Retraites au 49-3 : crise de la démocratie ou crise du macronisme ?

Le passage en force du gouvernement sur les retraites met le Président dans une situation délicate ©AFP - Ludovic Marin
Le passage en force du gouvernement sur les retraites met le Président dans une situation délicate ©AFP - Ludovic Marin
Le passage en force du gouvernement sur les retraites met le Président dans une situation délicate ©AFP - Ludovic Marin
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Après une nouvelle utilisation du 49.3 et après le rejet de la motion de censure transpartisane à l’Assemblée nationale, les méthodes de l'exécutif sont remises en cause. Les institutions de la Ve république sont-elles encore viables et démocratiques ?

Avec
  • Marc Lazar Professeur émérite d'histoire et de sociologie politique à Sciences po et à l'Université LUISS de Rome
  • Claire Gatinois Journaliste au Monde

Le gouvernement formé par Elisabeth Borne est fragilisé malgré le rejet de la motion de censure  transpartisane par les députés de l’Assemblée nationale. Alors que les injonctions à sa démission se multiplient dans l’hémicycle et dans la société civile, comment l'exécutif peut-il encore convaincre ?

Le Président de la République “face au peuple”

“A travers tout ce que l’on vit actuellement se pose la question de la réforme retraite, du malaise social, de la légitimité de la Vème République et de la valeur de la démocratie représentative”, analyse l’historien Marc Lazar. La journaliste spécialiste de l'exécutif français Claire Gatinois ajoute : "on a le sentiment d’un déjà vu, puisqu'à nouveau, le président de la République est face au peuple. Dans cet affrontement, Emmanuel Macron essaie en effet de restaurer sa légitimité en expliquant que la "foule" qui s’adresse à lui dans la rue n’est pas plus légitime que les députés qui s’expriment au Parlement et rappelle que l’utilisation du 49.3 n'est pas un "outil de dictateur", mais qu’il appartient aux instruments de la Constitution”. La journaliste note par ailleurs que “le chef de l'Etat n’exprime pas de regrets, ne donne pas le sentiment de tendre la main” et indique qu’en parlant “d'émeutes”, terme employé lors de son adresse aux députés le mardi 21 mars, Emmanuel Macron “essaie de montrer qu'aujourd'hui, l’expression de la rue est désordonnée, représente le chaos et qu’il sera là pour maintenir le calme et respecter les institutions face au désordre alimenté par les députés qui sont ses ennemis, en particulier les députés de la France insoumise”.

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Compromis social et politique : un double échec

La réforme est très majoritairement impopulaire. Quels sont les signaux dont l'exécutif doit tenir compte ? “Il doit tenir compte de l’importance de ces mobilisations, souligne Marc Lazar. Les grèves ne sont pas de l’ampleur de celles de 1968, ni de celles de 1995 mais l’on sait aussi que l'inflation et la baisse du pouvoir d’achat n’incitent pas les individus à faire la grève. Pourtant, manifestement, le mouvement est immense et relayé par l’opinion publique."

L’historien ajoute : “le gouvernement n’est pas entré dans un logique de compromis social, ce qui a été recherché est un compromis politique avec Les Républicains, qui a également échoué. C’est donc un double échec”.

Quelles sont les possibilités offertes par Macron après le rejet de la motion de censure et l’intensification des mobilisations ? “Il dispose de plusieurs outils, indique la journaliste spécialiste de l'exécutif français Claire Gatinois. Parmi ces derniers, il en a écarté certains devant ses députés : l'option de la dissolution était invoquée pour faire peur plutôt que pour l'utiliser réellement, puisque les députés Renaissance ont peu de chance de sortir grandis de cette dissolution ; le référendum, destiné à relégitimer la réforme en faisant appel à la population, est également écarté puisque le Président en sortira perdant. Enfin, il reste l'option du remaniement gouvernemental pour essayer de donner un nouveau souffle à ce quinquennat”.

La fin du macronisme ?

“Ce que l’on reproche à Emmanuel Macron est d’agir comme s’il avait une majorité absolue alors même que l’on se demande aujourd'hui si le macronisme qui se revendiquait et de gauche et de droite a encore toute sa place, ajoute Claire Gatinois. N’est-ce pas en effet la fin du macronisme étant donné que la seule main qui peut lui être tendue est celle des Républicains ?” Marc Lazar souligne également les “limites du macronisme liées à l’incapacité de créer un corpus idéologique et un refus de constituer une formation ancrée dans le pays et dans le parti. Tout le monde pense à la fin de son mandat et donc à la fin du macronisme”. Il ajoute : “on a le sentiment d’une promesse trahie par Emmanuel Macron et ressort l’image d’un président qui incarne le vieux monde, le pouvoir vertical”.

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