crédits photo : Myriam Périer

Disparition de Pierre Hassner

par

Esprit

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de Pierre Hassner, samedi 26 mai, à l’âge de 85 ans. Ami et collaborateur fidèle de la revue, il a été un repère et une inspiration pour toute une génération de spécialistes des relations internationales, et laisse derrière lui un grand nombre de textes qui frappent autant par leur originalité que par leur lucidité.

Né en Roumanie d’une famille juive qui survécut au nazisme, Pierre Hassner émigre en 1948 en France avant d’être l’étudiant de Raymond Aron, dont la pensée imprégnera son œuvre. Il étudie et enseigne par la suite aux États-Unis, et deviendra l’un des plus fins analystes de la politique étrangère américaine et notamment de son tournant néo-conservateur.

Son premier article dans la revue Esprit date de décembre 1972. Ses analyses se consacrent alors à l’évolution des conflits internationaux à l’époque de la guerre froide et au combat anti-totalitaire. Après la chute du Mur de Berlin, il compta parmi les premiers à comprendre la résurgence des conflits ethniques et religieux ; entre 1991 et 1999, il s’engagera sans compter dans les débats sur les droits de l’homme et la responsabilité de protéger dans les guerres qui déchirent les peuples de l’ex-Yougoslavie.

Son dernier essai, La revanche des passions (Fayard, 2015), interroge le retour des violences à l’heure de la mondialisation à la lumière de la philosophie politique. Plus récemment encore, au micro de Frédéric Worms*, il nous invitait à reconnaître les migrations comme le défi central de notre époque, et à réveiller l’esprit européen.

* https://www.franceculture.fr/emissions/les-discussions-du-soir/lere-des-refugies

 

Voici, en accès libre, une sélection de cinq textes de Pierre Hassner parus dans Esprit:

« Feu (sur) l’ordre international ? », Août-Septembre 2014

Faire régler l’ordre par la loi, par l’empire ou par l’équilibre semble aujourd’hui difficile, tant les acteurs sont hétérogènes au niveau international. Malgré cela, cependant, on assiste à une recrudescence des nationalismes et des conflits régionaux. Retour au XXème siècle ? Sans doute pas, mais reste que la paix et la sécurité mondiales ne semblent pas à l’ordre du jour.

« Kosovo, Balkans, Europe : brève rencontre ou mariage durable ? », Mai 2001

La chute et l’arrestation de Milosevic ont relancé la thèse de la symétrie des responsabilités entre Serbes et Albanais. La Serbie retrouve une respectabilité internationale tandis que la minorité albanaise, pointée du doigt, est présentée dans de nombreuses chancelleries comme le facteur d’instabilité dans la région. C’est pourquoi l’évolution parallèle du Kosovo, de l’Albanie et de la Macédoine vers plus de démocratie se fera sur un fil dans les années qui viennent.

« Les intrus. Théorie et pratique des relations internationales devant le problème des réfugiés », Février 1995

Si la question des réfugiés est désormais centrale, c’est parce qu’elle met en relation trois dialectiques chères à Pierre Hassner : celle des minorités, des frontières et des migrations ; celle de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme ; et enfin celle de l’Etat républicain, de l’organisation internationale et du droit cosmopolitique.

« L’Europe et le spectre des nationalismes », Oct. 1991

La désintégration de l’Europe du Centre-Est et de l’Union soviétique ont mis la question des nationalismes sur le devant de la scène. Mais il ne faut pas confondre les niveaux d’analyse : les nouvelles entités nationales sont moins une menace que les risques d’attitudes xénophobes ou racistes vis-à-vis des immigrations diverses. Auquel cas, les difficultés de l’Est européen pourraient bien être aussi les nôtres.

« Un chef d’œuvre en péril : le consensus français sur la défense », Mars-Avril 1988

Le consensus sur la défense se meurt. La rumeur commence à se répandre depuis qu’à la bataille des euromissiles succède la nouvelle détente et qu’en France, la cohabitation peut se transformer en compétition électorale. La situation se renverserait-elle par rapport au début des années 80 ?