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Trump aux manettes malgré le Covid-19 : "Cet épisode ne va pas lui faire perdre beaucoup d'électeurs"
"J'aurais pu partir il y a deux jours. Il y a deux jours je me sentais très bien, (...) mieux qu'il y a vingt ans", a assuré le président dans une vidéo diffusée sur Twitter.
SAUL LOEB / AFP

Trump aux manettes malgré le Covid-19 : "Cet épisode ne va pas lui faire perdre beaucoup d'électeurs"

Etats-Unis

Propos recueillis par

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Donald Trump a fait un retour triomphal à la Maison Blanche ce lundi 5 octobre, après trois jours à l'hôpital et alors que les doutes sur son état de santé subsistent. Selon le spécialiste des Etats-Unis Denis Lacorne, le président cherche à se montrer comme un chef d'Etat hyperactif, qui serait plus vigoureux que son adversaire démocrate.

Qui c'est le plus fort ? Alors que des doutes planent sur son état de santé, Donald Trump est revenu à la Maison Blanche ce lundi 5 octobre. Après trois jours passés dans un hôpital militaire à la suite de son infection au Covid-19, le retour du président américain se voulait triomphal : à sa sortie de l'hélicoptère, il a traversé la pelouse et gravi les marches menant au balcon de sa résidence, où il a retiré son masque avant de lever les pouces. "J'aurais pu partir il y a deux jours, a-t-il assuré dans une vidéo diffusée sur son compte Twitter. Il y a deux jours je me sentais très bien (...) mieux qu'il y a vingt ans". Donald Trump a aussi exhorté les Américains à "ne pas [se laisser] dominer" par le virus : "N'en ayez pas peur, vous allez le battre, nous avons les meilleurs équipements médicaux", a-t-il assuré, alors que son pays compte plus de 210.000 victimes de la pandémie.

Cette séquence ressemble à une reprise en main, après plusieurs jours de spéculations et d'annonces contradictoires autour de l'état de santé du président. Le médecin de la Maison Blanche, Sean Conley, a en effet reconnu dimanche que Donald Trump avait montré une "saturation en oxygène" insuffisante à deux reprises, vendredi et samedi matin. Des épisodes jusque-là passés sous silence, le médecin ayant même indiqué samedi que le chef d'Etat allait "très bien". Dans un nouveau communiqué diffusé ce mercredi, Sean Conley a affirmé que Donald Trump n'avait "pas de symptômes depuis plus de 24 heures".

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Le président s'est quant à lui montré impatient de reprendre sa campagne, à un peu moins d'un mois de l'élection présidentielle : "J'ai hâte de participer au débat du 15 octobre" contre Joe Biden, a-t-il affirmé sur Twitter. Cette communication s'intègre dans un discours montrant Donald Trump comme un chef d'Etat hyperactif et plus en forme que son adversaire démocrate, analyse Denis Lacorne, directeur de recherche émérite au Centre de recherches internationales de Sciences Po.

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Denis Lacorne :Ses supporters vont aimer cette communication qui donne l'image d'un président vigoureux, triomphant face à l'adversité. Mais son coeur de cible ne suffit pas, parce qu'il ne représente qu'un peu plus d'un tiers de l'électorat. Et pour les électeurs indécis, c'est catastrophique : c'est le signe de quelqu'un qui prend trop de risques, qui n'a pas assez d'empathie vis-à-vis des Américains victimes du Covid-19. Ce discours ne peut en aucun cas séduire les modérés. D'autant que ce n'est pas seulement Trump qui est malade : la Maison Blanche est un cluster actif [plusieurs conseillers du président ont été testés positif, ndlr], ce qui montre que non seulement le président, mais aussi son entourage n'ont pas su se protéger. Les électeurs peuvent aussi constater que les traitements donnés à Trump ont certes très bien marché, mais ne sont pas accessibles à l'Américain moyen.

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Tout cela va cependant jouer à la marge, le président ne va pas perdre beaucoup d'électeurs sur cet épisode. Les indécis sont d'ailleurs très peu nombreux aujourd'hui, et représentent peut-être 4% de l'électorat. Plus globalement, Trump est en décalage en voulant axer sa campagne sur les thèmes de l'économie et l'idée de "law and order" [la loi et l'ordre, ndlr], alors que pour l'électeur moyen c'est la pandémie qui compte avant tout. Le discours du président peut notamment lui faire perdre les électeurs âgés, qui votent traditionnellement pour le parti républicain, mais sont pris de doute face à un président qui ne prend pas de précautions et veut les forcer à se déplacer dans les bureaux de vote [plutôt que par correspondance].

Comment expliquer que la présidence ait voulu absolument montrer un Trump en bonne santé ? Est-ce lié à la stature de président, qui ne laisserait pas de place à la faiblesse ?

Il y a quand même eu beaucoup de présidents qui ont été malades, mais c'est vrai que l'information a souvent été loin d'être transparente. On n'a pas su que Woodrow Wilson avait eu une attaque sérieuse, que Reagan avait probablement Alzheimer, dans quel état était Roosevelt à la fin de sa présidence… Cela a aussi évolué : quand George W. Bush a subi une coloscopie, tout le monde l'a su, et il a transmis momentanément le pouvoir à son vice-président. Mais ce n'est pas du tout le genre de Trump de confier le pouvoir à Pence, alors qu'il essaye de construire l'image d'un président hyperactif. Il a laissé entendre que même à l'hôpital, il continuait à être en contrôle et à prendre toutes les décisions. Plus largement, il a tout un discours visant à montrer qu'il est plus vigoureux et en meilleure santé que Biden, qui serait plus âgé et sénile. Alors qu'en réalité ils sont tous les deux septuagénaires, et que Trump est en plus obèse.

Trois sénateurs républicains ont été testés positifs au Covid-19, dont deux siègent à la commission judiciaire. Cela pourrait-il retarder la nomination de la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la cour suprême, qui doit être confirmée par le Sénat ?

Il sera très difficile de bloquer la nomination de Barrett. Car il y a d'autres façons de voter au sein de la Commission judiciaire, par vidéo ou par correspondance par exemple, qui permettent de passer outre les contaminations. Il peut y avoir des modalités extrêmes : aux Etats-Unis, vous pouvez voter depuis une civière, en étant placé dans le parloir des visiteurs. Donc il faudrait plus de cas positifs pour que l'on dise "tout ça est trop dangereux, on repousse après l'élection".

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne