De Beyrouth à Ramallah : entre Révolution et résignation : épisode • 3/4 du podcast Qui a peur des jeunes ?

Garçon avec un message contre les élites dirigeantes lors d’une manifestation contre l’augmentation des taxes et la corruption à Tripoli le 22 octobre 2019. ©AFP - Ibrahim CHALHOUB
Garçon avec un message contre les élites dirigeantes lors d’une manifestation contre l’augmentation des taxes et la corruption à Tripoli le 22 octobre 2019. ©AFP - Ibrahim CHALHOUB
Garçon avec un message contre les élites dirigeantes lors d’une manifestation contre l’augmentation des taxes et la corruption à Tripoli le 22 octobre 2019. ©AFP - Ibrahim CHALHOUB
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Particulièrement affectée par le chômage et l’absence de perspectives, la jeunesse libanaise a été l’un des moteurs de la "Révolution" d'octobre 2019. Deux ans plus tard, la désillusion semble être à la hauteur des espoirs soulevés par ce mouvement.

Avec
  • Lama Kabbanji Démographe, chargée de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement)
  • Jean Kassir Journaliste, fondateur du media libanais indépendant Megaphone
  • Sarah Daoud Docteure en sciences politiques affiliée au CERI de Sciences-Po

Dans quelques jours, le Liban commémorera le deuxième anniversaire du mouvement dit du “17 Octobre”. Un soulèvement d’une ampleur inédite qui avait vu des millions de personnes descendre dans la rue pour protester contre la corruption et la gestion catastrophique de l’économie du pays.

Au cœur de ces mobilisations : la jeunesse libanaise. Particulièrement touchée par le chômage et l’absence de perspectives, la jeune génération a été l’un des moteurs de ce que certains appelaient alors une « Révolution ».

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Deux ans plus tard, la désillusion semble être à la hauteur des espoirs soulevés à l’époque. Le pays s’enfonce dans une crise aux multiples facettes : sociale, économique mais aussi sanitaire et politique. Inflation, pénuries, corruption, sans oublier le traumatisme de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 laissent aux Libanais la sensation d’un pays à la dérive, d’une classe politique incapable de dépasser ses guerres intestines et ses propres intérêts pour remettre le pays sur pied.

Que peuvent encore espérer les jeunes Libanais dans ce contexte ? La remise en question du système confessionnel et communautaire - qui était l’une des grandes revendications des manifestants - a-t-elle encore une chance de voir le jour ? L’annonce de la formation d’un nouveau gouvernement - après treize mois de vacances – peut-elle faire espérer une amélioration de la situation ou bien est-elle la preuve que le système perdure sans se réformer ?

Ce qui a été dit dans le terme « Révolution », c’est une volonté de changement radical, pas de réformes cosmétiques ni de tentatives de colmater la brèche. C’est sur ce souhait-là qu’on peut vraiment bâtir un processus révolutionnaire qui va durer dans le temps et qui a besoin de beaucoup de courage, d’efforts et de lucidité. Jean Kassir 

Dans mon enquête, peu importe les affiliations politiques des jeunes, leurs principales revendications sont l’accès à une éducation gratuite et de qualité, la possibilité de trouver un travail au Liban, le refus de l’exil et bien sûr une revendication de justice sociale. On voit clairement que cette jeunesse, même si elle n’est pas révolutionnaire, est guidée par des revendications ancrées à gauche. Lama Kabbanji

Florian Delorme reçoit Lama Kabbanji, démographe, chargée de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et Jean Kassir, journaliste, fondateur du media indépendant Megaphone

Seconde partie : le focus du jour 

Territoires palestiniens : fracture générationnelle et système politique atrophié

Palestinienne lors d’une manifestation le 10 juin 2021, alors qu'un leader d’extrême-droite israélien tente de joindre la Porte de Damas à Jérusalem Ouest.
Palestinienne lors d’une manifestation le 10 juin 2021, alors qu'un leader d’extrême-droite israélien tente de joindre la Porte de Damas à Jérusalem Ouest.
© AFP - EMMANUEL DUNAND

C’était le 29 avril dernier. Le Président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas annonçait qu’en raison du refus d’Israël de permettre la tenue du scrutin à Jérusalem Est, les élections législatives qui devaient se tenir le 22 mai seraient finalement reportées. Ces élections étaient attendues avec impatience par la population palestinienne qui ne s’est pas rendue aux urnes depuis 2006 et en particulier les jeunes qui n’ont jamais connu d’autres dirigeants que la vieille garde du Hamas et du Fatah. En Cisjordanie, Mahmoud Abbas, 86 ans, se maintient au pouvoir malgré l’expiration de son mandat en 2009. Tandis qu’à Gaza, le Hamas veille jalousement sur son pouvoir, empêchant toute alternative d’émerger.  

Comment, dans ces conditions, la jeunesse peut-elle faire entendre sa voix et ses revendications ? La fracture entre la vieille élite dirigeante une jeunesse en mal d’avenir pourrait-elle déboucher sur de nouvelles formes de mobilisation ?  

Il y a une méfiance des jeunes Palestiniens vis-à-vis de leurs dirigeants, que ce soit l’Autorité palestinienne ou le Hamas. Pour autant, cela ne se traduit pas par un manque de sociabilisation politique des jeunes ni par un fort taux d’abstention. Sarah Daoud

Avec Sarah Daoud, chercheuse doctorante au CERI. 

Références sonores

  • Témoignage de Maya, activiste, qui déplore le maintien au pouvoir d’hommes issus de la guerre civile (France 24, reportage de Roméo Langlois et Mayssa Awad, 23 novembre 2019)
  • Témoignage d’Hassan, chauffeur de taxi libanais qui explique comment les jeunes en sont venus à s’exiler (France 24, reportage de Zohra Ben Miloud, 21 octobre 2019)
  • Témoignage de Youmna qui se dit « apolitisée » et qui déplore la récupération politique du mouvement (France 24, reportage de Cyril Payen et Bilal Tarabey, 31 août 2020)
  • Mohamed et Nero, deux amis de Beyrouth, échangent autour de l’opportunité de quitter le Liban ou de rester et se battre pour de meilleures conditions de vie (France 24, reportage de Cyril Payen et Bilal Tarabey, 31 août 2020)
  • En avril dernier, Mahmoud Abbas reportait les premières élections palestiniennes, les premières depuis quinze ans (Le Figaro, 30 avril 2021)             

Références musicales 

  • « Samira » d’Acid Arab (Label : Versatile records)
  • « Fasateen » du groupe libanais Mashrou' Leila

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