POLITIQUEComment Berlusconi, l'immortel Cavaliere, continue à séduire en Italie?

Elections en Italie: Silvio Berlusconi, l'immortel Cavaliere, fait-il vraiment son grand retour?

POLITIQUEAlors que les Italiens sont appelés à voter pour les élections législatives ce dimanche, retour sur l’incroyable et durable succès du Cavaliere, 81 ans et toujours présent…
Silvio Berlusconi, leader de Forza Italia et ancien Président du Conseil a voté dimanche 4 mars pour les élections législatives à Milan.
Silvio Berlusconi, leader de Forza Italia et ancien Président du Conseil a voté dimanche 4 mars pour les élections législatives à Milan. - Antonio Calanni/AP/SIPA
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Silvio Berlusconi, retrouve le devant de la scène politique, à 81 ans… après avoir été enterré politiquement un nombre incalculable de fois.
  • Il a construit une coalition avec son parti, Forza Italia, la Ligue du Nord et Frères d’Italie, qui selon les derniers sondages pourraient arriver en tête.
  • Toujours incontournable bien qu’inéligible, le Cavaliere arrive encore à séduire une partie des Italiens.

«Berlusconi a 12 ou 13 vies », a récemment reconnu Matteo Renzi, le chef du Parti démocrate italien. Et ce dimanche soir, les élections législatives italiennes pourraient redonner un rôle de premier plan à l’immortel Cavaliere, 81 ans et un sourire carnassier.

Si son inéligibilité jusqu’à 2019 devrait lui interdire de faire un quatrième mandat de Président du conseil, équivalent de notre Premier ministre, il pourrait jouer le rôle de faiseur de roi et tirer les ficelles en coulisse. Mais qu’est-ce qui fait (encore) le succès de ce grand-père populiste et poursuivi pour de multiples scandales financiers et sexuels ?

Les raisons d’une popularité durable

Petit détour historique. « Il surgit en 1994, alors que la vie politique italienne traverse un tremblement de terre lié d’une part aux révélations sur la corruption politique généralisée, baptisée "l’opération mains propres", rappelle Marc Lazar, directeur du Centre d’Histoire de Sciences Po. Deuxième phénomène, le principal parti politique d’opposition, le parti communiste, se retrouve dans une situation dramatique avec l’effondrement du bloc communiste. Silvio Berlusconi arrive, flamboyant, disant qu’il va libéraliser, moderniser la société et la politique, révolutionner la communication. Une partie de l’Italie espérait qu’un chef d’entreprise pourrait remettre le pays dans le droit chemin. »

Et en effet, il importe les méthodes de management d’une entreprise dans la politique. « Il a mis en pratique ses techniques de conquête du marché en politique avec beaucoup de succès », souligne Laurence Morel, chercheuse au Centre de recherches politiques de Sciences Po. Avec un recours aux sondages, une individuation de l’électorat à convaincre, qui va faire mouche. Mais il a aussi des moyens de propagande énormes », avec 50 % du paysage audiovisuel du pays… Sans parler de son impressionnant charisme. « Son style de vie, l’argent et les femmes, fait rêver une partie des hommes », reconnaît l’historien.

Mais ses succès successifs s’expliquent également par « sa capacité à construire des coalitions, y compris avec des acteurs qui se détestaient cordialement, analyse Camille Bedock, chercheuse à l’Université Libre de Bruxelles. Ce politique très pragmatique, sans conviction très forte, avec pour seul objectif le pouvoir, joue un rôle de balancier au milieu. »

Toujours en coulisses

Pourquoi c’est si facile pour lui de revenir aujourd’hui ? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’a jamais réellement disparu de l’échiquier politique mais s’est seulement éloigné des projecteurs. « Même depuis 2013, il reste leader de son camp et incontournable, confirme Camille Bedock. On l’a bien vu quand Matteo Renzi va négocier un pacte sur la loi électorale, c’est avec Berlusconi. » Et il a su, à nouveau, jouer sur des alliances, avec la Ligue du nord et Frères italiens.

Est-ce que son cœur de cible n’a pas été écœuré par ses scandales et autres procès ? « Certains électeurs de Berlusconi ne sont pas repoussés par ses condamnations, parce qu’il a consacré sa carrière politique à critiquer les juges qui seraient contre lui, examine Camille Bedock. Une partie de son succès s’explique par cette capacité à se poser en victime et en sauveur. »

Mais il bénéficie surtout d’un déficit d’opposants à sa hauteur : Matteo Renzi s’est mis à dos une partie des Italiens et il reste le seul leader à droite. « Dans ce pays, la gauche a toujours provoqué des réactions épidermiques, c’est le communisme, l’État, les impôts, les syndicats », résume Marc Lazar. Enfin, il a réussi à se poser en rempart contre le mouvement des cinq étoiles.

Capable de promettre tout et son contraire, il sait aussi répondre aux préoccupations majeures des Italiens : immigration, pouvoir d’achat… Promettant cette fois une « flat tax » non progressive… impossible à mettre en place. « Si tous les partis s’opposent aujourd’hui à l’austérité, dans cette fuite en avant des promesses économiques, Berlusconi a surenchéri », résume Camille Bedock.

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Un Cavaliere toutefois affaibli

« Il reste incontournable, certes, mais affaibli politiquement, nuance Marc Lazar. Si le vote confirme les sondages, le résultat de Forza Italia serait le plus mauvais depuis un quart de siècle ! » S’il a atteint un tiers des votes à son apogée, aujourd’hui son parti totaliserait en effet selon les sondages autour de 17 %.

L’expérience du pouvoir a grignoté la confiance d’une partie de ses électeurs. Le Cavaliere fut trois fois Président du conseil en 1994, entre 2001 et 2006 et de 2008 à 2011. « Tout ce qu’il promettait ne s’est pas réalisé, analyse Marc Lazar. Le scandale des « Bunga bunga » [parties fines dans sa villa] lui a fait perdre l’électorat catholique. » « Il ne séduit quand même plus grand monde en Italie aujourd’hui », tranche Laurence Morel.

Au point même que cette fois, il pourrait être en danger. Au sein de sa coalition, ceux qui progresseraient, c’est la Ligue du Nord et les Frères d’Italie. Il ne pourra donc pas dicter sa loi. « Il est en train d’être mangé, reprend la chercheuse. C’est toujours le leader incontesté de Forza Italia, mais dans la coalition il subit la concurrence du leader de la Ligue, Matteo Salvini, très charismatique. »

Immortel, vraiment ?

Autre frein : il n’est plus tout jeune. Victime d’un malaise cardiaque en 2006, il a été opéré à coeur ouvert en 2016. Mais tente de rassurer depuis des semaines : oui, il a une santé de jeune premier…

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Or, à 81 ans, avec son sourire figé et son teint orangé, la question de l’héritage se pose.

« La double caractéristique, c’est que Forza Italia est un parti entreprise et un parti personnel, résume Marc Lazar. Depuis 24 ans, ses amis lui ont dit il faut autonomiser ce parti, mais il a toujours refusé. Car c’était prendre le risque de voir surgir un successeur qui pourrait un jour tuer le père. Tous ceux qui l’ont critiqué ont dû partir. C’est à la fois sa force, mais aussi sa fragilité. Le jour où il ne sera plus là, le parti risque de disparaître. »

A moins que… « Si la droite l’emporte, c’est Antonio Tajani, adoubé par Berlusconi qui deviendrait président du Conseil, or il représente une droite classique et européenne et pourrait porter le renouveau de la droite italienne », avance Laurence Morel.

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