L'interminable calvaire des Français emprisonnés en Iran

VIDÉO. Les chercheurs Fariba Adelkhah et Roland Marchal, qui souffrent de graves ennuis de santé, doivent comparaître devant le tribunal révolutionnaire de Téhéran.

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Temps de lecture : 5 min

Près de neuf mois après leur arrestation, Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont toujours détenus dans la prison d'Evin de Téhéran. Et, alors que leur procès devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de la capitale iranienne s'ouvre ce mardi, les conditions de santé des deux chercheurs du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po ne cessent de se dégrader. « Fariba Adelkhah souffre terriblement des reins, elle a du sang dans ses urines et a perdu 14 kilos, ce qui fait qu'elle n'en pèse plus que 40 », confie son collègue et ami Jean-François Bayart. « Quant à Roland Marchal, il est au bout du rouleau physiquement et moralement. »

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La chercheuse, qui avait mené une grève de la faim de fin décembre à mi-février pour protester contre ses conditions de détention ainsi que celles de son compagnon, a été hospitalisée le 23 février en raison de la dégradation de son état de santé, a affirmé son avocat, Saïd Dehqan, à l'Agence France-Presse. Ce dernier a par ailleurs déclaré craindre que sa cliente n'ait été contaminée à l'hôpital par le coronavirus, qui frappe particulièrement l'Iran, deuxième pays le plus contaminé au monde après la Chine. La Franco-Iranienne a depuis été renvoyée en prison.

Tortures

Anthropologue de renom et spécialiste du chiisme, Fariba Adelkhah, directrice de recherche âgée de 60 ans, a été arrêtée le 5 juin dernier à son domicile de Téhéran, le même jour que son collègue et ami Roland Marchal, appréhendé, quant à lui, à l'aéroport. Poursuivie pour « propagande contre le système » (une peine passible de trois mois à un an d'emprisonnement, NDLR) et « collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale » (deux à cinq ans de prison, NDLR), elle est détenue dans la branche commune des femmes de la prison d'Evin, où elle ne bénéficie pas de visites consulaires, l'Iran ne reconnaissant pas la double nationalité. Considérée par Téhéran comme une citoyenne de la République islamique, elle se serait vu confisquer récemment sa carte téléphonique lui permettant de contacter sa famille depuis la prison.

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Spécialiste de la Corne de l'Afrique, Roland Marchal, 64 ans, est quant à lui incarcéré à l'isolement dans la branche 2A de la prison, contrôlée par les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique de la République islamique. Ne bénéficiant plus de visites consulaires depuis la fin du mois de janvier, le chercheur français, uniquement poursuivi pour « collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale », souffre d'arthrose, mais semblerait disposer d'un traitement médical.

Aux mains des « durs » du régime

Seule Fariba Adelkhah se serait présentée ce mardi matin au procès, tenu à huis clos et sans la présence de son avocat, estime dans un communiqué le Comité de soutien aux deux chercheurs. S'il affirme ignorer les raisons de l'absence à l'audience de Roland Marchal, le Comité dit penser que le procès a été reporté à une date inconnue. « Une chose est sure : les deux chercheurs sont soumis à des tortures psychologiques et même physiques puisque Fariba souffre horriblement », alerte le chercheur Jean-François Bayart. Le 26 février dernier, le ministère français des Affaires étrangères s'est dit « préoccupé par leur état de santé, en particulier celui de Fariba Adelkhah », et a indiqué suivre la situation des deux chercheurs « avec la plus grande attention ».

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En ayant été emprisonnés par les Gardiens de la révolution, Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont aux mains des « durs » de la République islamique. Répondant directement aux ordres du Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, les pasdarans ne dépendent ni du gouvernement ni même des services de renseignements. Ses chefs sont opposés à toute normalisation des relations avec l'Occident et cherchent à affaiblir le président « modéré » Hassan Rohani. « Le système judiciaire est en confrontation directe avec le gouvernement iranien », confirmait il y a un mois une source diplomatique moyen-orientale. « Il est tout simplement impossible d'influer sur la moindre de ses décisions, même si l'exécutif est entièrement mobilisé sur ce sujet et qu'il souhaite le clore. »

Marchandage

Il apparaît aujourd'hui que la République islamique cherche aujourd'hui, à travers l'arrestation des deux chercheurs français, à obtenir la libération de deux citoyens iraniens incarcérés en Europe. Il s'agit d'Assadollah Assadi, un diplomate iranien actuellement emprisonné en Belgique, et soupçonné par la justice belge d'être un agent du renseignement lié à un projet d'attentat déjoué contre un rassemblement en juin 2018 de l'organisation des Moudjahidines du peuple, bête noire de Téhéran. « Pour l'Iran, c'est la France qui manœuvre en cachette dans cette affaire, en collaboration avec les services allemands (Assadi avait été arrêté en Allemagne avant d'être extradé en Belgique, NDLR) », affirme un fin connaisseur des relations bilatérales. « Dans cette histoire, la bonne volonté apporte la bonne volonté, poursuit la source. Ce ne serait pas la première fois que ce type d'échanges arriverait entre les deux pays. » En juillet 2009, la France avait accepté de libérer l'Iranien Ali Vakili Rad, assassin de l'ancien Premier ministre du shah Chapour Bakhtiar, au lendemain du retour à Paris de l'étudiante française Clotilde Reiss, incarcérée puis assignée à résidence à Téhéran pendant onze mois.

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L'autre détenu se nomme Jalal Rohollah Nejad, ingénieur iranien arrêté le 2 février dernier à Nice. Accusé par les États-Unis d'avoir voulu exporter du matériel technologique (systèmes industriels à micro-ondes et de systèmes antidrones, NDLR) en violation des sanctions américaines contre Téhéran, il a fait l'objet d'une demande d'extradition par la justice américaine, qui a été acceptée par le parquet général d'Aix-en-Provence. Son pourvoi en cassation doit être traité le 11 mars prochain. S'il venait à être rejeté, ce serait au Premier ministre Édouard Philippe de se prononcer en dernier ressort sur son cas. « En raison des sanctions injustes contre l'Iran, monsieur Rouhollah Nejad ne peut même pas recevoir en prison l'argent que lui verse sa famille, ajoute la source diplomatique moyen-orientale. Il se trouve aujourd'hui au bord de la folie. »

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Commentaires (8)

  • DominiqueD2B

    L’association des deux mots suffit pour caractériser une bonne justice ! C’est comme la musique militaire...

  • Bastogne3

    Ce qui donne largement raison à Trump.
    Il faut mettre la pression sur ce régime fascisant jusqu'à ce qu'il libère ces otages.

  • Pierjandel

    Comment peut on encore supporter a notre époque cette bande de théobrutis et ne pouvoir agir.