La santé publique mondiale à l’épreuve

Un aide-soignant montre un coton-tige, un échantillon test en Lombardie, le 13 mars 2020 ©AFP - Miguel Medina
Un aide-soignant montre un coton-tige, un échantillon test en Lombardie, le 13 mars 2020 ©AFP - Miguel Medina
Un aide-soignant montre un coton-tige, un échantillon test en Lombardie, le 13 mars 2020 ©AFP - Miguel Medina
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Partout où il passe, le Covid-19 révèle le système de santé propre à chaque pays tout comme les failles des régimes politiques. Que se passe-t-il en Chine, en Corée, en Italie, au Royaume-Uni ou en Iran ?

Avec
  • Clément Therme Chargé de cours à l’université Paul-Valery de Montpellier
  • Carine Milcent Économiste, professeure à l’Ecole d’économie de Paris
  • Anne Sénéquier Co-directrice de l'observatoire de la santé mondiale à l’IRIS
  • Ludmila Acone Docteure en histoire italienne à l’université Paris 1
  • Sarah Rozenblum Chercheuse française en santé publique et sciences politiques de l'Université du Michigan

C'est une menace sans précédent qui pèse sur la majorité des pays sur la planète. Un spasme mortifère de la mondialisation qui démontre à la fois nos interdépendance et les inégalités en matière de santé publique d'un continent à l'autre. Mais aussi la porosité et la fragilité des systèmes les plus performants, notamment en Europe. Avec le défi d'une prévisibilité qu'Anne Senequier, co-directrice «observatoire de la santé mondiale» à l’IRIS, considère comme impossible. 

Le principe d’une épidémie réside dans son adaptation au jour le jour. Aujourd’hui, personne n’est capable de prédire le nombre de personnes infectées ou de morts dans les prochaines semaines. Il y a une temporalité pour chaque réaction en fonction de la pénétration du virus dans le territoire et de sa diffusion. 

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Le coronavirus est né, on le sait, en Chine, à Wuhan, fin décembre. On a vu depuis comment le pays a fait face en déployant toutes les méthodes que s'autorise un régime autoritaire depuis le déni, au départ, jusqu'au confinement de millions de gens, l'injection massive de moyens et le resserrement de la censure pour museler toute colère. Carine Milcent, économiste, chercheuse au CNRS et professeure associée à Paris Sciences Economiques (PSE), nous rappelle la situation sur place : 

Sur la situation à Wuhan, il faut être prudent. Si nous sommes sur « un plateau », lorsque l’on regarde la courbe des cas, un deuxième foyer pourrait aussi apparaître. La politique de gestion de crise de la Chine correspond n’est pas spécifique de crise sanitaire : la Chine a l’habitude de prendre le pouls de l’opinion, de savoir à quel point cette situation est difficile à vivre et à quel point le grognement est important. Le régime parfois laisse du jeu pour sentir ce que la population revendique, puis ferme les vannes pour reprendre le contrôle. 

Les pays démocratiques face au Covid-19

Aujourd'hui, ce sont les sociétés démocratiques qui doivent affronter la pandémie. En France, Emmanuel Macron déclenche la mobilisation générale et met en œuvre toute les ressources de l'Etat providence, en Italie, le pays prend des mesures drastiques : le pays est bloqué mais la mortalité continue d'augmenter. Pourquoi la péninsule est ainsi frappée ? Quelle est la situation ailleurs, en Europe ? Pourquoi, aussi, si peu d'harmonisation des moyens ? Ludmila Acone, docteure en histoire à Paris 1, spécialiste de l’Italie, pointe de fortes inégalités dans ce pays, deuxième nation la plus touchée par le Covid-19.

Il y a deux maux de la santé publique dans la péninsule : le fonctionnement, très démocratique, a été saisi par une série de réformes visant à régionaliser la santé publique et un manque criant de moyens et de fonds. Certaines régions ont tendance à ne pas avoir la même politique sur la santé des femmes que les autres. Le privé a pris de l’importance dans la santé italienne. Dû à ces inégalités, si ce qu’il s’est passé en Lombardie arriverait dans le sud, la situation serait gravissime. 

Aux Etats-Unis, après avoir minimisé le danger, Donald Trump annonce un plan qui ne convainc même pas son propre camp, dont l'interdiction du territoire aux Européens, et accélère ainsi le krach boursier. Quel impact sur la campagne présidentielle en cours ? Le système de santé américain, très inégalitaire, fait peser un risque important pour la population. C'est ce que rappelle Sarah Rozenblum, chercheuse française en santé publique et sciences politiques de l'Université du Michigan : 

44 millions d’Américains sont mal assurés, 37 millions ne sont pas assurés. Un Américain doit payer plusieurs milliers de dollars pour bénéficier d’un test au Covid-19 à l’hôpital. Ajouté à ces inégalités dans les soins, il y a un vrai manque de communication entre les laboratoires privés et publics. Les capacités de dépistage sont largement en-deçà des besoins. 

Comment la science est-elle prise en compte par les régimes théologiques ? 

L'Iran apparaît déjà comme un des pays les plus touchés. Pour quelles raisons ? Clément Therme, chercheur post doctorant au CERI à Sciences Po Paris, nous détaille les spécificités du régime iranien : 

L’Iran est dépendant de la Chine. On ne connait pas le patient 0 : ce serait soit un marchant iranien qui serait revenu de Chine, soit des travailleurs de Chinois qui participent à un projet de 2 milliards de dollars pour un chantier de transports à grande vitesse dans le pays. L’Iran étant une théocratie, le rapport entre sciences et religion est clairement inégal en faveur de la religion. Mais il y a eu une révolte de la société civile poussant les autorités à améliorer le système. Il y a aussi un retard dû à l’agenda : l’anniversaire de la révolution islamique, les élections législatives et la situation avec les Américains. 

Où parvient-on à mieux contenir le péril ? L'économie mondiale ralentit, les marchés financiers s'effondrent et puis remontent provisoirement. 

Avec Clément Therme, chercheur post doctorant au CERI à Sciences Po Paris, auteur de « L’Iran et ses rivaux : entre nation et révolution » (Passés Composés, 2020), Anne Senequier, pédopsychiatre, co-directrice «observatoire de la santé mondiale» à l’IRIS, Ludmila Acone, docteure en histoire à Paris 1, spécialiste de l’Italie, Carine Milcent, économiste, chercheur au CNRS et professeure associée à Paris Sciences Economiques (PSE), autrice de « Healthcare Reform in China : From Violence to Digital Healthcare », (Palgrave Macmillan, 2018) et Sarah Rozenblum, chercheuse française en santé publique et sciences politiques de l'Université du Michigan.

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