Donald Trump, le président des Etats-Unis, et Jair Bolsonaro, le président du Brésil, à la Maison Blanche

Donald Trump, le président des États-Unis, et Jair Bolsonaro, le président du Brésil, à la Maison Blanche, le 19 mars 2019.

afp.com/Jim WATSON

Un leader populiste qui se tait, c'est rare. Le silence de Jair Bolsonaro, après les résultats de l'élection américaine, en dit bien plus qu'une volée de tweets. Dimanche, le dirigeant du Brésil ne s'était toujours pas fendu du moindre message de félicitations envers le 46ème président élu des États-Unis. Dans le camp des boudeurs, on trouve aussi, sans surprise, Viktor Orban. Comme Bolsonaro, le Premier ministre hongrois avait ouvertement soutenu le candidat républicain : "Nous encourageons la victoire de Donald Trump, parce que nous savons bien que la diplomatie des gouvernements démocrates américains est fondée sur l'impérialisme moral, a-t-il écrit, le 21 septembre. Nous avons été forcés de suivre ce modèle auparavant, nous n'avons pas aimé, nous ne voulons pas y revenir." D'autres, comme Rodrigo Duterte, qui avait déclaré que le président républicain "méritait d'être réélu", se sont empressés de retourner leur veste. Le "cow-boy des Philippines", qui avait traité Barack Obama de "fils de p..." en 2016, a dû en manger son chapeau.

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Avec la défaite de Donald Trump, les dirigeants populistes perdent leur "parrain", celui qui les adoubait et donnait une légitimité à leurs dérapages. L'an dernier, l'homme d'affaires américain avait affiché sa complicité avec son homologue brésilien - "Les États-Unis l'adorent" - en l'invitant à la Maison-Blanche ; puis assuré que son protégé travaillait "très dur" pour éteindre les incendies qui ravageaient la forêt amazonienne. Viktor Orban, lui aussi, a reçu l'absolution. "Vous avez fait du bon travail", l'a félicité le n°1 américain dans le Bureau ovale - en se gardant bien de dénoncer ses entorses à l'Etat de droit.

En première ligne pour recevoir les foudres des Occidentaux

Pour tous ces dirigeants "décomplexés", l'arrivée au pouvoir de l'administration Biden est une douche froide. Certains, comme Bolsonaro, vont se retrouver isolés sur la scène internationale. Désormais en première ligne de la droite dure au pouvoir, ils devraient davantage s'attirer les foudres des Occidentaux sur les questions des droits de l'Homme et de la protection de l'environnement. Celui qui est surnommé le "Trump des tropiques" ne cache pas son inquiétude depuis que le futur président américain a menacé de sanctionner le Brésil pour sa politique de déforestation. " Quelle honte, M. John Biden ! ", s'est-il exclamé sur Twitter, écorchant au passage le prénom de l'ancien vice-président.

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La défaite du sortant annonce-t-elle pour autant le reflux de la vague populiste à l'échelle planétaire ? Pour certains observateurs, un coup d'arrêt a été porté. "Si Trump avait été réélu, cela aurait constitué une validation très forte pour les populistes. Ils auraient pu dire : "Vous voyez, le vrai peuple pense comme nous." Cette occasion est manquée", estime Emmanuel Rivière, directeur à l'institut de sondage Kantar. Pour d'autres, le score du perdant (plus de 71 millions de votes) tend à prouver que le populisme est un phénomène de fond. "Le fait que Donald Trump ait réuni tant de voix démontre qu'un dirigeant de ce type peut quitter le pouvoir en restant très populaire, contrairement à l'idée que beaucoup se faisaient ", souligne l'historien Marc Lazar, pour qui les populistes pourraient "continuer de penser que le style transgressif, provocateur et simplificateur de Trump paie". Au Brésil, un sondage effectué en août montre que Bolsonaro n'a jamais été aussi apprécié - ce qui lui donne de bonnes chances de rempiler en 2022. En Hongrie, Orban en est à son troisième mandat consécutif après l'écrasante victoire de son parti en 2018 ; et le dirigeant polonais Andrzej Duda, du parti national-conservateur Droit et Justice (PiS), a été réélu en juillet.

Vrais supporters

Sans la caution de la première puissance mondiale, les Bolsonaro, Orban ou Duda risquent encore plus d'apparaître encore plus comme les "bad boys" de la planète. "Mais dans leur propre pays, leur assise devrait rester la même, car beaucoup de gens croient sincèrement en eux", analyse Marc Lazar. Sans compter qu'ils pourraient encore bénéficier de l'appui de Trump, même après son départ de la Maison-Blanche. "Rien n'empêchera l'actuel président américain de faire la tournée de ses "amis" et d'animer le large réseau qu'il a créé en quelques années", insiste Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof, le centre de recherches politique de Sciences po.

À l'image de Viktor Orban, "l'internationale populiste" a déjà commencé à entonner le refrain de la "victoire volée", à l'unisson de leur champion américain. "Ces dirigeants vont probablement essayer de montrer que l'élection de Trump était la rupture et non l'exception, et que l'épisode Biden ne sera qu'une parenthèse", pronostique Florent Parmentier. En rêvant peut-être à la candidature de Donald, Donald Junior (dit Don) ou Ivanka Trump en 2024.

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