Le ballet diplomatique autour du nucléaire iranien s’intensifie à quelques jours de la date butoir fixée au 23 février par Téhéran pour limiter l’accès aux enquêteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). « Les Iraniens échangent avec les Allemands. L’AIEA discute avec les Iraniens. Les Américains se concertent avec les Européens. Les alliés régionaux s’entretiennent avec les Américains. Le Qatar joue les médiateurs entre Téhéran et Washington et la Suisse parle avec tout le monde », résume Ali Vaez, directeur du programme Iran à l’International Crisis Group.

La réunion des chefs des diplomaties française, britannique, allemande et américaine, jeudi 18 février, puis la visite, samedi 20 à Téhéran, du directeur général de l’AIEA Rafael Grossi déboucheront-elles sur une initiative susceptible d’interrompre la surenchère de l’Iran, qui a multiplié les entorses à l’accord de 2015 ?

Joe Biden clarifiera-t-il son intention de faire revenir les États-Unis dans l’accord, au cours d’une intervention virtuelle, vendredi 19 février, devant la conférence sur la sécurité de Munich ? « Le temps utile pour dénouer la crise ne dépasse pas quelques semaines. L’élection présidentielle iranienne du 18 juin renverra ensuite la capacité de renouer des contacts utiles avec Téhéran au-delà de l’été », souligne François Nicoullaud, ancien ambassadeur en Iran. « Un geste américain concret sur l’aide économique et humanitaire pourrait être le prélude à un processus de retour des États-Unis et de l’Iran dans l’accord à travers une série de mesures synchronisées », ajoute Ellie Geranmayeh, chercheuse à l’European Council on Foreign Relations.

Pour l’heure, Washington exige que l’Iran revienne à une stricte application de l’accord, avant toute levée des sanctions sur le pétrole. Cette première étape serait une « plateforme » pour négocier ensuite un allongement de la durée des interdictions imposées à l’Iran, qui commencent à se desserrer dès 2025, sans compter une extension de l’accord aux missiles balistiques et à la sécurité régionale.

De son côté, Téhéran réclame d’abord la levée des sanctions américaines, et rejette toute renégociation de l’accord de 2015. « Nous avons entendu beaucoup de belles paroles et les promesses n’ont pas été tenues, a déclaré, mercredi 17 février, le guide Ali Khamenei. Nous voulons des actes de la partie adverse et nous agirons également de la sorte. »

« S’ils lèvent aujourd’hui les sanctions, nous respecterons dès demain matin ou après-midi tous nos engagements. S’ils font un pas, nous ferons aussi un pas. S’ils font tous les pas, nous ferons aussi tous les pas », affirmait, le même jour, le président Hassan Rohani.

Des contraintes de politique intérieure limitent la marge de manœuvre des deux gouvernements. Washington doit compter avec une forte opposition du Congrès et des alliés israélien et saoudien à la levée des sanctions imposées par l’administration Trump. Un mois après son arrivée au pouvoir, Joe Biden a promis, mercredi 17 février, au premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, une « étroite consultation » sur l’Iran.

Le dossier nucléaire est devenu un enjeu de la bataille électorale iranienne de juin. Les conservateurs souhaitent bloquer le retour de l’Iran et des États-Unis dans l’accord : un électorat insatisfait et démobilisé leur donnant plus de chances de gagner. « Le guide suprême utilise le Parlement, dominé par les conservateurs, contre Rohani et Zarif (ministre des affaires étrangères, NDLR). En même temps, il ne veut pas d’une situation de mécontentement dans le pays où on l’accuserait d’avoir raté l’occasion d’une levée, même partielle, des sanctions », explique Clément Therme, chercheur post-doctorant au Ceri-Sciences-Po. « Un accord intérimaire pour créer la confiance et réduire les tensions entre Téhéran et Washington serait un bienfait pour l’économie. »

Négocié avant les élections, il permettrait à l’Iran de vendre une quantité limitée de son pétrole, en échange d’une mise en conformité avec certaines de ses obligations, en particulier sur la limitation de la production d’uranium enrichi et la production d’uranium métal.

D’autres gestes américains envers Téhéran sont évoqués, comme la fourniture de vaccins contre le Covid-19, une assistance humanitaire ou le déblocage du prêt sollicité par l’Iran auprès du Fonds monétaire international.