Les législatives ne sont prévues qu’en novembre, et pourtant la campagne s’annonce déjà bien féroce. Tous les terrains semblent propices à l’affrontement, à commencer par les médias. La semaine dernière, l’ancien premier ministre libéral Donald Tusk a porté plainte contre le groupe de télévision publique TVP, à qui il reproche de l’avoir représenté à plusieurs reprises dans une lueur rouge avec une marque de mise au point sur la poitrine, laissant penser qu’une arme à feu était pointée sur lui. Tusk estime que cela peut l’exposer à « des attaques physiques ». Il réclame à TVP 30 000 zlotys (6 400 €) de dédommagement ainsi qu’une interdiction de le représenter ainsi pendant un an.

Instrument du pouvoir

Quelques jours avant Noël, le chef de l’opposition était placé sous la protection des services de sécurité de l’État. « La police m’a informé que la menace d’une tentative d’assassinat est réelle et concrète comme jamais auparavant », a réagi Donald Tusk. «La télévision publique est totalement subordonnée au pouvoir politique. Bien qu’il existe des médias indépendants qui font contrepoids, c’est une institution de propagande qui a un rôle important dans la question électorale», juge Jacques Rupnik, chercheur à Sciences Po spécialiste des problématiques d’Europe de l’Est.

Donald Tusk a toujours été perçu en Pologne comme l’un des rares politiques capables de rivaliser avec le parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski. Lorsqu’il quittait la direction de la Plateforme civique (PO) en 2014, celle-ci chutait brutalement dans les intentions de vote. Après le renouveau de 2020 et la défaite de justesse du maire de Varsovie Rafael Trzaskowski lors de l’élection présidentielle, l’ancien président du Parti populaire européen s’est imposé de nouveau comme le leader de l’opposition. «Visiblement, Trzaskowski n’a pas la volonté de monter au créneau et de contester le leadership de Tusk », estime le chercheur.

Carte européenne

Tusk croit en ses chances de l’emporter, même si le PiS reste pour l’instant en tête dans les intentions de vote. L’accueil sans égal en Europe des réfugiés ukrainiens, ajouté au contexte de la guerre en Ukraine, semble pour l’heure favoriser le parti gouvernemental, selon Jacques Rupnik. «Le PiS développe un discours sur l’unité nécessaire de la Pologne et la subordination des autres questions qui divisent à l’impératif d’aide à l’Ukraine », indique-t-il.

Avec une inflation qui s’élève à 17 %, le contexte socioéconomique pourrait en revanche être favorable au parti proeuropéen de Tusk. Le retour de ce dernier pourrait entraîner le déblocage du plan de relance européen, dont le versement est conditionné à des réformes liées à l’État de droit que le PiS est accusé de bafouer depuis 2015. «Si Bruxelles affirme sa position sur la question de la conditionnalité des aides, l’opposition aura un argument en sa faveur », poursuit le spécialiste, pour qui le comportement des instances européennes aura un impact majeur sur l’élection.