Pour les opposants à Jair Bolsonaro, le réveil aura été difficile ce lundi : contrairement à leurs espérances, le Brésil n’a pas rejeté dimanche 2 octobre les idées du président sortant lors du premier tour de l’élection présidentielle. Avec 43 % des voix, l’ancien capitaine de l’armée est certes devancé par l’ex-chef de l’État Lula, mais l’écart est moins important que prévu : seuls cinq points le séparent du leader du PT, le Parti des travailleurs (48,4 %).

Les enquêtes d’opinion avaient annoncé un écart bien plus conséquent. «Les sondages ont sous-estimé la capacité de mobilisation du camp Bolsonaro, estime Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes à Sciences Po. Pour Lula, les sondages avaient raison ; pour Bolsonaro, ils avaient tort, comme en 2018. »

Plusieurs explications sont avancées pour expliquer ce phénomène désormais récurrent : depuis le « vote caché », sorte de honte à avouer un vote en faveur de l’extrême droite, un phénomène constaté dans d’autres pays, jusqu’au vote utile de dernière minute, comme semblent en attester les très maigres résultats des seconds couteaux – Simone Tebet, centre droit (4 %), et Ciro Gomes, centre gauche (3 %).

Un second tour très ouvert

Quelles que soient les raisons de cette illusion d’optique, le second tour apparaît désormais très ouvert. D’autant qu’il aura lieu dans quatre semaines, le 30 octobre. En amont de cet acte II, c’est une nouvelle campagne qui commence. Avec de nouvelles alliances, un nouveau ton sans doute. «Clairement, la dynamique est désormais dans le camp de Bolsonaro, résume Olivier Compagnon, professeur à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine. Lula est arrivé en tête dimanche, mais son visage aussi bien que le ton de sa voix après la diffusion des résultats étaient ceux d’un vaincu. »

Car la gauche brésilienne a analysé l’ensemble des résultats de dimanche : au-delà du seul scrutin présidentiel, les Brésiliens étaient appelés à choisir les gouverneurs de 27 États, ainsi que les 513 élus de la Chambre des députés et un tiers des 81 sénateurs. Or la carte électorale du pays s’est couverte des couleurs du parti présidentiel et de ses alliés.

Les succès au Congrès des alliés du président

Partout, les poids lourds du bolsonarisme ont obtenu de très bons résultats. À la Chambre des députés, l’ancien ministre de l’environnement Ricardo Salles, qui avait pourtant dû quitter le gouvernement en raison de soupçons de corruption, et Eduardo Pazuello, responsable de la santé au plus fort d’une pandémie si mal gérée, ont été élus sans coup férir. «Ricardo Salles a obtenu trois fois plus de voix que Marina Silva, la conscience écologique du pays… Quel symbole !», déplore Erika Campelo, coprésidente de l’association Autres Brésils, qui se fait fort de faire connaître la société brésilienne en France.

Au Sénat, le Parti libéral (PL) du président et ses alliés ont remporté au moins 14 des 27 sièges à pourvoir. Trois ministres ont été élus, ainsi que l’actuel vice-président Hamilton Mourao. Même succès aux postes de gouverneur, notamment dans les États les plus importants. À Rio, Claudio Castro, fidèle allié du chef de l’État, s’est imposé dès le premier tour. Dans l’État de Sao Paulo, l’ancien candidat du PT à la présidentielle de 2018, Fernando Haddad, pourtant favori des sondages, est nettement devancé par Tarcisio de Freitas, ex-ministre de Jair Bolsonaro.

«Le Brésil, comme beaucoup d’autres pays, en Europe ou ailleurs, est confronté à une véritable vague conservatrice, analyse Olivier Compagnon. Le bolsonarisme n’est pas une parenthèse. » Quelle que soit l’issue du second tour le 30 octobre, elle ne refermera pas le chapitre de l’extrême droite au Brésil.
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Quatre semaines de campagne à venir

Le second tour de l’élection présidentielle opposera Luiz Inacio Lula da Silva, arrivé en tête au premier tour avec 48,4 % des suffrages, à Jair Bolsonaro, qui a obtenu 43 % des voix. Simone Tebet (centre droit) est arrivée troisième avec 4 % des voix, devant Ciro Gomes (centre gauche), quatrième avec 3 % des voix.

Dès dimanche 2 octobre, des contacts ont été pris entre les états-majors des deux finalistes et les candidats battus en vue du second tour, le 30 octobre. Pour l’heure, ni Simone Tebet ni Ciro Gomes n’ont annoncé de ralliement. Ancien ministre de Lula, Ciro Gomes est en froid avec l’ex-président de gauche et son parti. Les deux candidats tenteront aussi de convaincre les 32 millions de Brésiliens qui se sont abstenus au premier tour (20 % des inscrits).