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L'offensive lancée le 27 octobre par l'Alliance de la fraternité contre l'armée birmane a porté ses fruits : la junte militaire qui dirige la Birmanie, ou Myanmar, a subi plusieurs revers, soulevant des interrogations sur l'avenir du pays.
L'opération lancée par l'Arakan Army, la Ta’ang National Liberation Army et la Myanmar National Democratic Alliance Army, touchant principalement la région du Kokang a par ailleurs motivé d'autres combattants dans le reste du pays à passer à l'action, forçant le régime à se battre sur plusieurs fronts.
Laukkaing, ou la chute d'une ville symbolique
Attaquée dans toutes les régions du pays par une myriade de groupes armés, la junte contrôle actuellement "moins de la moitié du territoire", selon David Camroux, chercheur honoraire au Centre de Recherche Internationales et spécialiste de l'Asie du Sud-Est.
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Les rebelles viennent justement de remporter leur plus importante victoire en prenant Laukkiang, capitale de la petite région autonome du Kokang, début janvier 2024, après plusieurs semaines de combat. Les derniers combattants du régime ont évacué la ville le 4 janvier, les rebelles revendiquant le chiffre (difficilement vérifiable) de 2389 militaires qui se sont rendus suite à la bataille.
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Laukkaing, adossée à la frontière chinoise, sert de base à des trafics allant de casinos à des arnaques en ligne. "L'occupation de la ville est un coup terrible pour le régime d'un point de vue symbolique : en 2009, elle avait justement été prise à des groupes ethniques par des troupes dirigées par Min Aung Hlaing, le chef de l'actuelle junte", note David Camroux.
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Cette défaite à quelques encablures de la Chine remet en question les capacités du régime, mais aussi le soutien de son voisin chinois. Malgré les troubles à la frontière, Pékin n'est pas venu en aide militairement à son allié, profitant même de l'occasion pour arrêter plusieurs criminels basés dans le Kokang.
"Dans le cas chinois, il y a ce que décide Pékin, ce que décide la région [frontalière avec la Birmanie] du Yunnan, et ce que font les groupes criminels, les trois pouvant diverger", décrypte David Camroux.
"Le régime chinois est pragmatique sur la question birmane", pointe de son côté Olivier Guillard, chercheur associé à l'Institut d'Etudes de Géopolitique Appliquée et auteur de Birmanie 2020 : "il discute avec tout le monde, la junte, les pro-démocratie... L'objectif est de préserver ses intérêts quel que soit le gouvernement". La position de la Birmanie, traversée par des pipelines reliés à la Chine qui ont l'avantage d'éviter de passer par le détroit de Malacca, en fait un pays à l'importance notable pour Pékin.
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Des positions jusqu'au-boutistes
Mais l'avenir du conflit par-delà cette victoire est encore incertain. "La junte a provoqué deux choses : l'unité nationale, qui s'est construite contre elle, et l'émergence d'une génération qui a connu un régime dysfonctionnel mais malgré tout démocratique sous Aung San Suu Kyi", explique David Camroux.
"Du côté des rebelles, on a l'impression que c'est maintenant ou jamais", souligne pour sa part Olivier Guillard. Les différents groupes rebelles ne semblent donc pas prêts à poser les armes alors qu'ils sont en position de force.
"Quant à la junte, elle considère qu'elle n'a pas encore perdu, elle a toujours un soutien chinois et russe, et la résistance ne recevra pas de matériel occidental", continue le chercheur. "Le régime peut donc encore augmenter l'intensité du conflit et les horreurs qu'elle commet contre la population civile, en sachant qu'elle est de toute façon déjà honnie."
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Rien ne permet donc encore d'affirmer que la junte de Naypyidaw va tomber sous peu, malgré la fragilisation du régime. Mais dans les provinces comme à l'étranger, où est installé le Gouvernement d'unité nationale renversé en 2021, les anti-junte songent sérieusement à l'après-conflit, qui pourrait être difficile à mettre en place même en cas de victoire claire contre les militaires.
"Les rebelles pencheraient sur un modèle fédéraliste en cas de victoire", juge Olivier Guillard. "Mais tous les groupes ethniques n'ont pas la même importance en termes de population, positionnement géographique, ressources... Ce qui peut compliquer la donne".
➤ Retrouvez aussi le reportage paru dans le magazine GEO n°535 de septembre 2023:
Un an avec la résistance birmane, vivre sur la ligne de front