Benyamin Netanyahou joue son avenir politique

Le temps de la désescalade est-il venu entre Israël et Gaza ? Après une nouvelle nuit de terreur, entre dimanche 16 et lundi 17 mai, marquée par des bombardements israéliens intensifs sur la bande de Gaza et des roquettes tirées par le Hamas et le Djihad islamique, les pressions internationales s’intensifient sur les belligérants. En une seule semaine, le conflit affiche déjà un lourd bilan : 198 Palestiniens tués – dont au moins 58 enfants –, plus de 1 300 blessés et 40 000 déplacés, ainsi que dix Israéliens tués – dont un enfant –, et 294 blessés.

Les États-Unis s’étaient contentés, jusqu’ici, de rappeler « le droit d’Israël à se défendre », opposant leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais lundi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a interpellé son allié hébreu au sujet de la destruction, le samedi précédent, d’un immeuble de Gaza abritant des médias internationaux – dont le siège de l’agence américaine Associated Press –, lui demandant des « précisions » sur la « justification » de cette frappe. Il a également appelé les deux camps à « protéger les civils et particulièrement les enfants », ajoutant que l’État hébreu a, « en tant que démocratie », un « devoir particulier » en la matière.

Il s’agit d’un très léger changement de ton, témoin des intenses débats en vigueur au sein même du camp démocrate américain. « Les États d’apartheid ne sont pas des démocraties », a asséné, ce week-end sur Twitter, la bouillonnante représentante Alexandria Ocasio-Cortez. Dimanche soir, 28 sénateurs démocrates, menés par leur collègue – juif – de Géorgie, Jon Ossoff, ont publié une déclaration appelant à un cessez-le-feu. « Les juifs américains, largement démocrates, se montrent solidaires d’Israël en temps de crise. Depuis quelques jours, ils se montrent de plus en plus sévères à son égard », constate l’historienne Frédérique Schillo.

Ces prises de position mettent le président américain, Joe Biden, en porte-à-faux, tiraillé entre une aile centriste « attachée à la défense des droits de l’homme, de la liberté et de la démocratie » et une « aile gauche plus sensible à l’égalité et à la justice sociale », analyse Laurence Nardon, responsable du programme Amérique à l’Ifri. « Jusqu’ici, il avait plutôt réussi à ménager la chèvre et le chou. Mais le conflit israélo-palestinien fait ressortir les antagonismes, ce qui explique son refus de s’impliquer. »

Un autre facteur explique sans doute la retenue américaine : les négociations qui se tiennent en ce moment même à Vienne, en vue d’un éventuel retour des États-Unis dans l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien. « Joe Biden veut absolument aboutir, et les efforts qu’il déploie en ce sens indisposent déjà fortement Netanyahou », indique le géopolitologue Bertrand Badie. « Y ajouter une condamnation des opérations en cours reviendrait à faire avaler deux couleuvres à la fois au premier ministre israélien. Impossible. »

Indéniablement, les mots de la Maison-Blanche seront soigneusement pesés par les autorités israéliennes. Celles-ci doivent désormais mesurer ce qu’elles ont à gagner sur le plan militaire – en termes de destruction du réseau de tunnels du Hamas et d’élimination de ses dirigeants – et à perdre en termes d’image internationale, alors que les clichés des destructions et des civils sortis, morts ou vivants, des décombres se multiplient.

Mais en Israël aussi, le conflit est devenu une question de politique intérieure. Alors que les négociations en vue de la formation d’un gouvernement d’alternance menées par Yaïr Lapid ont été interrompues, Benyamin Netanyahou a repris espoir quant à son avenir personnel. « Benyamin Netanyahou, qui s’est mué en chef de guerre ces derniers jours, a besoin d’une image de victoire, observe Frédérique Schillo. Il sait que les négociations sur le futur gouvernement, ou les élections si elles échouent, se préparent dès aujourd’hui. Or son électorat, et en particulier les habitants des villes proches de la bande de Gaza qui vivent depuis 2001 sous la menace des roquettes du Hamas, le pousse à poursuivre le travail. »