Histoire. « La Femme hallucinée », de François Bafoil
La Belle Epoque, coincée entre la débâcle de 1870 et le déclenchement de la première guerre mondiale, fut le théâtre d’un autre conflit, certes moins sanglant : la « guerre des sexes » qui déchira la société française, selon François Bafoil. Le sociologue en dessine un panorama dans son nouvel essai, La Femme hallucinée. Construction de la faute sexuelle dans la société française entre 1870 et 1914 (Hermann, 226 p., 24 €), en se concentrant sur un personnage fantasmatique qui devient alors central : la prostituée. Porteuse du « mal caché », du « virus » dont la société doit à toute force se protéger – quand, à travers la littérature, elle ne le contemple pas avec une délectation coupable –, cette figure relèverait d’une « hallucination » : « ligotée dans les discours portés sur elle sans qu’elle puisse énoncer le sien », elle serait l’objet manquant de la réalité sociale, comme un pur jeu de reflets dans lequel apparaîtraient l’angoisse et la haine suscitées par les femmes. Une forme de ventriloquie de la domination masculine, dont François Bafoil, dans une analyse serrée, parfois ardue, éclaire les ressorts et les effets, de la violence punitive envers les femmes à la brutalité homophobe, issue des mêmes passions tristes. Fl. Go.
« La Femme hallucinée. Construction de la faute sexuelle dans la société française entre 1870 et 1914 », de François Bafoil, Hermann, 226 p., 24 €.
Histoire. « Démystifier l’Europe centrale », sous la direction de Marie-Madeleine de Cevins
Les parutions sur l’Europe centrale se multiplient en France. La somme collective dirigée par l’historienne Marie-Madeleine de Cevins donne un nouvel et éclatant exemple de ce bouillonnement. A quoi ressembla le Moyen Age en Bohème, en Hongrie et en Pologne ? La question est d’autant plus pertinente que les récits forgés à l’époque médiévale sont régulièrement convoqués par les dirigeants politiques de ces territoires, qui « présentent volontiers [le Moyen Age] comme un âge d’or national et régional », écrit la directrice de l’ouvrage dans son introduction. Face à cette lecture, les quatre-vingt-seize auteurs venus de quinze pays différents qui ont contribué à cet ouvrage permettent d’aborder sans idéologie la riche histoire de l’Europe centrale, en multipliant les angles, de l’esclavage à l’université, en passant par les questions religieuses ou géographiques. Une attention particulière est accordée aux contacts avec l’Europe de l’Ouest. Comme le note l’historien Pierre Monnet, c’est au moment où s’accélèrent ces échanges, à la fin de la période médiévale, que le continent entier commence « à mieux se définir ». M.-O. B.
Il vous reste 85.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.