Fiers de punir

Fiers de punir. Le monde des justiciers hors-la-loi, Gilles Favarel-Garrigues, Laurent Gayer, Seuil, 2021, 352 p., 22 €.

Sciences Humaines N° 342 - Décembre 2021

Nous avons toutes et tous souvenir de ces scènes de western où, sans attendre la décision d’un juge, une population locale entreprend de punir de ses propres mains celui ou celle qu’elle estime coupable d’un crime impardonnable. La propension à se faire justice soi-même ne s’est pas tarie avec le temps. Les policiers amateurs – les « vigilantes » comme les nomment Gilles Favarel-Garrigues et Laurent Gayer – sont même plus actifs que jamais. Dans cet ouvrage, les deux chercheurs sont partis sur les traces de ces justiciers autoproclamés. Trois pays sont scrutés à la loupe : l’Inde, le Pakistan et la Russie, agrémentés d’autres exemples. Accessibles par les réseaux sociaux, nombre des scènes de vengeance que l’on peut y observer suintent de ressentiment, de cruauté et de bêtise. Mais loin d’être l’expression de pulsions incontrôlées, cette façon de punir soi-même est une stratégie dont usent de petits groupes d’extrémistes principalement composés d’hommes blancs, réactionnaires et xénophobes. Ceux-ci, qui comptent parfois des policiers dans leurs rangs, agissent en secret pour affirmer leurs valeurs et défendre une identité qu’ils estiment menacée. Les victimes de ces « nettoyages sociaux » ne le sont pas toujours en raison d’une supposée déviance. Au nom d’une cause politique, cette fois, ceux qui incarnent l’ordre dominant (représentants des forces de l’ordre, grands patrons) peuvent être aussi les cibles d’une justice révolutionnaire expéditive, comme en Colombie durant de longues années. Au terme de leur sombre parcours, les auteurs avertissent : si la France est bien un pays de droit, il convient d’éviter qu’une telle dérive mine aussi l’Hexagone et sape l’un des fondements les plus élémentaires de la démocratie : le droit des personnes.