Elections législatives en Italie : "c'est un tremblement de terre, un choc" estiment deux universitaires

Michela Marzano, ancienne députée italienne, et Marc Lazar, professeur hémérite d'Histoire et de sociologie politique ©AFP - Leemage
Michela Marzano, ancienne députée italienne, et Marc Lazar, professeur hémérite d'Histoire et de sociologie politique ©AFP - Leemage
Michela Marzano, ancienne députée italienne, et Marc Lazar, professeur hémérite d'Histoire et de sociologie politique ©AFP - Leemage
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Marc Lazar, professeur émérite d'Histoire et de sociologie politique à Sciences Po et à l'Université Luiss à Rome et Michela Marzano, ancienne députée italienne, professeure de philosophie à Paris-Descartes, auteure de "Mon nom est sans mémoire" (Ed. Stock) sont les invités du 8h20.

Après la Suède, l'extrême-droite fait une nouvelle percée en Europe, où pour la première fois depuis 1945, un parti post-fasciste se retrouve aux portes du pouvoir. Selon les résultats provisoires, Fratelli d'Italia s'est imposé comme la principale alternative, avec 26% des suffrages. "Oui, c'est un choc mais en même temps c'était la chronique d'une victoire annoncée pour plusieurs raisons. Je veux rappeler ce mode de scrutin : 2/3 d'élus députés et sénateurs à la majorité proportionnelle, et 1/3 au scrutin majoritaire un tour. La coalition de droite présentait un seul candidat dans tous les collèges. La droite fait 44-45%. Si vous prenez la pesée électorale, les opposants étaient majoritaires, mais ils étaient divisés donc ils n'ont pas gagné. Cela dit, oui c'est un choc. On a un pays fondateur de l'Union européenne. La présidence du conseil va vraisemblablement être attribuée à Madame Meloni. C'est un tremblement de terre politique", estime Marc Lazar, professeur émérite d'Histoire et de sociologie politique à Sciences Po et à l'université Luiss à Rome.

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"Je suis effondrée, ce n'est pas vraiment un choc, parce que je m'y attendais. Cela faisait des semaines que j'alertais notamment en France pour dire qu'il fallait faire attention. Giorgia Meloni est très très à droite. J'ai peur pour l'Italie, pour l'Europe, pour les femmes, pour les étrangers, les homosexuels. Tout ce qu'elle a dit, elle va le faire. C'est une femme xénophobe, homophobe, elle est dangereuse", juge Michela Marzano, ancienne députée italienne de 2013 à 2018, professeure de philosophie à Paris-Descartes.

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Son succès, selon Marc Lazar, est dû "au fait qu'elle est dans l'opposition depuis 10 ans. Elle apparait neuve, alors qu'elle a commencé la politique quand elle avait quinze ans. Elle en a 45 aujourd'hui. Elle a catalysé tous les mécontentements. D'un côté, elle a développé la thématique nationaliste, qui plait à un certain électorat, eurosceptique, qui recherche des valeurs, notamment des valeurs conservatrices, voire réactionnaires. Elle a joué sur le côté "je rassure" mais lorsqu'on regarde ses meetings surtout ces dernières semaines, elle est repartie dans un discours extrêmement dur."

"Giorgia Meloni a un ennemi : les migrants", juge Marc Lazar

"Elle a été fasciste, elle ne le nie pas", pointe du doigt Marc Lazar. "Elle s'est distanciée tardivement du fascisme, sans dire que c'était le mal du siècle comme l'un de ses mentors. Elle évite ce débat autour du fascisme, elle referme la parenthèse pour faire allusion à cette fameuse phras de Benedetto Croce [fondateur du Parti libéral italien], le fascisme a été une parenthèse, on referme la parenthèse".

Pour Marc Lazar, "elle est conservatrice, notamment sur les questions des valeurs. Elle fait un mélange de libéralisme et en même temps, elle parle de protection sociale. Elle a des ennemis clairs : l'islam, les immigrés, les migrants, plus une grande défiance par rapport à toutes les minorités sexuelles. Elle va clarifier, si elle arrive au pouvoir, et elle y arrivera."

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Michela Marzano martèle que "c'est une fasciste. On peut enlever le "post". Elle n'a jamais condamné le fascisme. Elle n'a jamais pris la parole pour condamner les lois raciales, et ça c'est le problème. En Italie, la parenthèse ne s'est jamais fermée, on n'a jamais retravaillé notre histoire, on n'a jamais pris le temps d'analyser ce qui s'est passé, ce n'est pas comme en France. Il a fallu attendre 2018 pour que le président de la République dise, le fascisme a été partie prenante dans la Shoah." Elle estime que l'Italie est dans un "déni, dans l'amnésie, dans un refoulement de son histoire". "Les gens votent, sans se rendre compte qu'ils rouvrent le chapitre du fascisme."

Marc Lazar ne fait pas le même analyse quant à ce débat sur l'Italie et le fascisme. "Je crois qu'il y a eu un remarquable travail des historiens, qui a démontré que le fascisme fut un totalitarisme. Ce travail historique n'a pas pénétré dans la société, dans le débat public. Il y a une grosse différence entre le travail historique et le débat public. Dans l'opinion publique, il y a des nostalgiques du fascisme, qui sont une minorité. Mais il y a aussi une culture antifascisme très forte, considérable", explique-t-il. "Là où je rejoins Michela Marzano, c'est qu'il y a une majorité d'Italiens qui ne veulent pas revenir sur le fascisme."

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Sur la gauche, grande perdante de l'élection

"La gauche n'a pas été à la hauteur, elle a trahi ses électeurs. La campagne n'a pas bien été menée. Enrico Letta [ancien Premier ministre, leader du Parti démocrate] n'a pas compris la mesure du danger, il aurait dû fédérer toutes les forces", développe Michela Marzano. "Il n'a fait que répéter trois mots, environnement, travail et droits civils. Il a raison mais c'est une corniche, ce ne sont pas de véritables contenus."

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L'écrivain, Marc Lazare, juge lui que Giorgia Meloni a été "sous-estimée par ses adversaires. Ils étaient à 4% il y a cinq ans. Elle a fait une progression spectaculaire. Ses électeurs ont été marginalisés, ça va être la grande revanche. Effectivement, la gauche n'a pas réussi à rassembler, mais c'était compliqué. Il y a un problème dans toute la gauche européenne. Il y a un problème de relation avec les catégories populaires. "
Le spécialiste de l'Italie revient de son côté sur l'abstention, qui s'élève à 36% "et "huit à dix points de plus dans le Sud", c'est la preuve, selon lui, "qu'il y a une défiance politique réelle. C'est le plus mauvais taux de participation de toute l'histoire de la République italienne", ajoute Marc Lazar.

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Quelles conséquences en Europe ?

Marc Lazar pose également la question de "comment les Italiens vont passer l'hiver, quand il faudra payer l'électricité, quand les factures vont augmenter". "Jusqu'ici ils soutiennent la politique ukrainienne, sauf sur l'envoi des armes." Pour Michela Marzano, "il ne va pas y avoir de changement par rapport à la guerre en Ukraine, mais il y va avoir un changement, parce que l'Italie va s'allier avec la Pologne, avec la Hongrie de Orban : c'est la politique de l'Europe en tant que défense des droits qui va s'affaiblir. Tant que c'était la Pologne, la Hongrie, des pays marginaux, c'était une chose. Mais là, c'est l'Italie, c'est le cœur de l'Europe. Là on risque d'avoir un vrai problème de point de vue, et un changement par rapport à l'Europe."

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Sur la guerre en Ukraine et le positionnement de l'Italie, Giorgia Meloni va-t-elle poursuivre la politique jusqu'ici mise en place ? "Si on voit le résultat des élections, Elle peut imposer l'accord à ses partenaires. Oui, cette politique italienne devrait continuer. Faisons attention, il y a un président de la République en Italie. C'est lui qui nomme les ministres sur proposition du chef du gouvernement, de la future présidente du Conseil. On sait que Sergio Mattarella [le président actuel] va faire très attention".

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