Al Sissi à Paris : qui veut défendre la démocratie et les droits de l’Homme dans le monde qui vient ?

 Le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi reçu à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 7 décembre 2020. ©AFP -  Bertrand GUAY
Le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi reçu à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 7 décembre 2020. ©AFP - Bertrand GUAY
Le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi reçu à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 7 décembre 2020. ©AFP - Bertrand GUAY
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Le débat entre Realpolitik et principes moraux et démocratiques est au moins aussi vieux que Machiavel, mais cette semaine nombreux sont ceux qui ont posé la question : comment continuer ce genre d’arrangements avec les principes quand l'UE prétend que l'Etat de droit fait partie de son ADN ?

Avec
  • Bertrand Badie Professeur des relations internationales
  • Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
  • Brice Couturier Collaborateur à l'hebdomadaire Le Point
  • Julia Cagé Économiste, spécialiste de l’économie des médias

Arrivé au pouvoir à la suite d'un coup d'État militaire en 2013, le maréchal Al-Sissi ne tolère aucune contestation. La répression s'abat sur tous ceux qui osent élever la voix. Les associations de défense des droits de l'homme estiment à 60 000 au moins le nombre de personnes détenues au cours des cinq dernières années et 90 condamnés à mort ont été pendus ou fusillés en 2020.

Pourtant cette semaine, le président Emmanuel Macron a remis la plus haute distinction française, la grand-croix de la Légion d’honneur, à son homologue égyptien lors de sa visite d’Etat à Paris. Cette remise de décoration ne figurait pas à l’agenda officiel du président Macron, tout comme le dîner offert dans la foulée. 

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Alors bien sûr, les milieux diplomatiques expliquent que les échanges de décorations sont l’un des éléments traditionnels des visites d’Etat, et qu’après une année et demie de refroidissement sur la question sensible des droits de l'homme, la France a désormais de bonnes raisons géopolitiques de se rapprocher de l’Egypte : chaos libyen, tensions en Méditerranée autour des réserves de gaz menacées par la Turquie d’Erdogan, terrorisme. 

Soit. Le débat entre Realpolitik et principes moraux et démocratiques est au moins aussi vieux que Machiavel pour qui la morale ne doit surtout pas être un principe politique. Pourtant cette semaine, beaucoup de responsables d’ONG, d’analystes et de commentateurs ont posé la question: comment continuer ce genre d’arrangements avec les principes dès lors que l’Union européenne prétend désormais rappeler aux autocrates hongrois ou polonais que l’Etat de droit fait partie de son ADN ?

Si « le camp des démocraties » a comme des velléités de se regrouper, de se réaffirmer, de se réarmer aussi sur le plan des « valeurs » pour aller affronter avec plus de vigueur le modèle chinois liberticide de Xi Jinping, si Joe Biden veut faire de la défense de la démocratie un pilier de sa politique nationale et internationale, notamment à l’égard de Hong Kong, de Taïwan ou des Ouïghours, comment faudra-t-il demain que nous traitions avec les dictateurs ?

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