Dans le Haut-Karabakh, l'Arménie et l'Azerbaïdjan restent sourdes aux appels à un cessez-le-feu
L'Azerbaïdjan résiste aux appels à la trêve car le contexte n'a jamais été aussi favorable à sa reconquête.
"Si l'Arménie veut voir la fin de cette escalade, elle doit mettre fin à l'occupation." Ainsi s'exprimait vendredi soir Hikmet Hajiyev, l'un des conseillers du président azéri, Ilham Aliev. Parallèlement ou comme en écho, l'un des responsables arméniens du Haut-Karabakh, Artak Beglarian, indiquait que pour la première fois depuis six jours, "Stepanakert a été touchée par des systèmes de missiles lourds". Samedi, l'Arménie et Azerbaïdjan sont donc restées sourdes aux appels en faveur d'un cessez-le-feu émis par les Etats-Unis, la Russie et la France.
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Officiellement, pour les autorités azéries, il s'agit de reconquérir en totalité le Haut-Karabakh, enclave grande comme les Alpes-Maritimes, peuplée à 95% d'Arméniens et contrôlée de facto par Erevan depuis qu'elle a fait sécession en 1991. De manière plus réaliste, Bakou se satisferait sans doute de remettre la main sur tout ou partie des sept districts azerbaïdjanais contigus à la région séparatiste et annexés par les Arméniens dans les années 1990. "Cette annexion a entraîné l'exode de 600.000 Azerbaïdjanais, ce qui est encore très lourd à gérer pour le pouvoir", précise Bayram Balci, spécialiste du Caucase à Sciences-Po. Selon lui, il y a aussi à Bakou l'idée d'effacer l'humiliation de ces années-là. Après une guerre qui avait fait 30.000 morts, la trêve imposée en 1994 avait amputé le pays de 13% de son territoire.
Une conjonction de facteurs
Depuis, les accrochages sont récurrents. Jamais, cependant, la tension n'avait atteint l'intensité des derniers jours. Représentant du Haut-Karabakh en France, Hovhannès Guévorkian lie la crise actuelle aux affrontements qui ont déjà opposé les deux voisins en juillet. "La très légère supériorité démontrée par Erevan a fragilisé Ilham Aliev, qui se sent aujourd'hui obligé de rapporter un trophée à sa population", explique-t-il, faisant référence à l'autoritaire chef de l'Etat azerbaïdjanais. Il est vrai qu'à l'époque, des manifestations de rue lui avaient reproché de ne pas opter pour une guerre ouverte. Dans un Etat composé d'une mosaïque d'ethnies et de religions et dont l'histoire est émaillée de putschs militaires, la possibilité d'une déstabilisation du pouvoir est réelle.
"Militairement, Bakou peut nous anéantir
"
Pour Bayram Balci, la détermination azerbaïdjanaise actuelle serait davantage le résultat d'une conjonction de facteurs. D'abord avec une Russie, principale puissance régionale, qui se retrouve occupée sur d'autres terrains comme la Biélorussie, la Syrie ou la Libye. Ensuite, la Turquie disposée à prêter main-forte. Mais surtout, ajoute Olesya Vartanyan, analyste à l'International Crisis Group, reprendre le Haut-Karabakh a toujours été l'objectif du régime. Il a d'abord misé sur le processus de paix pour y parvenir. Mais les négociations sont dans l'impasse depuis une décennie. Cela fait donc des années que l'Azerbaïdjan se prépare à cette guerre. Et le pays, riche en gaz et en pétrole, s'est donné les moyens de la mener. "Il a beaucoup investi dans de l'armement, notamment dans des drones israéliens et turcs", explique Bayram Balci.
"Militairement, Bakou peut nous anéantir", reconnaît Hovhannès Guévorkian. Pour autant, si le pays le plus peuplé du Sud-Caucase affirme avoir tué 1.900 combattants arméniens depuis dimanche dernier, les lignes de front ont assez peu bougé. "La topographie est défavorable à l'Azerbaïdjan, souligne Olesya Vartanyan. Le Haut-Karabakh est une région montagneuse et les Arméniens ont l'avantage d'occuper les hauteurs." Même si elle reste ultra-dépendante de la Russie, l'Arménie dispose aussi d'une plus grande expérience de la guerre et d'une forte capacité à mobiliser les troupes. "Pour les habitants du Haut-Karabakh, se battre jusqu'au bout est une question existentielle, affirme Hovhannès Guévorkian. Car si l'on nous chasse, où irons-nous?"
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