Au nord du Mali, les touaregs s’imposent après le départ des troupes de l’ONU

Soldat tchadien de la MINUSMA à l'extérieur de la ville de Gao, après le retrait de leurs bases de Tessalit et d'Aguelok dans le nord du Mali, le 25 octobre 2023 ©AFP - MINUSMA / AFP
Soldat tchadien de la MINUSMA à l'extérieur de la ville de Gao, après le retrait de leurs bases de Tessalit et d'Aguelok dans le nord du Mali, le 25 octobre 2023 ©AFP - MINUSMA / AFP
Soldat tchadien de la MINUSMA à l'extérieur de la ville de Gao, après le retrait de leurs bases de Tessalit et d'Aguelok dans le nord du Mali, le 25 octobre 2023 ©AFP - MINUSMA / AFP
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Le départ des troupes de l’ONU du Nord du Mali était planifié depuis des mois… Ce lundi, celles-ci ont organisé un dernier commando leur permettant de quitter la ville stratégique de Kidal.

Avec
  • Luis Martinez Politiste et spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient, directeur de recherche au CERI. Ses recherches portent sur l’Etat au Maghreb, la démocratisation, l’islamisme et la rente pétrolière.

Après leur départ, les rebelles indépendantistes touaregs ont repris la ville. La junte au pouvoir à Bamako entend pourtant bien reprendre le contrôle du nord du pays grâce à l’armée désormais appuyée par le soutien de Wagner… Quels sont les enjeux du départ des troupes de l’ONU, et faut-il s’attendre à une escalade de violence dans la région ?

Quel était le rôle de la MINUSMA ?

À la différence de l'opération européenne Barkhane, la MINUSMA, composée de 12 000 à 15 000 hommes selon le chercheur Luis Martinez, était chargée de protéger les populations et d'assurer une sécurité à des territoires menacés par la violence depuis 2012 : "la mission s'est substituée à un État malien profondément absent dans cette région et apporter toute la logistique sécuritaire nécessaire à ces populations du nord du Mali."

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Le déploiement de cette mission a suscité des controverses : "pendant la période des affrontements, par exemple, la MINUSMA, on lui reprochait qu'elle n'était pas mandatée pour intervenir ou pour protéger par la force des populations dans le besoin, par exemple."

En quoi la ville de Kidal est-elle si stratégique pour les forces en place ?

Kidal est le fief de la rébellion Touareg, dans le projet de formation d'État de l'Azawad, c'est aussi une ville importante pour l'armée malienne puisqu'elle y a essuyé plusieurs défaites militaires en 2012 et en 2014. Luis Martinez explique : "après Barkhane, la ville de Kida a été un peu interdite par l'armée française à l'armée malienne pour permettre, à la rébellion Touareg de coparticiper à la lutte contre les djihadistes. Eux-mêmes avaient signé les accords de paix avec le pouvoir de Bamako. L'idée était de dire tout à règle et Barkhane contre les djihadistes. L'armée malienne a vécu ce type d'accord comme une sorte de marginalisation de sa capacité à s'imposer sur son propre territoire. Cela a été quand même un motif et une rancœur très importante de l'armée malienne."

Le départ des troupes de la MINUSMA du Mali a laissé espérer à l'armée malienne qu'elle puisse se réimplanter sur les anciennes bases. Or, le territoire est aujourd'hui piloté par la coordination Touareg qui a rompu les accords de Paix en 2015 : "il y a un climat d'hostilité. On a des colonnes de l'armée malienne qui sont aujourd'hui à peu près à 100 km de Kidal, mais nous ne savons pas si elles seront en capacité de chasser les Touaregs de cette ville.  Ce qu'on sait, c'est qu'elles ont été renforcées, ces colonnes, par un appui des Russes et de la milice Wagner."

Faut-il s'attendre à une offensive de l'armée malienne à Kidal ?

"Sans doute que oui, parce que c'est tellement important dans le narratif de l'armée malienne, la récupération de Kidal, ça a quand même été le motif de rancœur contre la France, que l'armée malienne ne peut pas rester aux portes de Kidal et regarder les Touaregs l'occuper. Elle sera, de par sa propre histoire, celle qu'elle se raconte finalement obligée d'y aller. On peut imaginer que l'armée va attendre tout de même que la MINUSMA parte véritablement ou quitte le territoire malien pour pouvoir entreprendre cela", déclare Luis Martinez, directeur de recherche au CERI.

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