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Jacques Rupnik : « Pierre Hassner, l’Européen »

Directeur de recherche au CERI-Sciences Po, Jacques Rupnik évoque le parcours intellectuel de son collègue et ami, mort samedi.

Par Jacques Rupnik (Directeur de recherche au CERI-Sciences Po)

Publié le 28 mai 2018 à 09h58, modifié le 28 mai 2018 à 13h44

Temps de Lecture 5 min.

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Pierre Hassner, en 2015.

Avec le décès samedi 26 mai de Pierre Hassner, le plus grand spécialiste des relations internationales de ce pays depuis Raymond Aron, le cercle du ­maître disparu va bien au-delà de la discipline qu’il étudiait et enseignait à Sciences Po pendant plus d’un demi-siècle. Ceci est dû à son exceptionnel brio autant qu’à son approche inclassable, indifférente aux modes académiques ou intellectuelles, sa géné­rosité et sa disponibilité dans un milieu où ce ne sont pas les qualités les plus répandues.

Le « charisme » de Pierre Hassner était lié à sa virtuosité à l’oral. Raymond Aron, dans ses Mémoires, décrit ainsi le jeune agrégé de philosophie qui devint son assistant : « Pierre Hassner (…) fit un exposé brillant, étourdissant sur Thucydide. Je le comblais d’éloges qui ne dépassaient pas ses mérites. Je lui dis que jamais, étudiant ou enseignant, je n’avais entendu un discours de qualité comparable. »

L’originalité de l’apport de Pierre Hassner tient sans doute du bon usage de la philosophie politique dans l’étude des relations internationales. L’auteur d’études sur Kant et Hegel était aussi un grand lecteur de journaux. Si, selon la boutade d’Hegel, la lecture du journal a remplacé la prière matinale pour l’homme moderne, Pierre Hassner était, sur ce plan du moins, résolument moderne.

« Le spectre des nationalismes »

Son paradigme, dans le contexte de la guerre froide, consistait à ne pas se contenter d’une approche limitée à l’affrontement de deux blocs militaro-idéologues, mais de distinguer les relations et rapports de forces au plan des Etats, l’interaction des économies et l’interpénétration des sociétés.

Au lendemain de l’invasion de la Tchécoslovaquie, il écrivait en novembre 1968 : « (…) le bloc de l’Est est soumis à des crises graves et multiples à cause du paradoxe d’un extraordinaire manque d’homogénéité socioculturelle et d’une extraordinaire volonté d’homogénéité politique ». Il ne voyait que deux solutions liées : « réduire la différence sociale et intellectuelle par l’évolution de l’URSS, accroître la diversité politique par une tolérance de sa part. Cela suppose à long terme un Dubcek [premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque de janvier 1968 à avril 1969, considéré comme le père du « Printemps de Prague »] soviétique et une Europe capable d’offrir de nouvelles structures à une Europe de l’Est plus autonome ». C’est cette approche, où les sociétés deviennent un facteur dans les relations Est-Ouest, qu’il déploya avec le sociologue Pierre Grémion au CERI, au sein d’un groupe de réflexion sur les relations Est-Ouest en Europe. Le processus d’Helsinki et la naissance de la dissidence offraient un champ nouveau pour analyser la décomposition à l’Est et repenser la diplomatie à l’Ouest.

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