Guinée : un putsch au nom de la Constitution : épisode • 3/4 du podcast Afrique : les armées de retour au pouvoir

Un vendeur devant l’affiche du chef de la junte, le colonel Mamady Doumbouya, à Conakry le 11 septembre 2021, six jours après le coup d’Etat. ©AFP - JOHN WESSELS
Un vendeur devant l’affiche du chef de la junte, le colonel Mamady Doumbouya, à Conakry le 11 septembre 2021, six jours après le coup d’Etat. ©AFP - JOHN WESSELS
Un vendeur devant l’affiche du chef de la junte, le colonel Mamady Doumbouya, à Conakry le 11 septembre 2021, six jours après le coup d’Etat. ©AFP - JOHN WESSELS
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Début septembre, le colonel Mamady Doumbouya prenait la tête de la Guinée moins d'un an après la réélection d'Alpha Condé. Si le putsch a été accueilli avec un certain enthousiasme par la société civile et l’opposition, les incertitudes sur la durée de la transition sont source d’inquiétude.

Avec
  • Dominique Bangoura Docteur d'Etat en Science Politique, Enseignant-chercheur, Directrice de la collection "Afrique: politiques publiques, sécurité, défense" chez L'Harmattan.
  • Gilles Yabi Économiste et politiste, fondateur et directeur de WATHI, think tank citoyen, participatif et multidisciplinaire sur les dynamiques ouest-africaines et ancien journaliste à Jeune Afrique
  • Richard Banégas Professeur de science politique à Sciences Po et chercheur au CERI

Début septembre, moins d’un an après la réélection d’Alpha Condé pour un troisième mandat très contesté en Guinée, le colonel Mamady Doumbouya prenait la tête du pays, avec l’ambition de rétablir l’ordre institutionnel bafoué par le président au nom de sa volonté de se maintenir au pouvoir. Ce dernier étant devenu très impopulaire, le putsch a été accueilli avec un certain enthousiasme par la société civile et l’opposition. Deux mois plus tard, le pays est à nouveau doté d’un gouvernement complet, dirigé par un Premier ministre, Mohamed Béavogui, perçu comme consensuel et rassurant. Le nouvel homme fort Mamady Doumbouya a donné des gages à la population, notamment en libérant des opposants à Alpha Condé. Reste que dans ce pays tristement habitué aux coups d’Etats et au pouvoir militaire, les incertitudes sur la durée de la transition, qui n’a pas encore été fixée, sont source d’inquiétude. D’autant que contrairement au gouvernement, la composition du Conseil national de transition, la future assemblée censée jeter les bases du nouveau régime, n’est pas encore connu. Et si la junte a publié une charte se fixant de grands objectifs, de nombreuses incertitudes persistent quant à ses intentions réelles. 

Quels sont les grands dossiers qui attendent les autorités de transition guinéenne ? De quelle marge de manœuvre disposeront réellement les pouvoirs exécutifs et législatifs vis-à-vis de l’armée ? Comment la population guinéenne perçoit-elle la situation, deux mois après le coup d’Etat ? 

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Il y a une forme d’impatience lorsqu’on parle de pays avec une histoire compliquée et des institutions fragiles, qui n’ont pas été renforcées par Alpha Condé. (…) Même s’il y a des risques que la transition se prolonge, il est important de prendre ce temps-là. La transition est peut-être le seul moment dans un pays où l’on peut faire des changements importants. Gilles Yabi

L’armée guinéenne est divisée depuis très longtemps (…) et c’est toujours le cas aujourd’hui. Elle est divisée entre les générations, les formations, les aspirations, pour des raisons corporatistes mais aussi parce qu’elle a été politisée et donc tentée de servir, de gré ou de force, les régimes en place. Dominique Bangoura

Florian Delorme s'entretient avec Dominique Bangoura, enseignante-chercheuse en science politique à l'Université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan et directrice de la collection Afrique: politiques publiques, sécurité, défense aux éditions L'Harmattan et Gilles Yabi, analyste politique, économiste et fondateur du think tank Wathi. 

Seconde partie : le focus du jour

Côte d’Ivoire : les risques du troisième mandat

Le Président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara et son prédécesseur Laurent Gbagbo lors d'une conférence de presse à Abidjan le 27 juillet 2021.
Le Président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara et son prédécesseur Laurent Gbagbo lors d'une conférence de presse à Abidjan le 27 juillet 2021.
© AFP - Issouf SANOGO

En novembre 2020, alors qu’Alpha Condé était proclamé président pour un troisième mandat en Guinée, Alassane Ouattara était de son côté réélu en Côte d’Ivoire, pour un troisième mandat tout aussi contesté. Mais un an plus tard, au prix d’une répression massive suivie d’habiles négociations politiques, le dirigeant ivoirien semble avoir obtenu un consensus, au moins formel, sur son maintien au pouvoir. Le développement de logiques putschistes, redouté dans ce pays où l’armée, principalement issue de la rébellion victorieuse de 2011, est traversée par de nombreuses divisions, est-il pour autant à exclure ? 

Les relations de dépendance mutuelle entre les ex-comzones et Alassane Ouattara sont difficiles à analyser : Ouattara dépend de leur soutien pour maintenir l’ordre et se maintenir au pouvoir et s’en méfie également beaucoup, et les comzones de leur côté savent pertinemment que c’est Ouattara qui leur offre la sécurité, notamment face à la CPI qui pourrait les poursuivre. Richard Banégas

Avec Richard Banégas, professeur de science politique à Sciences Po et chercheur au CERI.

Références sonores

  • Extrait du discours du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya lors du putsch de septembre dernier (AFP, 05 septembre 2021)
  • Issouf Kanté, militant politique au RGD exprime son soutien au nouveau pouvoir en place en Guinée et Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition à l’ex-président Alpha Condé, appelle la CEDEAO à ne pas imposer de sanctions au nouveau pouvoir en place (Le Monde, 14 septembre 2021)
  • Lors d’une cérémonie à l’ambassade guinéenne à Paris fin septembre dernier, voici ce que disaient deux veuves de militants de l’opposition guinéens qui ont été assassinés par l’armée lors du massacre du 28 septembre 2009 perpétré au stade de Conakry (TV5 Monde, 29 septembre 2021)
  • En décembre dernier, Alassane Ouattara prêtait serment pour un troisième mandat présidentiel à la tête de la Côte d’Ivoire (France 24, 14 décembre 2020)

Références musicales

  • « Field » de Christian Löffler (Label : Ki records)
  • « Alo Sogue » de la rappeuse guinéenne Anny Kassy (Label : Tentacule records)

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