De Washington à Paris, la démocratie à l’épreuve : épisode • 1/4 du podcast Vingt ans de guerre contre le terrorisme

Le Premier ministre Jean Castex rend hommage à Stéphanie Monferme, mère de famille et employée de la police locale, à Rambouillet, le 30 avril 2021. ©AFP - LUDOVIC MARIN
Le Premier ministre Jean Castex rend hommage à Stéphanie Monferme, mère de famille et employée de la police locale, à Rambouillet, le 30 avril 2021. ©AFP - LUDOVIC MARIN
Le Premier ministre Jean Castex rend hommage à Stéphanie Monferme, mère de famille et employée de la police locale, à Rambouillet, le 30 avril 2021. ©AFP - LUDOVIC MARIN
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Depuis le 11 septembre 2001, les démocraties occidentales se sont engagées dans une « guerre contre le terrorisme » par des opérations extérieures et sur leur sol. Comment nos démocraties construisent peu à peu une nouvelle théorie de la violence légitime sur le terreau de l’anti-terrorisme ?

Avec
  • Olivier Cahn Professeur de droit pénal à l'université de Cergy, et spécialiste de la politique de maintien de l'ordre, membre du CESDIP
  • Sharon Weill Maitresse de conférence en droit international à l’Université américaine de Paris, chercheuse associée au CERI, Sciences-Po
  • Mathias Delori Chercheur CNRS en sciences politique, rattaché au Centre Marc Bloch de Berlin

Le 23 avril dernier, une fonctionnaire de police était la cible d’une attaque à la sortie de son commissariat, à Rambouillet. Suite à cet événement tragique, le gouvernement a annoncé une série de nouvelles mesures. Ces dernières sont censées permettre aux services de renseignement de s’adapter aux nouvelles formes de terrorisme, aux nouveaux moyens de communication des assaillants et aux nouvelles voies de la radicalisation. La semaine dernière déjà, ce projet de loi était présenté en Conseil des ministres. Si Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a assuré qu’elle était en préparation avant l’attaque de Rambouillet, il n’en demeure pas moins qu’on assiste depuis plusieurs années à une inflation législative en matière sécuritaire.

Ces nouvelles lois sont-elles véritablement efficaces ? Dans quelle mesure l’état de droit est-il menacé au nom de la lutte anti-terroriste, en Europe ou aux Etats-Unis ? Comment nos démocraties construisent peu à peu une nouvelle théorie de la violence légitime sur le terreau de l’anti-terrorisme ?

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Avec Olivier Cahn, professeur de droit pénal à l'université de Tours et spécialiste de la politique de maintien de l'ordre, membre du CESDIP et Mathias Delori, chercheur CNRS en sciences politique, rattaché au Centre Marc Bloch de Berlin.

Le droit pénal de l’ennemi se caractérise par une anticipation de la répression, par une procédure qui ne garantit pas les droits fondamentaux et par une sévérité des sanctions. Ce droit pénal de l’ennemi trouve sa justification dans la dépersonnalisation : certains individus commettraient des actes tellement odieux qu’ils se placeraient eux-mêmes en dehors du contrat social. A ce titre, on ne leur devrait plus les mêmes droits qu’aux autres citoyens. Les États-Unis se sont appropriés cette théorie pour justifier Guantanamo, par exemple. Olivier Cahn

Le contre-terrorisme guerrier fait plus de mort que le terrorisme. Il y a eu 4000 victimes civiles causées par le terrorisme en Europe et en Amérique du Nord, 11 septembre 2001 compris. Ce chiffre a été atteint en seulement trois mois de bombardement en Afghanistan. Mathias Delori

Seconde partie - le focus du jour

Les tribunaux militaires, obstacles à la fermeture de Guantanamo

Quelques mois après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ouvraient sur l’île de Cuba la prison de Guantanamo. Vingt ans plus tard, la prison représente toujours les dérives de la lutte anti-terroriste américaine. Barack Obama avait promis de la fermer, aujourd'hui c’est Joe Biden qui annonce se pencher sur ce dossier. Mais, la fermeture de Guantanamo pose plusieurs problèmes : que faire des quarante prisonniers qui y sont encore enfermés ? 

Entretien avec Sharon Weill, maitresse de conférence en droit international à l’Université américaine de Paris, chercheuse associée au CERI, Sciences-Po.

Le seul accusé de Guantanamo transféré à New-York a failli être libéré à cause des défauts de procédure, des confessions sous torture…. Les lois ne sont pas les mêmes sur le sol américain et dans les tribunaux militaires à Guantanamo, ce qui a augmenté la peur de voir les prisonniers libérés s’ils sont soumis au droit américain. A cela s’ajoute le mythe « des pires des pires », qui imprègne encore la perception que l’on a de ces prisonniers. On ne peut pas les accueillir sur le sol américain car ils sont jugés trop dangereux. Enfin, la CIA couvre tous les actes de torture, pour ne pas avoir à répondre de procédures judiciaires. Tout cela explique la difficulté de transférer ces prisonniers. Sharon Weill 

Une émission préparée par Bertille Bourdon. 

Références sonores

  • Annonce sur France Info de l’attaque de Rambouillet (France Info, 23 avril 2021)
  • Extrait du discours de Jean Castex lors de la cérémonie d’hommage national à la policière Stéphanie Monfermée, assassinée à Rambouillet le 23 avril dernier (BFM TV, 30 avril 2021)
  • Au cours d’une interview donnée à BFM, Gérald Darmanin précise les contours de cette nouvelle loi antiterroriste (BFM TV, 28 avril 2021)
  • Le 10 janvier dernier, Florence Parly expliquait qu’aucun hélicoptère français n’avait été engagé dans l’attaque de Bounti (France Inter, 10 janvier 2021)
  • Extrait d’une conférence de presse de Jen Psaki à propos de l’ambition de l’administration Biden de fermer Guantanamo (Politico, 12 février 2021)

Références musicales 

  • « Ash & Snow » de Christian Löffler (Label : Ki record)
  • « A base de Guantànamo » de Caetano Veloso (Label : Universal)

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