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CQFD

Cinq questions sur la discrimination positive dans les universités américaines

Le gouvernement américain accusait récemment l'université Yale de discriminer les candidats asiatiques et blancs, l'occasion pour CQFD de revenir sur les politiques de discrimination positive qui ont permis aux minorités ethniques d'accéder à l'enseignement supérieur.

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(iStock)

Par Loana Berbedj

Publié le 27 août 2020 à 11:00Mis à jour le 28 août 2020 à 12:17

Alors que la question raciale est au coeur de la campagne de réélection de Donald Trump, celui-ci a tenté plusieurs fois au cours de son mandat de contester les directives mises en place par l'Etat pour promouvoir les minorités au sein de l'enseignement supérieur.

A quand remontent les politiques de discrimination positive dans les universités américaines ? Sur quels critères se basent-elles ? L'administration Trump, vent debout contre ces mesures, parviendra-t-elle à les abroger ? CQFD fait le point.

1. Sur quels critères se fondent les politiques de discrimination positive aux Etats-Unis ?

La politique de discrimination positive, « affirmative action » en anglais, défend un objectif : faire en sorte que des populations minoritaires à l'université, proportionnellement à leur poids démographique, ne le soient plus. Elle se base sur le postulat que cette sous-représentation résulte de discriminations, passées ou présentes. Les populations concernées sont les Noirs, les Hispaniques, les femmes, les descendants des populations autochtones (« Native Americans ») et, parfois, les Asiatiques.

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Les tentatives de démantèlement de ces programmes, qui font l'objet d'enquêtes pour examiner les critères de sélection des étudiants, et les nombreuses plaintes d'élèves contestant l'« affirmative action » poussent les établissements à revoir leurs méthodes de sélection.

L'évolution dominante est plutôt leur remplacement progressif par des mesures dites « indirectes », plus récentes, qui s'appuient sur des critères apparemment non raciaux comme le lieu de résidence ou le niveau de revenus, mais qui, en réalité, sont fortement liés à l'appartenance à un groupe racial.

2. A quand remonte l'instauration de l'« affirmative action » dans les universités ?

Aux Etats-Unis, c'est dans les années 1960 que la discrimination positive est mise en oeuvre au sein des universités, d'abord sur la côte Est, dans un contexte d'émeutes raciales animées par le mouvement des droits civiques.

Lancés dans l'espoir de corriger près d'un demi-siècle de disparités raciales, les dispositifs universitaires de discrimination positive ne disposent pas de réglementation à l'échelle fédérale. Chaque établissement peut ainsi définir ses propres critères de sélection à condition de respecter la loi locale et les décisions de la Cour Suprême. Celle-ci proscrit depuis 1978 la mise en place de quotas raciaux, mais permet aux universités de considérer l'appartenance à une minorité comme un facteur de choix tant qu'il n'avantage pas précisément une communauté ethnique.

3. Ces mesures en faveur des minorités ont-elles prouvé leur efficacité ?

L'« affirmative action » a fait ses preuves en contribuant notamment à ce que la proportion de Noirs dans la population étudiante passe de 2 % à 9 % entre 1960 et 1994. Et son démantèlement dans certains Etats comme le Texas, la Californie ou la Floride « a fortement fait chuter le nombre d'étudiants Noirs et Hispaniques dans les universités les plus sélectives comme c'est le cas à Berkeley et UCLA en Californie », explique Daniel Sabbagh, docteur en science politique à Sciences Po.

D'autres facteurs ont joué, notamment l'adoption en 1964 d'une législation antidiscriminatoire, le « Civil Rights Act », qui a permis d'accroître la proportion d'étudiants issus de minorités ethniques sur le territoire américain. « Si la discrimination positive directe était aujourd'hui supprimée purement et simplement, les Noirs ne représenteraient plus que 2 % des étudiants dans les universités les plus prestigieuses », souligne le spécialiste.

4. Pourquoi les politiques de discrimination positive sont-elles contestées ?

Depuis la fin des années 1990, la discrimination positive directe fait l'objet d'offensives qui visent à son démantèlement, notamment animées par un sentiment d'injustice de la part des personnes en difficulté ne faisant pas partie du groupement favorisé par ces politiques. Et dans différents Etats, les opposants à l'« affirmative action » ont obtenu d'importantes victoires, devant les tribunaux comme dans les urnes.

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Ainsi, en 1996, la « Proposition 209 », adoptée par référendum en Californie, interdit aux institutions publiques de prendre en compte la race, le sexe ou l'ethnicité dans les domaines de l'emploi, des marchés publics et de l'éducation. Une loi qui sera à nouveau soumise au vote des citoyens en novembre prochain, et pourrait être abrogée.

Si les politiques visant à favoriser l'insertion des minorités dans l'enseignement supérieur sont contestées par une frange grandissante de l'électorat américain, « l'appel au maintien de ces programmes, dont l'efficacité est quantifiable, fait consensus auprès de présidents d'universités et de collectifs d'enseignants », rappelle Daniel Sabbagh.

5. Quelle est la position du gouvernement au sujet de la discrimination positive ?

En pleine campagne électorale, le président Donald Trump revendique fermement sa volonté de mettre fin à ces programmes préférentiels. Il y a quelques semaines, le ministère américain de la Justice a accusé l'université Yale de discriminer les candidats d'origine asiatique et les Blancs. En 2018, Harvard avait également été la cible du gouvernement pour des raisons similaires, soupçonnée de désavantager les étudiants asiatiques dans son processus de sélection.

Mais jusqu'à présent, l'élimination pure et simple des formes directes de discrimination positive n'a pratiquement jamais eu lieu. La Cour suprême fédérale s'est d'ailleurs saisi de la question à trois reprises en 1978, 2003 et en 2016, elle rendait une décision favorable au maintien de l'« affirmative action ».

Pour Daniel Sabbagh, les tentatives de pression du président actuel ne seraient que « de la poudre aux yeux » dans un contexte électoral. Et la question des potentiels « effets pervers » de la discrimination positive directe sur les étudiants asiatiques devrait être statuée par la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis d'ici un à deux ans.

Loana Berbedj

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