L'agression biélorusse et les relations UE/Russie / L'immigration dans la campagne présidentielle

L'agression biélorusse et les relations UE-Russie / L'immigration et l'identité dans la pré-campagne présidentielle française ©AFP
L'agression biélorusse et les relations UE-Russie / L'immigration et l'identité dans la pré-campagne présidentielle française ©AFP
L'agression biélorusse et les relations UE-Russie / L'immigration et l'identité dans la pré-campagne présidentielle française ©AFP
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Depuis cet été la Pologne doit faire face à un afflux de migrants qui transitent par la Biélorussie. Quel est le rôle de Moscou dans cette crise ? Lors du second débat des LR, le thème de l'immigration s'est imposé, ce thèmes cher à l'extrême droite s'est imposé dans la campagne présidentielle.

Avec
  • Dominique Reynié Politologue. Professeur des Universités à Sciences Po.
  • Bertrand Badie Professeur des relations internationales
  • Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
  • Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.

Depuis cet été la Pologne est confronté à un afflux de migrants. Des milliers de migrants s'ont ainsi amassés à sa frontière avec la Biélorussie, longue de 400 kilomètres.

La crise entre la Biélorussie et la Pologne

Le dirigeant biélorusse, Alexandre Loukachenko, est accusé d'organiser des filières aériennes pour attirer les migrants en leur faisant miroiter un passage vers l’Union européenne. Lundi 15 novembre, la Pologne a annoncé la construction d'un mur dès décembre pour endiguer le passage des flux. Ces migrants proviennent majoritairement du Proche-Orient ou de l'Afrique (Irak, Syrie, Yémen, Côte d'Ivoire et Cuba). Le président Alexandre Loukachenko a réfuté ces accusations. Il avait pourtant prévenu fin mai que son pays ne stopperait plus les «drogues et les migrants» aux portes de l'Europe. Le 27 octobre, Paris a accusé la famille de Loukachenko d'être derrière un «trafic» d'êtres humains «savamment organisé» avec des pays tiers, vers l'Union européenne, via la Turquie et Dubaï. Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a accusé le Bélarus de "terrorisme d'état" et estimé que son pays était la cible d'une «guerre d'un genre nouveau», avec des civils utilisés comme «munitions». 

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La Pologne demande de l'aide à l'UE

En octobre, la Pologne a demandé à l'Union européenne le financement d'un mur le long de sa frontière. Si les ministres de l'Intérieur de 12 pays avaient appelé la Commission européenne à aider à financer ce mur - Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne et République tchèque, Slovaquie -, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a refusé d'aider au financement de la construction du mur. La Commission européenne, qui avait appelé lundi 8 novembre à de nouvelles sanctions, commence à mettre ses menaces à exécution. En effet, lors d'une réunion lundi 15 novembre, les ministres des affaires étrangères de l'UE se sont mis d'accord sur une modification du régime actuel de sanctions, en l'élargissant aux pratiques qui consistent à «organiser ou contribuer aux activités du régime de Loukachenko qui facilitent le franchissement illégal des frontières extérieures de l'Union». Actuellement, 166 personnes et 15 entités biélorusses sont visées,  dont Alexandre Loukachenko, son fils et conseiller à la sécurité nationale, ainsi que des membres du système judiciaire et des acteurs économiques.

De plus, la Turquie et les Émirats Arabes ont déclaré que les Irakiens, Syriens et Yéménites ne seraient plus autorisés à prendre l'avion pour le Bélarus à partir de ses aéroports «jusqu'à nouvel ordre». Le gouvernement irakien a quant à lui annoncé qu'il allait procéder aux rapatriements de ses ressortissants bloqués en Biélorussie. Un premier vol est prévu jeudi.

La réaction de la Russie et de la Biélorussie

Depuis le début, le président bélarusse Alexandre Loukachenko affirme qu'il n'est pas à l'origine de cette crise migratoire. Au cours de l'escalade des tensions avec l'Union européenne, il a évoqué la possibilité de suspendre le fonctionnement du gazoduc Yamal-Europe qui traverse le Bélarus et livre du gaz russe, notamment à l'Allemagne et la Pologne. 

Varsovie a également accusé la Russie d'orchestrer la crise migratoire et Minsk de «terrorisme d'État» le 10 novembre dernier. Le 12 novembre, le Kremlin a assuré que ses livraisons de gaz continueront. Les armées russe et bélarusse ont toutefois mené des exercices aéroportés communs près de la frontière polonaise.

Ce mardi 16 novembre, le président biélorusse Alexandre Loukachenko a assuré vouloir éviter que la crise migratoire  à la frontière avec la Pologne dégénère en confrontation avec ses voisins européens.

Des tensions depuis plusieurs années

Entre la Russie et l'UE, les sujets de tension ne manquent pas.  En avril la Russie a expulsé des employés de l'ambassade tchèque à Moscou après que la République tchèque a accusé les services secrets russes d'être impliqués dans l'explosion d'un dépôt de munitions en 2014. La Russie a regroupé en avril plus de 120 000 soldats aux frontières de l'Ukraine et a accusé les États-Unis et l'Otan de se livrer à des "activités provocatrices" dans l'espace maritime et aérien de la mer Noire. Autre sujet de tension, la bête noire du Kremlin, Alexeï Navalny, opposant au régime Russe qui est en prison depuis mi-janvier. Il avait été arrêté à son retour d’Allemagne où il avait passé près de cinq mois en convalescence pour se remettre d’un empoisonnement à un agent neurotoxique en août 2020 dont il accuse le Kremlin. 

Les thèmes de l'identité et de l'immigration s'imposent dans le débat LR

Lors du second débat des républicains, un peu plus d’1 heure a été consacrée à l’immigration. Pendant 101 minutes sur 173, les candidats à l’investiture LR ont parlé immigration et sécurité.  Les 5 candidats ont affiché leur volonté de réduire l’arrivée d’étrangers sur le territoire national. Quand Michel Barnier parle d'un moratoire sur l'immigration, Valérie Pécresse souhaite cesser le droit du sol automatique, de vérification pour les enfants nés de parents étrangers de leur assimilation et du respect des valeurs de la république. Eric Ciotti dont le slogan est « pour que la France reste la France » défend également l'identité française. Quant à Xavier Bertrand, il souhaite mettre en place des quotas. Il promet de diviser par trois le regroupement familial, de baisser de 50% les entrées d'étudiants et de 30% l'immigration économique. 

Les candidats à l'investiture LR affichent donc leur fermeté et surfent sur les terres de l'extrême droite. 

Des thèmes chers à l'extrême droite

Zemmour parle d'un « grand remplacement », faisant référence à une peur de la disparition de « l’héritage judéo-chrétien » de la France, qui serait remplacé par une culture et des mœurs arabo-musulmanes. Marine Le Pen propose un référendum sur la Citoyenneté, l'Immigration et l'Identité si elle est élue à la présidentielle de 2022. Dans les grandes lignes, son texte prévoit l'établissement d'une préférence nationale pour l'emploi, les prestations sociales et l'accès à la propriété. Il prévoit également la fin du regroupement familial et de l'AME (aide médicale d'État). Le droit du sol serait supprimé, ne laissant comme possibilité de naturalisation qu'une demande expresse avec la preuve d'une véritable «assimilation à la communauté nationale.» Pour voir leurs demandes d'asile examinées, les prétendants devront désormais les déposer hors du territoire national, en consulat. 

Le gouvernement s'empare de la question 

Fin septembre, Emmanuel Macron a décidé de réduire de 50% les visas accordés à l’Algérie et au Maroc et de 30% pour la Tunisie. Pour le président de la république, il faut se montrer crédible sur ce thème s'il veut parler à l'électorat de centre droit. Le problème, et il l'a compris, c'est qu'à ce stade le contrôle de l'immigration ne passe pas d'abord par une transformation du régime légal, mais par des bras de fer politiques avec les pays d'origine qui refusent de reprendre leurs ressortissants. Mercredi 6 novembre, le gouvernement a dévoilé, à l'issue d'un séminaire gouvernemental, une batterie de mesures pour mieux maîtriser les flux migratoires. Parmi elles figure notamment un volet sur l'immigration économique. 

Pourquoi ces thèmes s'imposent ils dans la campagne présidentielle ? Qu'est ce que cela dit de notre société ? 

L'équipe