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Jour de vote au Brésil : Lula favori, désinformation et tensions... ce qu’il faut savoir sur le scrutin

Les campagnes de désinformation et les attaques contre le système électoral font craindre des tensions après l’annonce des résultats. L’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva est le favori.

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Publié le 02 octobre 2022 à 06h00, modifié le 02 octobre 2022 à 20h11

Temps de Lecture 5 min.

Des partisans du candidat à l’élection présidentielle Luiz Inacio Lula da Silva assistent à un rassemblement à Rio de Janeiro, le 25 septembre 2022.

Quelque 156 millions de Brésiliens sont appelés à voter pour le premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 2 octobre, afin de choisir leur président pour les quatre prochaines années. Un second tour aura lieu à la fin du mois si aucun des onze candidats ne parvient à dépasser le seuil des 50 % des votes.

Dans les sondages, l’ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva fait figure de favori face au président sortant d’extrême droite, Jair Bolsonaro, mais la désinformation sur les réseaux sociaux et les attaques contre le système électoral font craindre un jeu démocratique troublé. Dimanche, le président sortant a dit que si les élections étaient « propres », alors elles devaient être respectées.

Lula favori face au président sortant Bolsonaro

Parmi les onze prétendants à la fonction suprême, deux hommes cumulent 86 % des intentions de vote, selon la dernière estimation de l’institut Datafolha, publiée jeudi 29 septembre. Luiz Inacio Lula da Silva est placé largement en tête du premier comme du second tour par différents instituts de sondages : le leader de gauche, au pouvoir de 2003 à 2011, dispute sa sixième présidentielle à la tête d’une large coalition et totalise 50 % des intentions de vote. Il pourrait l’emporter dès le premier tour face au président sortant, Jair Bolsonaro, crédité de 36 %. « Nous ne voulons pas de haine, de discorde. Nous voulons un pays en paix » et « revenir à la normalité », a-t-il dit dimanche, après avoir voté

Lula, qui a passé cinq cent quatre-vingts jours en prison pour corruption en 2018 et 2019, a fait un retour en force après l’annulation de ses condamnations en 2021 et tente de décrocher un troisième mandat à la tête du pays. A 76 ans, il fait une campagne sur la « reconstruction » d’un pays très divisé, promettant l’éradication de la faim, ainsi qu’une lutte en faveur de la préservation de l’environnement. Le chef de file et fondateur du Parti des travailleurs, dont les mesures sociales ont permis à près de 40 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté, avait quitté la présidence en 2010 avec un taux de popularité record.

L’ancien ouvrier métallurgiste espère bénéficier du « vote utile » et a reçu l’appui de plusieurs personnalités dans la dernière ligne droite de la campagne. L’ex-président de centre droit Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) a implicitement appelé à ne pas voter pour Bolsonaro mais pour Lula, en demandant aux Brésiliens de choisir « la démocratie », et son ex-ministre de l’environnement, Marina Silva, s’est ralliée à lui après plusieurs années de mésentente.

Face à lui, le président d’extrême droite, élu en octobre 2018, reste un fin tacticien, très puissant sur les réseaux sociaux – il a près de 50 millions d’abonnés au total sur Instagram, Facebook, YouTube, Twitter et Telegram, contre 15 millions pour Lula. L’ancien député, désormais affilié au Parti libéral, est porté par un socle de sympathisants adhérant à ses valeurs ultraconservatrices autour de Dieu, de la patrie et de la famille. M. Bolsonaro a récemment fait adopter, à seulement trois mois des élections, un plan d’aides massif pour les plus modestes de 8 milliards d’euros, alors que 33 millions de Brésiliens souffrent de la faim.

Durant son premier mandat, l’homme de 67 ans a survécu à des manifestations, à des menaces de destitution, à une commission d’enquête sur le Covid-19 et à plusieurs scandales de corruption. Mais M. Bolsonaro a perdu en popularité et est désormais moins soutenu par les élites économiques. Les incidents diplomatiques en série, le crash économique d’une gravité sans précédent, les incendies et la déforestation record en Amazonie, ainsi que le déni de la gravité de l’épidémie de Covid-19 et son opposition au vaccin l’ont fragilisé.

Parmi les autres candidats, deux espèrent incarner une troisième voie et créer la surprise. Ciro Gomes, du Parti démocratique travailliste, réunit 6 % des intentions de vote en cherchant à convaincre les électeurs de centre gauche, mais pourrait faire les frais du « vote utile » prôné par Lula. L’avocate et sénatrice Simone Tebet, du Mouvement démocratique brésilien, a de son côté fait bonne figure dans les différents débats télévisés mais n’a pas réellement élargi sa base et ne dépasse guère 5 % d’intentions de vote.

D’importantes campagnes de désinformation

Comme lors du précédent scrutin, la campagne présidentielle a été marquée par d’importantes campagnes de désinformation en ligne, principalement au profit de M. Bolsonaro. Durant son mandat, le nom du président a été ajouté à la liste des suspects dans la diffusion de fausses informations, en août 2021, par le juge du Tribunal suprême fédéral, Alexandre de Moraes, qui avait ordonné l’ouverture d’une enquête.

Le Brésil fait partie des pays identifiés comme « à risque » pour des campagnes de désinformation sur Facebook et bénéficie, en théorie, de moyens spécifiques supplémentaires pour détecter et contrer des opérations de déstabilisation. Pourtant, l’ONG Global Witness a annoncé, en août, avoir réussi à publier en ligne plusieurs campagnes de publicités politiques contenant des informations fausses : mauvaise date pour le scrutin, messages trompeurs sur le vote par correspondance…

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Le compte ayant acheté ces publicités était situé hors du Brésil – ces dernières étaient payées en devises étrangères – et n’avait pas confirmé son identité, ce qui est normalement obligatoire pour pouvoir publier des publicités politiques sur Facebook. Autant de signaux d’alerte qui auraient, en théorie, dû mettre la puce à l’oreille des services de modération du réseau social.

Des machines à voter électroniques sont préparées pour être utilisées lors du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne, le 2 octobre. Au siège du Tribunal supérieur électoral, à Brasilia, le 22 août 2022.

Attaques contre le système électoral

Les attaques de Jair Bolsonaro sur la fiabilité du vote électronique – mis en place au Brésil dans les années 1990 – font redouter qu’il ne reconnaisse pas le résultat de la présidentielle en cas de défaite. En août 2021, le Tribunal supérieur électoral avait décidé d’enquêter sur le président après ses diatribes contre le système électoral.

Aussi, certains de ses partisans, nombreux à le surnommer « Mito » (le « mythe »), se disent déjà prêts à crier à la fraude si l’ancien officier perd, comme l’avaient fait aux Etats-Unis ceux de son grand allié, Donald Trump. La Maison Blanche a d’ores et déjà prévenu que les Etats-Unis allaient « suivre de près » l’élection brésilienne, espérant qu’elle soit conduite d’une manière libre, juste, transparente et crédible.

Lire notre reportage : Article réservé à nos abonnés Au Brésil, Bolsonaro profite de la fête du bicentenaire pour galvaniser ses partisans

Les décrets que M. Bolsonaro a signés ces derniers mois, notamment sur la circulation libre des armes à feu, ou le fait que des soldats procèdent à un décompte parallèle sur quatre cents bureaux de vote, contribuent par ailleurs à exacerber les tensions. Ce climat délétère pourrait durer pendant plusieurs semaines si le résultat ne le donnait pas élu dès le premier tour.

D’autres élections primordiales en parallèle

Les Brésiliens doivent, en sus, voter dimanche (le vote est facultatif à partir de 16 ans, puis obligatoire de 18 ans jusqu’à 70 ans) pour choisir les députés régionaux, qui siègent dans les assemblées de chaque Etat et désigneront également les gouverneurs des vingt-sept Etats brésiliens. Ils devront renouveler un tiers des 81 sénateurs et les 513 députés fédéraux.

Gaspard Estrada, politologue à Sciences Po, invite à suivre les résultats de ces élections avec beaucoup d’attention, spécialement ceux de la Chambre des députés et du Sénat fédéral : « Le fait que ce scrutin ne soit pas uninominal mais se déroule à un seul tour avec un système de proportionnelle à liste ouverte renforce la fragmentation et l’émiettement des voix, analyse le chercheur. Ces élections sont primordiales pour le futur président, qui devra monter une coalition dans un Parlement extrêmement divisé. »

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