Quelle relation entre la France et l’Italie après la victoire de Meloni? "Tensions et realpolitik", rétorque un spécialiste

Quelle relation entre la France et l’Italie après la victoire de Meloni? Pour Marc Lazar, spécialiste de la vie politique italienne, elle oscillera entre alliances de circonstance et défiance entre voisins.

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Romain Maksymowycz Publié le 26/09/2022 à 21:00, mis à jour le 26/09/2022 à 21:00
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La question de l'accueil des migrants en Europe a souvent fait l'objet d'attaques et d'invectives entre Rome et Paris. Photo Cyril Dodergny

Il faut se faire une raison: la lune de miel entre Emmanuel Macron et Mario Draghi, c’est fini.

Si la présidence française respecte le "choix démocratique" et appelle le futur exécutif italien à "continuer à œuvrer ensemble" en "Européens", la Première ministre Elisabeth Borne a averti que la France serait "attentive" au "respect" des droits de l’Homme et du droit à l’avortement.

Deux réactions diplomatiques qui pourraient symboliser les futures relations entre les deux pays...

Marc Lazar, spécialiste des gauches européennes et de la vie politique italienne, table désormais sur quelques frictions et des polémiques, tout en estimant que "la raison d’État devrait l’emporter sur les intérêts particuliers [..] Un mélange de tensions et de realpolitik", en somme.

Car Giorgia Meloni a souvent critiqué la France et attaqué Emmanuel Macron. En particulier en 2018, lorsqu’il avait dénoncé la "lèpre nationaliste". Et plus tard, quand Gabriel Attal avait jugé que la politique italienne avec les migrants était "à vomir", alors que le pays refusait l’accès à ses ports à l’Aquarius, un navire humanitaire.

"Elle avait formulé une réponse cinglante, rappelle le professeur de Sciences-Po Paris et de l’université Luiss de Rome. Aujourd’hui encore, elle affirme que la France agit en Libye contre les intérêts italiens, elle dénonce la politique colonialiste de la France en Afrique, et accuse la France de rejeter des migrants qui viennent d’Italie, ce qui a déjà provoqué des contentieux frontaliers. Elle affirme aussi que les entreprises françaises font leur marché en Italie alors que les Italiens ne peuvent pas pénétrer le marché français. Bref, elle souffle parfois sur les braises en jouant d’un sentiment anti-français réel, 40 % des Italiens exprimant en juin 2019 de l’antipathie à l’égard de la France et des Français ", note-t-il.

Une alliance objective?

En septembre, Meloni déclarait que la France était une nation amie, mais que l’Italie n’était pas en état de subordination. "Il faut donc s’attendre à des rapports plus froids. Mais pas pour autant à un affrontement. Tout simplement pour préserver des intérêts commerciaux: les raisons d’État devraient l’emporter. Car les deux pays peuvent agir ensemble. Une alliance objective pourrait s’établir."

Notamment pour faire face aux pays dits "frugaux" du nord de l’Europe, dans l’idée d’assouplir les règles de discipline budgétaire imposées aux États membres de l’UE. Le débat oppose avec virulence les pays endettés du sud de l’Europe à l’Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas et à la Finlande.

Comme les postures diplomatiques sont souvent guidées par des enjeux internes, "il faudra que Giorgia Meloni montre qu’elle va défendre les intérêts italiens tout en sachant qu’elle ne peut plus tout dire, et qu’elle ne pourra pas faire uniquement ce qu’elle veut", prévient Marc Lazar.

Même si la droite française lie la victoire des post-fascistes en Italie à l’immigration, les enquêtes d’opinions ont clairement démontré que le pouvoir d’achat, le prix de l’énergie et la valeur du travail étaient des préoccupations centrales des Italiens.

La question migratoire

Reste que la question pourrait signer le retour de la guerre des mots entre les deux pays voisins, comme ce fut le cas durant les quatorze mois d’alliance entre la Ligue souverainiste de Matteo Salvini et les inclassables 5 Étoiles.

L’Italie accuse ses partenaires de ne pas la soutenir face à l’afflux de migrants. Or, Meloni "veut bloquer les flux de migration par un blocage naval. À une époque, elle disait qu’il fallait couler les bateaux à vide. Elle s’est corrigée, elle plaide pour une politique coordonnée au niveau européen et une intervention dans les pays d’origine", ajoute Marc Lazar.

Certes. Reste qu’une politique transalpine d’une plus grande fermeté rendra à coup sûr le sujet bilatéral encore plus brûlant.

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