Olivier Galland : "Ce qui caractérise les 18-24 ans, c'est la désaffiliation politique"

Olivier Galland, invité du 8h20 de France Inter ©Radio France - France Inter
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Marc Lazar, Professeur d’Histoire et de sociologie politique à Sciences Po, Senior fellow à l’Institut Montaigne, et Olivier Galland, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, sont les invités du Grand entretien pour leur enquête Une jeunesse plurielle - Enquête auprès des 18-24 ans.

Avec
  • Olivier Galland Sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS
  • Marc Lazar Professeur émérite d'histoire et de sociologie politique à Sciences po et à l'Université LUISS de Rome

Marc Lazar et Olivier Galland ont publié l'enquête "Une jeunesse plurielle - Enquête auprès des 18-24 ans", réalisée en septembre 2021 avec l'institut de sondage Harris Interractive, sur un échantillon de 8 000 jeunes, de 18 à 24 ans. Leurs réponses ont été comparées à celles de leurs aînés, un échantillon de 1 000 "parents" (46-56 ans), et de 1 000 "boomers" (66-76 ans).

Un clivage "culturel" à l'intérieur de la jeunesse

"Une chose qui nous a surpris par sa force, c'est le clivage culturel à l'intérieur de la jeunesse", commence Olivier Galland. Ils l'ont décelé en demandant le nombre de livres présent chez les parents des jeunes. "Il y a tout une partie de la jeunesse, [regroupée] dans le groupe des désengagés, 26% de notre échantillon, qui sont totalement en retrait du jeu démocratique". 

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La grande idée qui sort de cette enquête, c'est qu'il y a une jeunesse et des jeunesses - Marc Lazar

La place des femmes dans cette jeunesse

"Ce qui ma le plus surpris, c'est la place des femmes dans cette jeunesse de 18 à 24 ans", déclare de son côté Marc Lazar. "Elles sont particulièrement impliquées sur les grandes questions sociétales", sur l'environnement, la question des violences sexuelles : 28% disent avoir subi des "agressions sexuelles". 

Elles respectent le cadre démocratique, elles réfutent la violence, mais elles ne trouvent pas de débouché dans les formes actuelles des organisations politiques.

Il poursuit : "A la différence de leurs aînées, elles considèrent majoritairement que les différences entre les hommes et les femmes viennent de phénomènes culturels, et ne sont pas liés au sexe et à la naissance"

Elles nous semblent à l'avant-garde de transformations

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"80% des jeunes se disent heureux"

"80% des jeunes se disent heureux, ça nous a frappé", détaille Olivier Galland, mais "ça correspond aux résultats d'autres enquêtes."

Il y a un paradoxe. Les jeunes sont plutôt optimistes sur leur situation personnelle, mais très pessimistes sur l'avenir de la société

"Il faut tempérer par le fait que c'est une jeunesse affectée par le Covid", précise Marc Lazar. 51% des jeunes se sentent particulièrement affectés par le Covid. "Il y aune grande question qui se pose : est-ce que la jeunesse va surmonter cela quand on sortira de la pandémie ?"

Olivier Galland répond : "Je pense qu'elle va le surmonter, mais cette pandémie va peut-être aggraver les inégalités à l'intérieur de la jeunesse. Ceux qui risquent d'être les plus affectés sont ceux qui ont dû interrompre leurs études". 

Les 18-24 ans cherchent des métiers de "passion"

Les 18-24 ans cherchent des métiers de "passion", notamment chez les filles. "Ce jeune miroir est particulièrement innovant, inédit, intéressant. Une grande majorité des jeunes souhaitent avoir un travail par passion", analyse Marc Lazar, alors que leurs ainés privilégiaient le salaire ou la sécurité financière. 

41% des jeunes ont mal vécu leur parcours scolaire. 

Quatre groupes de jeunes

Les chercheurs classent les jeunes en quatre groupes : les démocrates protestataires (39%), les révoltés (20%), les désengagés (26%) et les intégrés transgressifs. Olivier Galland détaille leurs caractéristiques : 

"Les démocrates protestataires sont les plus intéressés par les questions sociétales. Ce sont plutôt des femmes, de haut niveau culturel, plutôt diplômées, plutôt en retrait sur le processus démocratique." 

Les révoltés "croient à la révolution", "ne répudient pas la violence politique", ce sont "plutôt des jeunes en difficulté matérielle et psychologique", ce sont "des jeunes en déshérence, déracinés" (20%). 

Les désengagés sont "les jeunes dont on ne parle pas", les "invisibles" qui représentent tout de même un quart de l'échantillon (26%)

"Les intégrés transgressifs, un groupe paradoxal. Ils ont plutôt un emploi, sont intégrés dans la société, mais ils semblent adhérer à une culture transgressive. justifient davantage la violence et la déviance. Dans ce groupe sont surreprésentés des jeunes d'origine et de confession musulmane."

Le rapport à la violence

Les jeunes de confession musulmane sont très intimement convaincus que la société française est "raciste par nature". "Il y a une frustration scolaire très importante chez ces jeunes-là, l'école français n'arrive pas à remédier aux inégalités culturelles."

Sur cette question où il reste prudent, Olivier Galland note "un malaise profond et un espèce d'engrenage". 

Ces jeunes pensent vivre dans une société hostile, en même temps ils pensent légitime de s'affronter à la police, et en retour ils sont plus réprimés par la police, ce qui entretient leur croyance sur une société hostile.

Selon lui, le risque est de "reproduire" des "émeutes". Il précise que cette question délicate n'a "rien à voir avec la théorie du grand remplacement, puisque ces jeunes sont nés en France, Français, et le resteront."

Chez l'ensemble des jeunes, pas loin d'un jeune sur cinq trouve plus ou moins légitime de dégrader l'espace public.

Une "désaffiliation politique"

L'étude révèle que 43 % des jeunes interrogés disent ne pas avoir d’idées assez précises pour se positionner sur l’échelle gauche-droite et 55 % ne peuvent indiquer de préférence partisane Les chercheurs parlent d'une "désaffiliation politique". 

Ils nuancent en revanche le rejet de la démocratie. Ils expliquent : "69% des jeunes considèrent que le vote est un moyen "utile" pour changer les choses. Mais en même temps, il est vrai que 51% disent qu'un gouvernement démocratique "n'est pas si important de ça".

"Ils ne sont pas hostiles par principe à la démocratie, ils sont insatisfaits et ils ne comprennent plus les formes d'organisation qu'elle prend aujourd'hui, explique Marc Lazar. 

Il y a des réponses à apporter à ces attentes et à ces interrogations, espérons que les candidats à la présidentielle les entendent.

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Fracture entre générations

Il y a quelques mois, le sociologue Frédéric Dabi publiait l'enquête " la Fracture", par rapport à laquelle Marc Lazar et Olivier Galland ont un point de désaccord. "On pense que la facture est beaucoup moins forte qu'il le dit. Il y a plutôt un consensus générationnel sur l'environnement. Il y a plus une différence de degré que de nature", selon Olivier Galland.  

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