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Rencontre sur l’Ukraine : Blinken et Lavrov ont une petite baisse de tensions

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Les chefs des diplomaties américaine et russe se sont rencontrés ce vendredi à Genève pour chercher une issue à la crise ukrainienne. Pas d’annonces retentissantes mais des discussions qui ont permis de repousser temporairement la menace d’une guerre. Le ballet diplomatique se poursuivra la semaine prochaine.
par Léa Masseguin
publié le 21 janvier 2022 à 20h13

Un nouveau répit. Une nouvelle respiration. Une toute petite lueur d’espoir. Réunis à Genève, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov ont pris rendez-vous la semaine prochaine pour tenter de trouver une porte de sortie diplomatique à l’inquiétante crise ukrainienne. Ce vendredi matin, les eaux du Léman étaient aussi agitées que les relations entre les deux plus grandes puissances nucléaires du monde, jamais si tendues depuis la guerre froide et avant la chute de l’Union soviétique. Washington, soutenu par ses alliés occidentaux, mène depuis plusieurs semaines un bras de fer avec Moscou, qui utilise Kiev comme otage pour tenter de forcer les Etats-Unis à retirer les troupes étrangères de l’Otan de plusieurs pays d’Europe de l’Est et qui s’oppose catégoriquement à ce que l’Ukraine rejoigne l’Alliance atlantique.

Visées par cette demande de retrait de troupes, la Roumanie et la Bulgarie ont jugé l’exigence russe «inacceptable», alors que le déploiement par le Kremlin de près de 100 000 soldats près de la frontière avec l’Ukraine fait craindre depuis plusieurs semaines une invasion imminente. Avant la rencontre de Genève, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, avait déclaré que les relations avec les Etats-Unis se rapprochaient d’une «ligne critique dangereuse» et qu’il espérait les persuader de changer leur approche, a rapporté l’agence de presse russe Interfax.

Discussion «utile et honnête»

Les deux diplomates chevronnés, qui ne cessent de montrer les muscles ces dernières semaines, ont finalement mis de l’eau dans leur vin lors de ce face-à-face crucial. Dans un hôtel luxueux de la ville suisse, ils se sont d’abord brièvement serré la main, Lavrov affichant un large sourire, devant les caméras d’une horde de journalistes internationaux. Après une courte réunion d’une heure et demie, ils se sont engagés à poursuivre les discussions, alors que l’épée de Damoclès plane au-dessus de l’Ukraine, où le conflit qui a suivi l’invasion de la Crimée par la Russie a déjà fait plus de 13 000 morts depuis 2014.

Les deux hommes ont convenu que Washington présenterait dans quelques jours une réponse écrite aux exigences russes, «une série d’idées», a dit Blinken, avant qu’un nouveau contact soit établi entre les deux pays. Le chef de la diplomatie russe a décrit les discussions comme «utiles et honnêtes», tandis que l’Américain les a qualifiées de «directes, professionnelles» et «non polémiques». S’adressant aux médias, Sergueï Lavrov a une nouvelle fois assuré que la Russie n’avait pas l’intention d’attaquer l’Ukraine et attendrait la réponse écrite des Etats-Unis pour décider des futures étapes. «Nous ne nous attendions pas à ce que des percées se produisent [ce vendredi], mais je pense que nous sommes maintenant sur une voie plus claire en termes de compréhension des préoccupations de chacun», a pour sa part déclaré Blinken lors de sa conférence de presse, tout en prévenant qu’une réplique aurait lieu contre la Russie en cas d’agression contre l’Ukraine, y compris non militaire. Le secrétaire d’Etat américain est allé jusqu’à évoquer un nouveau sommet entre les présidents Vladimir Poutine et Joe Biden en cas de «progrès» dans les négociations. Au fond, «je ne peux pas dire si oui ou non nous sommes sur la bonne voie», a conclu de son côté le diplomate russe. Pas de discours dithyrambiques, donc, mais des discussions qui auront au moins eu le mérite de repousser de quelques jours la menace de l’éclatement d’une guerre en Europe.

Passage à l’acte «dangereux»

Pendant que Moscou ouvrait la porte à davantage de diplomatie, des mouvements de troupes russes près de l’Ukraine se poursuivaient ce vendredi. Chars, systèmes d’artillerie, munitions… La Russie a continué à renforcer les capacités de combat des séparatistes pro-russes dans l’est du pays, selon le service de renseignement militaire ukrainien. Elle a également envoyé des troupes au Bélarus pour des exercices conjoints près de la frontière ukrainienne. La veille, Washington avait autorisé l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie à envoyer des armes américaines à l’allié ukrainien. Certains observateurs estiment que l’invasion russe pourrait déclencher le plus grand affrontement d’armées régulières sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale.

Mais la guerre n’est pas non plus inévitable et le ballet diplomatique pourrait encore durer vu l’ampleur des enjeux politiques pour chacune des parties. Pour le politologue Bertrand Badie, la vraie question n’est pas de savoir qui sera le premier à céder, mais «qui ne perdra pas la face» : «On est dans un jeu d’affirmation et d’affichage, notamment de la part du Kremlin qui veut montrer qu’il pèse dans le jeu international. Un passage à l’acte en Ukraine me paraît dangereux pour Moscou, qui pourrait s’embourber dans un conflit durable et difficile à gérer. L’enjeu est désormais de trouver une formule miracle qui n’humiliera aucun des partenaires.»

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