Menu
Libération
Critique

Anna Tsing, anthropologue du capitalisme en ruine

Article réservé aux abonnés
Drames écologiques et vulnérabilité humaine : la chercheuse américaine s’est fait connaître par son livre sur le matsutaké, ce champignon qui pousse dans les interstices des lieux dévastés par l’homme. Son précédent ouvrage, «Friction…», sort enfin en France.
par Sonya Faure
publié le 16 décembre 2020 à 17h46

Evoquer Anna Lowenhaupt Tsing, c’est l’imaginer à plat ventre, le nez dans les feuilles mortes et des brindilles dans les cheveux, les ongles terreux, à observer pousser un champignon. On n’a jamais vu l’anthropologue de 68 ans dans cette position bien sûr, mais ses livres, poétiques et charnels, poussent à l’intimité.

Il y a trois ans paraissait en France le Champignon de la fin du monde (La Découverte). Anna L. Tsing étudiait «la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme», en suivant la trace et les rhizomes du matsutaké, un champignon dont raffolent les Japonais, qui ne pousse que sur les ruines des paysages abîmés par l'activité humaine et dans les forêts déboisées, et dont le parfum putride «évoque la tristesse perceptible après un été fécond». Elle y montrait comment ce mycète survivait dans les lieux dévastés en collaborant avec les autres espèces - pins rouges, insectes. On y voyait une métaphore de la précarité humaine au temps de l'anthropocène. Notre seule chance de survie, disait Tsing, est d'accepter que nous ne pourrons pas nous en sortir seuls, entre hommes, et de collaborer nous aussi avec les autres êtres vivants, les autres espèces.

«Communs latents»

Le livre est devenu un petit trésor qu'on s'échange entre «happy few», et même au-delà. Sans être un best-seller, le Champignon… a connu des chiffres de ventes inhabituels pour un essai de ce genre et un bouche-à-oreille dont rêverait tout auteur de sciences sociales. Les coll

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique