La démocratie en Turquie a parlé. Avec un taux de participation de 87 % au premier tour et de 85 % au second, les Turcs ont fait la preuve d’un civisme exemplaire, mais pour quel résultat ? La coalition hétéroclite de plusieurs partis politiques d’opposition menée par Kemal Kiliçdaroglu a échoué à destituer le président, Recep Tayyip Erdogan. La déception du camp social-démocrate est grande quant à l’avenir de la démocratie en Turquie.
Par les urnes, les Turcs ont clairement fait le choix d’un statu quo autoritaire plutôt que de miser sur la promesse, non garantie, d’une alternance démocratique salvatrice. La défaite est d’autant plus cuisante pour l’opposition qu’elle est entachée de déshonneur. Focalisée dans l’entre-deux-tours sur un discours nationaliste et anti-immigration, visant surtout les réfugiés syriens, elle s’est retrouvée en porte-à-faux avec les aspirations profondes d’une large frange de la coalition.
Contre toute attente, en semant le doute et la confusion sur l’identité et la force de cohésion de cette coalition, cette crispation sur un nationalisme xénophobe a éclipsé tous les autres sujets autrement plus urgents et pertinents pour le pays : la crise économique profonde, l’inflation douloureuse, les traumatismes du séisme, dont on pouvait penser qu’ils suffiraient à sanctionner le pouvoir en place. C’est tout l’inverse qui s’est produit. La peur d’une déstabilisation encore plus incontrôlable a manqué de peu d’accorder la victoire dès le premier tour au président Erdogan. Parallèlement, son alliance s’approche également des 50 % aux législatives. Le second tour de la présidentielle vient de lui assurer une victoire totale, à hauteur de 52 %.
Au-delà de la déception et du désaveu envers le modèle démocratique, que nous enseignent ces élections présidentielle et législatives ?
Malgré les failles de son bilan, l’habileté tactique électoraliste d’Erdogan reste intacte. Il a su détourner l’attention des difficultés économiques, de la baisse vertigineuse et inquiétante du pouvoir d’achat, pour rendre prioritaires et faire vibrer les cordes sensibles des Turcs : la sécurité des frontières, la stabilité régionale, le statut de la Turquie sur la scène internationale et les performances du pays en matière d’industrie de défense nationale. Un avantage tactique d’autant plus judicieux que l’opposition, novice dans sa coalition et inexpérimentée sur ce terrain international, ne pouvait y répondre que par des promesses théoriques, maladroites et insuffisamment crédibles.
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