Au Haut-Karabakh, la Russie garde la main : épisode • 2/4 du podcast Espaces post-soviétiques : le nouveau grand jeu

10 novembre 2020, Bakou - Une femme célèbre le cessez-le-feu et la rétrocession de terres à l'Azerbaïdjan, au Haut-Karabakh. Le portrait qu'elle tient est celui du président Ilham Aliyev. ©AFP - TOFIK BABAYEV
10 novembre 2020, Bakou - Une femme célèbre le cessez-le-feu et la rétrocession de terres à l'Azerbaïdjan, au Haut-Karabakh. Le portrait qu'elle tient est celui du président Ilham Aliyev. ©AFP - TOFIK BABAYEV
10 novembre 2020, Bakou - Une femme célèbre le cessez-le-feu et la rétrocession de terres à l'Azerbaïdjan, au Haut-Karabakh. Le portrait qu'elle tient est celui du président Ilham Aliyev. ©AFP - TOFIK BABAYEV
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Les soldats arméniens ont dû affronter seuls, sans leurs alliés russes, des Azerbaïdjanais largement soutenus par la Turquie. Comment expliquer la non-intervention de la Russie au Haut-Karabakh ? Et pourquoi y a-t-elle négocié un cessez-le-feu en court-circuitant ses partenaires du groupe de Minsk ?

Avec
  • Taline Ter Minassian Professeure d’histoire contemporaine de la Russie et du Caucase à l’Inalco, directrice de l’Observatoire des Etats post-soviétiques
  • Marie Mendras Politologue, chercheur au CNRS et au CERI
  • Thorniké Gordadzé Politiste spécialiste du Caucase, enseignant à Sciences Po, ancien ministre géorgien en charge des relations avec l’Union européenne, ex Senior fellow à l’International Institute of Strategic studies

L’accord a été annoncé simultanément par le président Azerbaïdjanais Ilham Aliyev, célébrant une victoire, le premier ministre Arménien Nikol Pachinian, évoquant une décision « incroyablement douloureuse », et le président russe Vladimir Poutine, se posant en arbitre naturel de ce conflit. 

Quelque 2000 soldats russes seront déployés dans la zone pour veiller au maintien du cessez-le-feu, offrant à Moscou une présence militaire en Azerbaïdjan inédite depuis l’effondrement de l’Union soviétique. Mais si l’on a tôt fait de voir en Poutine le gagnant géopolitique de cette crise, il faut rappeler qu’il y a encore quelques semaines, son absence de soutien armé à l’Arménie, pourtant allié de la Russie au sein de l’Organisation du traité de sécurité collective, était interprété comme le symptôme du recul de Moscou dans la région. Les soldats arméniens ont en effet dû affronter seuls des Azerbaïdjanais largement soutenus par la Turquie et ses supplétifs recrutés en Syrie.

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Alors : comment interpréter ce retour en force de Moscou dans le Haut-Karabagh ? Dans quelle mesure pourrait-il être remis en cause par la présence accrue d’Ankara dans la zone ? Et quelles conséquences pour l’Arménie, et pour l’ensemble des pays du Caucase ?

Une discussion en compagnie de Thorniké Gordadzé, chercheur à Sciences Po Paris et ex-ministre géorgien de l'intégration européenne, et de Marie Mendras, politologue, professeure au CERI / Sciences Po.

Le groupe de Minsk a été créé en 1992, pendant la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan - une guerre déjà très destructrice, et qui tournait autour de problématiques territoriales. Ce groupe est présidé par la France, les Etats-Unis, et la Russie - et il a depuis été incapable de régler la question de ce conflit, qui n'a jamais vraiment été gelé. Marie Mendras

Si l'Azerbaïdjan avait gagné à 100 % sur le plan territorial - donc si ils avaient récupéré le Karabakh entier - la Russie aurait perdu sur tous les fronts. Avec l'Arménie, qui aurait perdu confiance en la Russie, mais aussi avec l'Azerbaïdjan, qui n'auraient plus besoin du soutien de la Russie, vu qu'ils auraient recouvert le territoire qu'ils revendiquaient et qu'ils auraient renforcé leur alliance avec la Turquie. Cela aurait été la fin de l'influence russe sur le Caucase. Thorniké Gordadzé

Seconde partie - le focus du jour 

Entre Russie bolchévique et Turquie kémaliste, tracer les frontières du Caucase

Avec Taline Ter Minassian, historienne, professeure des universités à l’Inalco, directrice de l’Observatoire des Etats post-soviétiques.

La Transcaucasie - qui est une région de piémont de l'empire Russe au XIXème siècle, limitrophe de l'empire Ottoman et l'empire Perse - est traversée par des frontières qui ne se sont stabilisées qu'à partir de l'époque soviétique, au début des années 1920. Et c'est quelque chose d'intéressant à étudier car la chute de l'URSS a actualisé ces frontières, qui n'avaient pas une grande valeur tant que l'Union soviétique existait. Taline Ter Minassian

Carte de la Fédération soviétique de Transcaucasie, ~1930
Carte de la Fédération soviétique de Transcaucasie, ~1930

Références sonores

  • Annonce de cessez-le-feu entre l'Arménie et l'Azerbaidjan par Vladimir Poutine (France 24, 09 novembre 2020)
  • Témoignage de deux Arméniens dans les rues de Yerevan et d'un Azerbaïdjanais à Bakou - à propos de Chouchi pour les Arméniens et Choucha pour les Azerbaidjanais (Euronews publié le 08 novembre 2020)
  • Extrait de « La maison dorée de Samarkand » d’Hugo Pratt relatant les aventures de Corto Maltese dans le Caucase (Extrait de l’adaptation en film d'animation de l'album, diffusé sur Canal + en 2003 et réalisé par Richard Danto et Liam Saury)

Références musicales

  • « Daemmerlicht » de Recondite (Label : Plangent Records)
  • « Arméniens rassemblez-vous » tiré de la compilation « Haut Karabakh, musiques du front » sorti en 1994 (Label : Silex)

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