L'OTAN est-elle dépassée ?

L'OTAN, contournée par ses membres, peut-elle encore prétendre à un avenir pérenne ? ©Getty - Omar Marques
L'OTAN, contournée par ses membres, peut-elle encore prétendre à un avenir pérenne ? ©Getty - Omar Marques
L'OTAN, contournée par ses membres, peut-elle encore prétendre à un avenir pérenne ? ©Getty - Omar Marques
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Entre la débâcle américaine en Afghanistan et la crise des sous-marins opposant la France à l'Australie, la pérennité de l'OTAN dans la configuration internationale actuelle est-elle remise en question? Ou ces événements sont-ils plutôt liés aux priorités données à l'espace indo-pacifique ?

Avec
  • Bertrand Badie Professeur des relations internationales
  • Jean-Sylvestre Mongrenier Docteur en géopolitique, directeur de recherche à l'Institut Thomas-More et chercheur à l'Institut français de géopolitique
  • Valérie Niquet Politologue, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique

Après le départ de ses troupes d’Afghanistan, l’alliance militaire occidentale, née en pleine guerre froide en 1949, a dû essuyer des critiques sur le caractère précipité et non concerté de ce retrait. 

Par ailleurs, l’affaire des sous-marins français vendus à l’Australie a curieusement remis sur le devant de la scène cette alliance ancienne, tant l’accord entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie, l’AUKUS peut apparaître comme l’embryon d’une OTAN du Pacifique. Cette nouvelle alliance signe la bascule définitive d’un processus entamé sous Barack Obama, faisant pivoter l’intérêt de Washington de l’Atlantique vers le secteur indo-pacifique, et donnant ainsi raison au diagnostic d’Emmanuel Macron, qui affirmait que l’OTAN était en mort cérébrale. 

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Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit trois chercheurs : Bertrand Badie, professeur de relations internationales à l'IEP de Paris, Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique, et enfin Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé en géopolitique à l'Institut Thomas More.

Est-il exagéré de tirer l'affaire des sous-marins français vers la question de la survie de l'OTAN ?

Bertrand Badie comme Valérie Niquet voient dans cette affaire l'expression d'une crise très nette de l'alliance politico-militaire. Pour la chercheuse à la Fondation de la Recherche Stratégique, le problème réside dans la manière presque "injurieuse" avec laquelle les Australiens ont rompu leur contrat avec les Français, alors même que ceux-ci tentent depuis quelques années de penser l'espace indo-pacifique : 

"C_'est la définition de l'alliance et la question de la confiance, de la réassurance des alliés des États-Unis qui sont en jeu_".

Pour Bertrand Badie, c'est la notion d'alliance qui a perdu de son sens et doit être remplacé par celle de partenariat : 

"Qu'est-ce que c'est qu'une alliance, qu'est-ce que ça veut dire être alliés dans notre monde d'aujourd'hui ?".

Jean-Sylvestre Mongrenier, au contraire, n'analyse pas cette crise diplomatique comme étant symptomatique d'une déliquescence de l'OTAN, et insiste :

"La diplomatie française établit une distinction entre l'OTAN et l'espace atlantique, d'une part, et l'espace indo-pacifique, d'autre part".

Quelles relations de pouvoir dans l'environnement international ?

Bertrand Badie établit une distinction entre une vision fluide des relations internationales, qui est la sienne et une vision "campiste", qui fait la part belle aux "camps" d'alliés qui peuvent se former dans l'environnement international :

"Les alliances, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sont devenues très exigeantes. Elles étaient très fluides, les alliances, dans les temps qui ont précédés, puis elles sont devenues campistes". 

Il rappelle l'exceptionnalité de la période bipolaire de la Guerre froide dans l'histoire des relations internationales :

"La bipolarisation du monde est quelque chose d'exceptionnel qui a commencé en 1947 et qui s'est éteint en 1989".

Valérie Niquet et Jean-Sylvestre Mongrenier, avec quelques nuances entre eux, voient se dessiner les frontières d'un nouveau "camp" à l'Est, voire d'un nouvel ennemi : la Chine. 

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